[ 50 ] Serenity World

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[ Serenity World
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[ Trixie ]

Nous nous retrouvons dans un pâturage, parsemé d'arbres offrant l'ombre de leur rameaux ondoyant à des chevaux qui broutent, seulement dérangés par quelques mouches qu'ils chassent d'un mouvement de queue ou d'un ébrouage. Du mouvement attire notre attention. Une petite fille court dans les brins d'herbe, qui lui arrivent presque à la taille. Ignorant la question « Où sommes-nous ? », je souris d'abord, ne voyant qu'une enfant qui joue. Les coins de ma bouche retombent lorsque quatre hommes apparaissent à sa poursuite. Ils remontent rapidement jusqu'à elle, l'attrapent et la traînent derrière eux malgré ses cris, ses larmes, ses ruades et ses appels au secours dirigés vers des parents qui observent ces inconnus emmener leur fille sans rien dire.

Changement de décor : une pièce blanche et capitonnée. Le seul meuble est une chaise agrémentée de liens de cuir qui sanglent la petite fille aux boucles blondes. Des médecins et des scientifiques s'affairent, tourbillonnent autour d'elle, calepin et stylo à la main. Cette petite n'est qu'un rat de laboratoire... et elle a grandi. Elle n'a plus dix ans, mais plutôt quinze. Les expériences s'enchaînent, jour après jour, en un long Enfer. La petite ouvre grand les yeux. Ils sont vert tendre et leurs pupilles sont fendues.

Quelques scientifiques courent se cogner le front contre les murs, d'autres attaquent leurs pairs avec des bruits d'animaux enragés, certains se mettent à crier de peur en reculant face à un danger invisible et un homme effectue un doigt d'honneur à une caméra de surveillance dans un coin... Voici le pourquoi du comment de cette pièce capitonnée : éviter aux bourreaux de se blesser lorsque le rat se rebelle. Une seringue est violemment plantée dans le cou de la fille, qui tombe presque inconsciente. Tous les événements psychiques cessent. C'est là qu'une rumeur traverse les murs capitonnés de la pièce blanche. Une alerte retentit, une voix crache des ordres dans un microphone donnant sur la pièce.

La porte épaisse est enfoncée, des soldats en armes neutralisent à jamais les scientifiques tortionnaires. Un grand homme aux épaules carrées et aux traits figés entre dans la pièce, tranquillement, en conquérant. Il observe un instant la scène en vérifiant que ses boutons de manchettes ne vont pas tomber, puis ses yeux bleus perçants tombent sur le corps frêle de la fille aux boucles en bataille. Il soupire, la libère, la porte dans ses bras et la sort d'ici.

Le temps passe, la fille est élevée par cet homme sans savoir si elle est sa fille de substitution ou son arme de prédilection. Mais une chose est certaine : elle aime celui qui lui a rendu sa liberté comme si elle était sa progéniture. Alors, elle lui restera fidèle, à son service jusqu'à ce que la mort les sépare. Et elle sait, elle, pourquoi il est comme ça : austère, cassant, détaché de tout, mais les yeux rivés sur son seul et unique but.

La fille, qui est devenue femme, a vu dans ses souvenirs cette nuit tragique : la réunion au bureau qui s'éternise ; le message vocal laissé à leur intention à toutes les deux pour leur dire de ne pas l'attendre et d'aller directement au spectacle avec le chauffeur ; les bouchons sur la route pour atteindre le théâtre ; les sirènes de police ; l'inquiétude soudaine ; la décision subite de sortir pour rejoindre le théâtre à pied malgré les objections du chauffeur ; la course pour atteindre le lieu de rendez-vous, le cordon de sécurité et l'agent qui empêche l'accès aux passants ; la vue d'un groupe d'hommes menottés et embarqués ; la demande d'aide à ce jeune sergent blond à la mine rendue un peu bourrue par le métier mais efficace et compréhensif ; les recherches organisées tout autour du théâtre et le long du chemin emprunté par les cambrioleurs, pour la plupart arrêtés un peu plus tôt ; deux corps retrouvés : celui de cette femme qui avait toujours ses yeux limpides emplis de curiosité et de malice et celui de cette fillette dont les éclats de rire emplissaient toujours la demeure familiale. Elles sont Natasha, sa femme, et Maria, sa fille...

Le désespoir se déverse dans ses veines, son cœur, et s'écoule bruyamment de ses yeux rougis pendant qu'il les serre dans ses bras en leur demandant pardon...

Plus tard, à l'hôpital, alors qu'il veille « sa Tasha » et « sa petite Macha », le policier revient vers lui pour lui montrer les images des caméras de surveillance (c'est vrai que, normalement, le jeune policier n'aurait jamais fait une telle chose, mais pour un politicien et magistrat aussi estimé par ses pairs et la population, il peut bien faire une entorse à la règle) ; sur l'écran, l'homme voit passer sa femme, tenant leur fille par la main ; sur l'image suivante, elles tombent sur un homme penché sur un sac de sport noir, le visage découvert ; Natasha court avec sa fille dans ses bras, poursuivie par l'homme ; il les rattrape, la mère essaie de retenir le jeune homme pour laisser une chance à sa fille de s'enfuir en courant, mais il pose une main sur sa tête et elle s'effondre ; la petite ne bouge plus, debout face à l'homme, elle semble pleurer pour sa maman, avant que le braqueur ne se jette sur elle pour toucher sa tête ; Maria tombe à son tour par terre ; l'homme rabat sa capuche, récupère son sac, s'enfuit. L'agent Liamine avait un nom pour Dmitriev : Stanislas Lisa, une petite frappe s'étant engagée dans un cambriolage quelques jours plus tôt. C'est là que celui qui était un homme de loi s'est mué en un monstre d'anomie. C'est à ce moment très précis qu'il s'est juré de soigner et de venger sa femme privée de souvenirs et sa fille plongée dans un sommeil éternel.

TRINITY - Tome 3 : Rencontre du troisième typeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant