[ 33 ] Cachalots, retour au bercail et inversion des rôles

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[Ottawa, Ontario, Canada,
12 Mai 20**
10H17, heure locale ]

[ Taima ]

C'est bon. Le combat est terminé, et il se solde par notre écrasante victoire. Trixie se laisse choir au sol, fatiguée de sa course-poursuite. Le blonde et moi la rejoignons dans un soupir heureux de poser nos fesses. L'aînée me prend subitement dans ses bras, plongeant son visage dans ma nuque.

— Eh ! La garde pas que pour toi ! se plaint Tjana en faisant de même.

Je tends les bras pour les serrer fort contre moi. Je sens les larmes monter et cette fois, je ne suis pas certaine de pouvoir les réfréner.

— Nous avons vraiment cru te perdre...
— Mais on a jamais pu s'résoudre à abandonner...
— Moi aussi j'ai eu peur... Mais je vais bien maintenant, hein ?

Tjana et Trixie se redressent lentement. C'est la première fois depuis des années que je vois leurs yeux se troubler. Une larme s'échappe le long de la joue de chacune. Je m'empresse d'essuyer ces indésirables.

— Oh non, ne pleurez pas...
— Comment veux-tu ?
— On a eu tellement peur que tu sois morte, putain !

Je reconnais cette expression. Celle qu'on fait lorsqu'on a pensé tout perdre, mais qu'on a continué vaille que vaille, à mi-chemin entre le déni et la foi. Je me mets à pleurer à chaudes larmes, entraînant mes sœurs dans ce flot, intarissable, bien que silencieux. On reste juste là, à même le sol, à chialer comme des madeleines. Je crois que ça nous fait du bien. On a besoin d'évacuer ce trop-plein d'émotions.

— Trixie ? Tjana ? Taima ? s'exclament quatre voix.

Notre bulle éclate pour laisser entrer Arsène, Katinka, Isaac et Alysse qui nous sautent littéralement dessus pour nous prendre dans leur bras.

— Vous allez bien ?
— Merde, alors t'es vivante, Tai' !
— J'en crois pas mes yeux !
— Je suis contente !

Maintenant, nous subissons une attaque de cachalots-calineurs.

— Ouais, bah ça va pas rester longtemps comme ça si vous nous étouffez, grommèle la blonde.

J'étouffe de bonheur et de chaleur humaine.

— Arrête de te plaindre, toi. On sait tous que t'adores ça, réplique sa petite amie.

Nos retrouvailles sont interrompues par des voitures de police, des caméras et des appareils photo crépitants. On se fait encercler...

Ils ne m'avaient pas manqué, eux...

Ces indésirables curieux n'obtiendront rien. Nos masques et nos capuches protégeront nos identités et on a pas pour habitude de prévoir un créneau interview dans nos emplois du temps de super-héros... On ignore ces silhouettes qui n'osent même pas nous approcher, dissuadés par les cinq cadavres baignant dans des flaques vertes, le long de l'avenue abîmée.

— Mais... comment ? demander Isaac.
— Très bonne question. Tu as des choses à nous dire, jeune fille, affirme Trixie.
— Oui maman.
— Il n'm'avait pas manqué lui.

Je ris, puis croise le regard d'Arsène, qui me paraît encore plus rouge que dans mon souvenir.

— Taima... Qu'est-ce qu'il t'est arrivé ? Ton odeur a changé.

Je ne suis qu'à moitié étonnée que le brun ait si vite remarqué ce changement. Il est intelligent et observateur, après tout. Avant que je puisse l'en empêcher, il dégage le col de mon t-shirt de mon cou, dévoile les quatre petits trous encore cicatrisants. Les filles et Isaac ne comprennent pas, me demandent où je me suis fait ça, si j'ai mal, si je me suis battue avec un marqué. Le regard d'Arsène, par contre, passe entre moi et Trixie. Je crois qu'il a compris.

TRINITY - Tome 3 : Rencontre du troisième typeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant