NOA et la Cité Einstein [Watt'Cheers... ss contrat édition] (Saison 1)

EPISODE 1 : A celles et ceux qui ouvrent des portes (1)

« Il ne faut pas en vouloir aux événements. »

Plongés dans l'obscurité, les deux hommes courent désespérément. Ils fuient les villes désertes pleines de cadavres. Ils s'échappent ainsi depuis le crépuscule et s'enfoncent encore et toujours dans les ténèbres de la forêt des exilés. Passant les zones forestières, ils parviennent à la vallée de Néron. La vallée où jadis se tenaient encore des milliers d'arbres, des verdures dont mêmes les cendres ont aujourd'hui disparu.

En face des deux hommes se tient le gigantesque pont Planck d'une matière mêlant roche, métal et nanotechnologie. Perdus dans la brume par-dessus l'eau froide des mers du nord, les deux comparses distinguent au loin une grande tour droite, élancée, lumineuse. A la fois court et long suivant sa rétractation du mois, le pont surplombe des iles tout juste abandonnées de commerce, d'observation et de passage. 

Autour du cylindre au loin se tiennent des habitations, nombreuses, multiples, constituées d'espaces verts sur plusieurs étages mais jamais trop élevés, au sein desquels chaque appartement-maisonnée est constitué de vitres massives.

Ils vérifient derrière eux, un dernier regard lancé vers un présent qui ne sera plus. Surement est-ce cela le passé ? Les écumes aux yeux des paupières noyées qui guettent un espoir vain de voir l'histoire s'inverser. Se versent seulement les sanglots séchés de ces humains qui ont trop pleuré. Ils observent alors devant eux, vers la Cité Einstein, bleutée de la couleur voutée habituelle qui réfléchit les rayons du soleil supernova et de ses deux lunes.

Un homme dans la force de l'âge soutient un ascendant qui peine désormais à avancer. Le poids des années est une masse que le corps même robuste ne supporte qu'un temps limité. Ils se hâtent au mieux pour s'approcher de la grande porte du pont, sur la Vallée. Il s'agit d'un passage ancestral, la technologie avancée représentative des Grands Anciens.

La porte nommée Planck, comme le pont, surplombe les Eaux Brumeuses du nord, signe du passage de la Cité. Plus précisément, c'est l'un des trois accès connus de la dernière Cité humaine, mais le dernier encore valide. Malgré l'âge, les vents et les tempêtes, l'ignorance et l'oubli, cette porte ne dissimule en rien sa distinction, et prolonge, voire alimente avec les saisons, son magnétisme d'origine.

Les deux compairs harassés avancent difficilement. Ils sont vêtus des tenues habituelles de leur rang : un mélange de toges, de matériaux souples à technologie limitée, d'une cape de voyage dont la capuche couvre les visages et la couronne de laurier de l'un, de sacs de voyage pour l'autre. Ils ont délaissé leurs chevaux effrayés pour poursuivre à pied.

Le plus grand se nomme Marc. Il a le regard noir, le visage anguleux, les muscles marqués. Marc est réputé pour son corps robuste, certes, mais surtout pour être un proconsul précoce. Il fut efficace, à l'impulsivité bienvenue dans une assemblée de réflexions stériles. A peine entré dans la maturité du corps que déjà il s'illustrait dans des décisions sociétales majeures.

S'ils partagent la même détermination sans failles, tous les autres traits physiques et de caractère distinguent les deux hommes. Rémus est petit, fébrile, âgé, expérimenté et mesuré. Il a toujours été présent, de toute discussion, depuis la construction même de ces lieux et de ses règles. Le Premier Consul, considéré par tous comme le premier Philosophe-Roi, a pour habitude l'analyse et la prudence, la conduite digne de l'empathie plutôt que la vaillance du courage. Il quête l'ataraxie, le calme des émotions plutôt que la tempête des sentiments.

Les deux hommes marchent avec regrets. Ils ne souhaitent pas se mêler aux habitants de la Cité Einstein, les « domiens ». Les habitants de la Cité furent ainsi surnommés puisqu'ils vénèrent leur fameux Dôme « Newton ». Ces habitants si arriérés, si présomptueux, tellement ignorants... selon Marc. Néanmoins, si les abords de la Cité sont peu avenants, ce qui les poursuit l'est d'autant moins.