TRINITY - Tome 3 : Rencontre du troisième type

[ 15 ] Loutre, espionnage et dû

[ Île des Az'Driss, Triangle de Bermudes
21 Avril 20**
08H03, heure locale ]

[ Taima ]

Je termine mon petit déjeuner, constitué de fruits colorés et biscornus que je n'avais encore jamais vus et dont les noms tout aussi tarabiscotés m'échappent, assortis à une boisson blanche très acidulée. Je me demande si ce liquide laiteux ne vient pas d'un fruit, un peu comme une noix de coco.

Je me lève du tapis sur lequel je suis assise en tailleur, repousse le voilage bleu nuit, traverse les colonnes décorées de coquillages pour sortir sur le balcon. Tôt le matin, la fraîcheur glissant sur ma peau est agréable. Depuis mon promontoire, je peux observer le paysage et le village en contrebas. Le soleil a fini de se lever à l'ouest, la mer et le sable brillent, les gens commencent déjà à s'agiter au dehors, dans les rues, sur la grand-place, au marché. Il y a des maisons-coquillages disséminées tout le long de l'immense plage. D'autres personnes en sortent, se rassemblent en petits groupes et partent sur l'eau à bord d'embarcations rudimentaires en bois. Je suppose qu'ils vont à la pêche.

Je fronce le sourcils. D'après ce que j'ai compris, ce peuple possède une science très avancée. Alors pourquoi pêchent-ils sans l'aide de la moindre technologie ? Existe-t-il en fait de grandes disparités au sein de cette société ?

Le cliquetis des coquillages décorant un voilage me sortent de mes pensées. C'est certainement celui qui donne sur l'intérieur de la chambre. Azaz est passé me rendre visite pour me déposer mon plateau du petit-déjeuner, m'a dit qu'il savait que je faisais semblant de dormir, puis m'a laissée tranquille. Revient-il déjà me voir ?

Du dos de la main, je repousse un pan de tissu bleu marine. Azaz est sur le pas de la porte, quelque chose d'enroulé dans une étole dans les bras.

— Qu'est-ce que c'est ? demandé-je en me glissant dans l'ombre de la pièce nacrée.
— Un vekrinn.
— Un vek-quoi ?

Ce qui se cache sous l'étoffe bouge, une petite tête se montre, puis une créature s'échappe des bras d'Azaz, même si ce dernier essaie de l'en empêcher.

— Doucement ! demande-t-il à la créature.

Celle-ci saute au sol, s'y ramasse le museau, secoue la tête pour se remettre puis trottine jusqu'à moi. D'abord surprise, je recule ; mais la curiosité l'emporte. Je m'accroupis et tends doucement la main. La petite créature me tourne malicieusement autour, renifle mes doigts, puis s'y frotte les babines. Ses vibrisses vibrent et changent de couleur, comme un arc-en-ciel.

Incroyable !

Je n'ai jamais vu de créature aussi... particulière. Hormis ces extraterrestres, évidemment...

Proportionnellement et morphologiquement, je n'arrive à rapprocher cet animal de rien d'autre qu'une loutre reptilienne. Mouais. Je ne ferai pas zoologiste, moi. Elle est entièrement couverte d'écailles bleu pâle, opalescentes. Elle est douce et froide au toucher lorsque ma main caresse son dos, protégé par des écailles plus épaisses. Une paire d'ailes constituées d'une peau translucide, proportionnées comme celles d'une chauve-souris mais trop atrophiées pour lui permettre de voler, décorent ses omoplates, frétillant lorsque j'y passe délicatement la main.

Est-ce que ça veut dire qu'elle apprécie, ou qu'elle me prévient d'arrêter d'y toucher, comme un chat agitant la queue ?

Je préfère revenir à sa tête pour en gratter le sommet du bout de l'index. Sa queue chasse l'air, bordée d'un voile de chair bleue identique à la peau de ses ailes. Je me demande si cette particularité lui permet de mieux nager. J'en suis convaincue lorsque la créature se dresse pour poser ses pattes avant sur mon genoux. Ses doigts sont palmés et des griffes rétractables, acérées, apparaissent lorsqu'elle s'en sert pour se retenir à la peau de ma jambe. Heureusement, la créature ne les y plante pas.