TRINITY - Tome 3 : Rencontre du troisième type

[ 28 ] Art, frise et reconstitution historique

[ Halifax, Nouvelle-Écosse, Canada
11 Mai 20**
9H31, heure locale ]

[ Tjana ]

Je coupe le contact. Le moteur, en surchauffe après tant d'heures de route, cesse de ronronner comme un chat enrhumé. Heureusement que je suis maintenant outrageusement riche, parce que la conso de carburant commence à grimper plus vite que la rentabilité financière d'une entreprise créée dans un garage aux U.S. !

En parfaite synchronisation, nous sortons de l'habitacle et refermons bruyamment nos portières derrière nous. Après quelques pas, nous nous arrêtons et levons les yeux en l'air. L'ombre de l'immeuble, comme un dinosaure de béton et de verre tombé au combat, s'étend sur nous trois.

— Un prof d'histoire en fac, hein ?
— Ouaip, assuré-je en relevant mes cheveux en queue-de-cheval.
— Ce sera facile de la faire parler, alors ! s'exclame la jeune femme en avançant.

J'attrape Alysse par le col de sa veste pour qu'elle revienne à côté de nous avant de faire une bêtise.

— Une seconde, Bip-bip. Marek Kaminski est peut-être un simple prof de fac croisé avec un rat d'labo, mais ce n'est pas le cas de son meilleur pote.
— Qui est ? questionne Kat.
— Tod McIntosh... Vous lisez les rapports ou quoi ?
— Quels rapports ? demande Alysse, plus absorbée par le goût de sa sucette que par mes dires.
— Je rêve... D'habitude, c'est moi qui demande les renseignements juste avant d'aller en mission...

Je n'apprécie que très moyennement que les rôles s'inversent... Il faut vraiment que Trixie, Taima et moi soyons à nouveau réunies. Nos rôles d'avant nous convenaient bien mieux.

— Bref... Tod MacIntosh est un ex militaire des commandos spéciaux. Depuis qu'il a appris que L'Cubain est entré en contact avec Krasinski, il est devenu un véritable Cerbère...

Les deux jeunes femmes soupirent.

— Sinon, c'est pas drôle.
— Alors pas de conneries. On va y aller à la cool et simplement demander des infos sur les tableaux et à les voir. Capichi ?
— Attends, c'est toi qui dis ça ?
— Ouais, affirmé-je en volant la sucette de la bouche de ma petite amie.

Nous avançons vers l'entrée, Katinka en laissant son regard glisser sur les environs, et moi à reculons, pour pouvoir regarder Alysse lever les yeux au ciel. Elle trottine vers moi et récupère sa sucrerie. On se chamaille dans la ruelle jusqu'à ce qu'une sonnette nous interrompre. C'est Katinka qui écrase le bouton de l'interphone, saoulée par notre comportement immature. Avec une œillade blasée de la part de la brunette et quelques raclements de gorge, Alysse et moi reprenons notre sérieux.

Après nous être identifiées, une voix rude nous ordonne de nous rendre au sous-sol. Ce que nous faisons, Katinka jouant à l'éclaireuse. Arrivées sous les néons jaunâtres, parfois clignotants, du dépôt, nous sommes accueillies par deux hommes. L'un a tout du militaire souffrant d'un léger syndrome post-traumatique : gros bras tatoués, cheveux coupés courts et rasés sur les côtés, la barbe grisonnante de quelques jours et le visage peu amène ; le second est au contraire le cliché d'un adorable professeur de fac qui doit avoir son petit succès auprès de ses étudiants mais qui est mal à l'aise avec ça. Remontant machinalement ses lunettes sur son nez, il se lève pour nous tendre la main.

— Vous êtes les généalogistes, je suppose. Ravi de vous...
— Trente secondes, Marek. N'oublie pas que ces trois filles connaissent ce gangster de Cubain.

L'aigreur qui perce sa voix lorsqu'il parle de ma connaissance me fait froncer le nez.

— Arrête un peu... Elles ont l'air normales.