EPISODE 7 : A celles et ceux dont le jour est venu (3)

96 48 5
                                    

« Exerce-toi, pour l'amour du ciel, à exécuter de petites choses. »


Place du Dôme, quartiers centraux de la Cité Einstein, zone centre sud-ouest, semaine de Liberalia :

Emilie et Vasco reviennent auprès du groupe avec des glaces dans les mains.

- Vous n'étiez pas partis voir si c'était ouvert pour nous ? interroge Martin.

- Si, bientôt. Ils libèrent les accès, répond Vasco.

- Et du coup les glaces ?

- C'est en attendant ! rétorque avec évidence la jeune femme aux cheveux bleus.

- Attention Vas, les libra partent vite ! sourit Noa.

- Je n'allais pas laisser la petite comme ça, avec ses quelques denarri.

- La petite ? exprime soudainement la jeune fille en tournant violemment la tête et en jetant un regard noir au grand garçon derrière elle qui semble fier de lui.

- Oui, tu me faisais de la peine là à manger les glaces des yeux.

- Donc, tu en as acheté pour toi aussi par... compassion ?

- Tout-à-fait. De plus, le trajet toute cette Mane a créé en moi une faim que la Taverne n'a pu combler, voilà tout.

- C'est incroyable le monde qu'il y a, commente San-Suu avec une légère agoraphobie.

- Toujours, affirme son frère. Chaque début de semaine, pour l'ensemble des habitants ayant atteint l'âge ou les volontaires supplémentaires jugés valides.

- Et ça fait du monde, c'est clair ! appuie Vasco en mangeant ses deux glaces en même temps.

- Je ne pourrai pas vivre ici, c'est une certitude, s'inquiète San-Suu en fermant sa veste comme si l'habit la protégeait psychologiquement.

- Les domiens sont habitués, ils ne le remarquent même plus, souligne Noa.

- Les domiens ? souffle Emilie à San-Suu.

- Les habitants des quartiers du Centre proches du Dôme, lui explique son amie.

- Moi, ce n'est pas ça qui me surprend... dit énigmatiquement Noa, d'une voix mystérieuse en questionnement.

- Comment cela ? répondent de concert tous ses amis... et sa sœur plus fort que les autres.

- Vous ne remarquez pas ? Malgré le nombre de présences, on dirait qu'il manque beaucoup de monde.

Visiblement, à l'expression de leurs visages, les Hastatis ne comprennent pas les propos de Noa. Ils cherchent autour d'eux, sans en percevoir des absences significatives.

- Je n'avais jamais fait attention à ça, mais aujourd'hui c'est une évidence.

- Mais quoi à la fin ? s'emporte Vasco.

- Par la supernova, tu vas cracher le morceau ! s'impatiente Emilie qui déteste que son frère fasse cela.

Noa s'approche de San-Suu en lui montrant des visages et des groupes de personnes. Alors qu'il cherche à lui faire apparaître une flagrance, la jeune femme rougit et perd toute concentration.

- Vous ne voyez vraiment pas ? demande Noa de manière inquiète. Il manque des générations entières... regardez bien, il y a les jeunes comme nous, des plus jeunes, beaucoup, et des parents... Mais... entre nous et les parents ? Et au-delà des parents ?

Le groupe vérifie tout autour, cherche et semble en difficulté à contredire Noa.

- C'est vrai qu'il n'y a quasiment pas de vieux ! crie Emilie, mettant tout le groupe mal à l'aise.

- Chut... Mimi, chuchote San-Suu.

- Pardon, mais c'est dingue non, Suu ?

- Comment ça se fait ? dit calmement Martin. Tout le monde vient pourtant pour la Liberalia.

- Ben oui, c'est un événement ! confirme Emilie, heureuse d'obtenir un soutien.

- Ça faisait longtemps qu'il n'y avait plus d'épreuves, enfin si l'on excepte la précédente. Mais je crois qu'ils avaient regroupé différents âges lors de la précédente édition afin de combler.

San-Suu remarque que ses propos inquiètent plus qu'ils ne rassurent ses amis.

- Enfin, je dis cela sans en être certaine, se reprend-elle maladroitement.

- C'est évident, d'ailleurs tu te trompes souvent... répond ironiquement Vasco.

- Encore, les vieux je peux comprendre ! dit toujours aussi fort Emilie en mettant de nouveau tout le groupe mal à l'aise face aux regards qui s'abattent sur eux. Mais No a raison, c'est vrai qu'il n'y a quasiment pas de trentenaires... ajoute-t-elle en fouillant des yeux tous les visages qu'elle croise.

- Les saisons furent rudes à ce point ? interroge Martin avec sa retenue habituelle. J'avoue ne pas comprendre non plus.

Noa se retourne face au groupe, le visage soucieux. Visiblement, sa réflexion allait au-delà de ce simple constat, ses amis connaissent ce regard. Il retire ses lunettes pour laver les verres avant de les remettre et prononcer une phrase qui plonge les Hastatis dans un doute complet :

- Ce n'est pas ce que je voulais dire... Quand avez-vous vu pour la dernière fois des adultes dans ces âges, ou même des personnes âgées hormis quelques exceptions comme nos professeurs ou des responsables ?

San-Suu, Emilie, Vasco et Martin se regardent interrogatifs.

- Il manque des générations... dont celle de nos parents, dit-il en regardant sa sœur.

L'interrogation de Noa tombe juste, le sentiment est partagé, mais personne ne se sent de commenter le sujet des parents. Ils savent le poids de tels mots pour leur ami. San-Suu place son écharpe légère autour du cou, par-dessus son élégante veste, en exprimant ses conclusions :

- J'ajouterais même que les personnes âgées en bon état... se font rares.

- Sauf les nôtres, par les deux lunes heureusement ! rectifie en partie Martin.

Le grand Hastatis lave ses mains des restes de glace avant de ramener sa longue mèche en arrière. Il partage à son tour ses réflexions :

- C'est vrai. Entre ceux qui sont dans leurs champs au loin et ceux qui sont complétement déments dans les services gérés par la Tante Francine, les vieux qu'on croise ne donnent pas envie de prendre de l'âge.

NOA et la Cité Einstein [Watt'Cheers... ss contrat édition] (Saison 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant