TRINITY - Tome 3 : Rencontre du troisième type

[ 24 ] Problèmes, foudre et chocolat-chaud

[ île des Az'Driss, Triangle des Bermudes,
26 Avril 20**,
17H33 ]

[ Taima ]

J'ai dû m'assoupir.

Encore.

Mes yeux croisent la course du soleil et de sa délégation de nuages blancs. Sur le balcon. De mieux en mieux...

Dans un grommellement, je me redresse en m'appuyant sur mes mains. Mes canines saillent pour prendre toute la place qu'elles peuvent sous mes lèvres. Je me concentre pour les rengainer, mais elles ne sont pas de cet avis. Plusieurs fois d'affilée, elles jaillissent et se résorbent dans mes gencives, qui commencent à en avoir sérieusement assez de ce phénomène.

Et Azaz qui n'est toujours pas revenu...

Je ne le blâme pas. Je suis certaine qu'il fait de son mieux, mais le temps commence à me manquer. Je me sens de plus en plus faible, des crépitements incontrôlés s'échappent de ma peau et ma gorge est aussi sèche que le désert de Gobi. Je porte une main à mon cou, me lève pour retourner à l'intérieur de ma chambre et toussote. Je me suis enfermée sérieusement ce coup-ci, de peur d'attaquer quelqu'un, mue par la soif et non plus par la raison.

Le monde tangue autour de moi. Des flashs lumineux dansent devant mes yeux, mes oreilles bourdonnent. Mes jambes se dérobent sous mon poids. Je tente de me retenir à une console sur ma gauche, mais ne réussis qu'à l'entraîner, elle et tout ce qu'elle supporte, dans ma chute. Le raffut de verre, d'argent et de nacre me semble bien lointain, comme si j'étais plongée sous l'eau. Par terre, arrivant à peine à me redresser sur les coudes, mes canines recommencent à faire des siennes.

Le fracas dans ma chambre, qui était parfaitement silencieuse jusque-là, ramène du monde. Quelques Az'Driss traversent le voilage bleu de mon entrée. Leurs regards inquiets se posent sur moi, des exclamations confuses et inquiètes s'échappent de leurs lèvres en même temps que des paroles dans leur langue que je ne comprends pas. Ils se précipitent vers moi en me demandant ce qu'il s'est passé et comment je me sens, si je ne me suis pas blessée en tombant. Je tends une main devant moi pour qu'ils ne m'approchent pas.

— Stop... Ne m'approchez pas...

Les Serra'Sangs de l'île connaissent la raison de mon mal. Ils ont été mis au courant par Azaz. Il les a bien prévenus de ne pas m'approcher car je pourrais essayer de les mordre, même si je sais que je me sentirai encore plus mal si j'ingurgite du sang alien. Pourtant, les trois Az'Driss font fi des ordres de leur chef pour s'agenouiller près de moi. Leur considération me fait chaud au cœur, il faut bien l'avouer, mais je n'arrive pas a savoir si c'est de l'altruisme, de l'inconscience ou de la stupidité pure et dure. Peut-être ne croient-ils même pas que je sois dangereuse, surtout avec mon corps maigre et moins haut que le leur, mon teint fade et mes yeux creusés de noir. Surtout, ils n'ont jamais vu aucun marqué chasser et ce phénomène leur est bien inconnu.

L'un d'eux me prend par les épaules pour m'aider à aller me coucher dans mon lit, mais une décharge s'échappe de moi comme si mon corps et mes instincts primaires considéraient qu'il était une proie potentielle et qu'il fallait l'attaquer pour en faire ma pitance.

Son cri endolori et choqué pince mon cœur lorsqu'il bondit en arrière en agitant les mains pour en chasser la sensation désagréable. Je ne veux pas ça. Mes paupières s'écrasent les unes contre les autres pour réfréner la pulsion qui secoue mon corps. Je suis certaine que mes canines sont plus visibles et luisantes que jamais lorsque j'ouvre la bouche pour leur dire de partir. Mais c'est trop tard.

Un grognement à peine humain vrombit hors de ma gorge. Des crépitements bleus scintillent le long de mon corps lorsque je saute sur l'un des trois Az'Ddriss, le plus grand et le plus musclé. Même dans un état second, mes bas instincts savent que je dois m'attaquer à de grandes et fortes proies.