Chapitre 66

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Je passe le plus clair de la journée à regarder Kery travailler. Il refuse que je porte des charges lourdes, me réprimande si je fais trop d'effort. Ça m'amuse de l'embêter alors je ne renonce pas et continue d'essayer de l'aider. Nous terminons de fixer les poutres de la mezzanine dans la matinée puis déjeunons avec Edouard et Ela qui nous ont rejoint. Kery passe une bonne partie de l'après-midi avec eux, pour leur maison. Pendant ce temps, je pose le sol de la mezzanine. Je retire mon écharpe dès qu'il est parti pour être plus à l'aise et la remets en faisant mine d'attendre ou de bricoler lorsqu'il revient. Il n'est pas dupe, il voit les planches se monter. Je sens que ça l'inquiète un peu et ça me fait rire. Edouard et Ela rentrent en début de soirée et nous nous retrouvons tous les deux. Je m'assois sur la partie du sol de la mezzanine construite et le regarde faire le tour des planches, vérifier chaque vis.

- Alors chef, j'ai bien travaillé ?

- C'est plutôt pas mal pour une infirme et une fille.

Je le fusille du regard ce qui le fait rire.

- Je suis sûre que tu reverras ça demain.

- Non, je n'y toucherai pas, c'est bien

Je souris fière de moi.

- Mais demain tu te reposes.

- Ici, peut-être.

- Tu serais mieux chez toi.

- C'est ici chez moi.

Il vient s'asseoir près de moi.

- Et si je ne peux pas venir demain ?

- Alors je terminerai le sol toute seule.

- Surement pas.

- Alors viens demain m'en empêcher.

- Je me ferai un plaisir de te mettre à la porte de ta propre maison

- Tu en es incapable.

- Tu crois ça ?

Je souris.

- Je t'ai entendu dire que tu serais là à Edouard et Ela.

Il sourit.

- Je pourrai passer la journée uniquement avec eux.

- A tes risques et périls. Qui sait quel défaut je pourrai faire dans ma propre maison ?

- Je suis sûr que tu adores commettre des imperfections pour voir ma réaction.

- J'avoue que ça m'amuse.

- C'est plus fort que moi, j'ai besoin que tout soit parfait.

- Tu es pointilleux, c'est plutôt une qualité.

- Ce n'est pas ce que tu disais la dernière fois.

- Non, c'est juste que parfois tu te prends trop la tête mais c'est mignon.

Il sourit. Je détourne le regard.

- Je n'ai pas tout dit à mon père hier, sur ce qu'il s'est passé dans les souterrains, avec les hommes de la forêt.

Il me fixe inquiet.

- Je ne veux pas qu'il sache parce qu'il va paniquer et va me restreindre alors promets-moi que tu ne le diras à personne.

Il prend ma main.

- Bien sûr.

- Ces hommes ne m'ont pas pris moi au hasard, ils me cherchaient, ils avaient chacun un portrait de moi dans leur poche. Je ne sais pas si c'est parce qu'ils ont compris que j'étais la fille de Léandro ou parce qu'ils m'ont vu me battre mais ils en ont après moi.

Il détourne le regard l'air inquiet et tendu.

- Je suis désolé, je ne voulais pas casser l'ambiance, j'avais juste besoin de t'en parler et je voulais que tu restes sur tes gardes lorsque tu es avec moi parce qu'ils pourraient revenir dans la région.

- Tu as eu raison de me le dire, je réfléchissais juste à un moyen de te protéger.

Je souris.

- Je peux prendre soin de moi.

- Je le fais tellement mieux.

J'entends alors siffler mon clan. Je me relève et sors dehors. Kery me suit.

- Rentre chez ton père, je vais voir, me dit-il.

- Non, je...

- Talia, tu ne pourras pas te battre. S'il te plait, rentre chez ton père et laisse-moi aller voir.

Je le fixe et hoche la tête. Il m'escorte jusque chez mon père puis s'éclipse. Celui-ci est en discussion avec plusieurs gardes, visiblement inquiet. 

- Chérie, tu es là, dit papy soulagé.    

- On a entendu siffler, Kery m'a raccompagné. 

- On a eu tellement peur que tu sois assez téméraire pour les rejoindre.

- Qu'est-ce qu'il se passe ?

- Une attaque de sauvage.

Je rejoins ma chambre et observe la garde et les chasseurs s'afférer à repousser les sauvages.


Le temps est long, je me sens tellement impuissante. J'aimerai tellement les rejoindre. Je ne sais pas si Ela est là-bas, j'ai peur qu'il lui arrive quelque chose, j'ai peur que Kery les ait rejoint et soit blessé. Je patiente un moment puis l'agitation se calme et on nous annonce qu'ils sont partis. Je descends rapidement sur le camp et trouve Ela, les armes encore à la main. Je la sers dans mes bras.

- Tu n'as rien, je souffle soulagée.  

- ça va, je n'ai que quelques égratignures.

- J'ai eu si peur et j'ai détesté attendre là-haut.

Elle s'écarte et sourit.

- C'est frustrant, hein..., se moque-t-elle.

Je lève les yeux au ciel. Kery nous rejoint. Je le regarde de la tête aux pieds à la recherche de la moindre blessure.

- Je n'ai rien, dit-il.

Ela rejoint Edouard.

- Merci beaucoup d'y être allé, c'était très courageux, je dis à Kery.

Il se passe la main dans les cheveux.

- Ce n'est rien, me répond-il.

- Je vais y aller, on se voit demain.

- Oui, on se voit demain.

Je rentre chez mon père. 

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