EPISODE 16 : A celles et ceux pour qui apparaissent les Choses (4/4)

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« Ce ne sont pas les évènements qui troublent les hommes, mais les évaluations prononcées sur les choses ; ainsi la mort n'est rien de terrible, mais l'évaluation prononcée sur la mort : qu'elle est terrible... »


- Au lever de la seconde lune, les clients parlaient de disparitions à la Taverne. Ils évoquaient des Infans qui n'étaient pas rentrés et des parents inquiets, narre Bacchusa de sa voix cassée.

- Cela correspond aux rapports, confirme T. Petra. De nombreux enfants dans les banlieues furent enlevés et ont été retrouvés, pour certains.

- Et comment allaient-ils ? interroge San-Suu devant le visage froid du Principes qui se contente de la fixer avant de poursuivre.

- Morts. Ils ont été mutilés, ajoute-t-il sans empathie. Normal que dans le Centre il y ait des échos.

Avec la vue par vibrations, Noa comprend que tout est dévasté. Il espère que la librairie de papier n'a rien, mais cet espoir est dérisoire à côté des vies humaines.

- Vous parlez des corps qui jonchent les sols ? demande-t-il à T. Petra.

- Non, ceux-là viennent d'apparaitre. Vu le sang, la lividité, la rigidité cadavérique qui n'a pas commencée... Ils datent d'aujourd'hui.

Au milieu du chaos ambiant, le groupe en cercle dans les escaliers se tait. Il ne prononce aucun mot pendant plusieurs minutes, à l'image de réfugiés dans un bunker pendant une attaque de bombes.

Ils sont pris dans une caisse de résonance qui leur donne l'impression d'une bulle d'énergie qui gonfle, proche de l'implosion. L'intensité monte, les tympans vibrent, l'amygdale cérébral est en appel d'hormones, les peaux sont moites, jusqu'à une déferlante de sons extérieurs telle une puissante agression.

Un bruit terrible éclate de nouveau et des hurlements reviennent. Tout le groupe ressort la tête du sous-sol en direction de la brèche dans l'enceinte, derrière Parfuma Cultura. Des corps humains marchent de manière désarticulée, tombent, quand d'autres rampent au sol. Les cadavres étendus ont le visage réifié, déshumanisé, la bouche ouverte, la langue pendante et les dents ressorties.

- Je ne peux pas rester ici, je vais voir ! s'emporte Vasco.

- On y va ! approuve San-Suu qui souhaite également aider du mieux possible les victimes.

- Non, ne faites pas ça ! s'effraie Bacchusa.

- C'est aussi potentiellement notre seule sortie, explique San-Suu vers Bacchusa et T. Petra.

Elle évoque la brèche qui s'est agrandit dans l'enceinte à travers les magasins. Un espace conséquent s'est formé et permet de voir aisément la place centrale du Dôme.

- Hors de question, les stoppe T. Petra.

- Mais il y a des gens à aider... justifient-ils.

- Et donc ? rétorque le Principes. Vous vous prenez pour leurs parents ? Vous devez quelque chose à ces gens ? Qu'allez-vous faire exactement ?

- C'est Avenzoar, non ? commente calmement Martin en regardant à travers les vitres.

- Zo ! réagissent Emilie et Vasco.

Ils voient apparaitre au loin les cheveux rouges de l'Hastatis désormais Caligulas dont les couleurs réfléchies par les lueurs du soleil passent par la brèche au milieu d'autres personnes en fuite.

- Que fait-elle ? demande Martin, désemparé, aux côtés de Bacchusa qui se tient la tête entre ses mains.

- On dirait qu'elle s'approche de la zone d'attaque, lui répond sa sœur.

NOA et la Cité Einstein [Watt'Cheers... ss contrat édition] (Saison 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant