Utopia

Chapitre 6

Je ne sais pas combien de temps je reste dans cette position sans bouger ne serait-ce que l'ombre d'un doigt de pied. Il me faut un long moment avant de réaliser les frissons qui se propagent dans mon corps. Derek paraît beaucoup plus grand, imposant, sûr de lui, et juste plus homme qu'enfant. La plupart du temps au vu de son comportement on pourrait soit croire qu'il est inconscient de ses actes et qu'il agit sans réfléchir, et plus je l'observe plus j'ai le sentiment qu'il m'a l'air capable de réfléchir à certains de ses mouvements.

Tout de même, je ne crois pas qu'il soit capable de faire la différence entre le bien et le mal.

J'aspire l'air chaud qui passe juste entre ses lèvres me donnant un arrière-goût de clope dans la gorge que je déteste. Mes yeux croisent les siens et je crois bien que pendant une fraction de seconde je vois ce qui s'apparente à de la méchanceté. Pourquoi ? Les traits de son visage sont pourtant encore plus beaux vu de près, ses lèvres sont bien plus colorées que la normale chez les hommes, des sourcils remplis et noir autant que ses cils. Il est le mélange parfait entre le réel et l'irréel. Une création qui s'apparente à ce que toute femme serait prête a damné pour l'avoir.

— Je pense que tu peux te relever maintenant, il fait froid. Murmurais-je en sentant mes vêtements commencer à se mouiller.

Il continue pourtant de me regarder, il détaille tout autant les traits de mon visage. Il vient déposer son front contre le mien me clouant au sol littéralement. Sa respiration se fait plus lourde alors que ses yeux se ferment devant moi. Il a la peau froide, encore plus froide que la mienne, une odeur qui mélange le musc et le fumé légèrement épicé. Mon cœur se met à battre vite, beaucoup trop vite, un mélange entre peur, incertitude et euphorie se mélange dans mon cœur qui malgré tout reste la sans bouger. Je n'aurais jamais laissée qui que ce soit s'approcher de moi d'aussi près, et encore moins un homme. Plus jamais un homme.

Plus les secondes passent plus j'ai l'impression qu'il s'endort et pendant un court instant je pense même que c'est le cas. Il finit par se redresser complètement debout, me laissant allonger sur le sol encore sous le choque.

Je finis par me redresser à mon tour trouvant qu'il fait bien trop froid pour que je reste une seule seconde de plus allongée. Je ramasse ma veste sur le sol et l'enfile rapidement pour espérer retrouver un semblant de chaleur. Je vérifie que mon petit chaton n'a pas été trop mouvementé, mais il a l'air de dormir aussi profondément qu'une souche, déjà qu'un chat ça dort beaucoup, alors un chaton ça bat tout les records du monde.

— Ne refait plus jamais ça. Je ne sais pas ce qui te fait croire que tu es tout permis mais...

Je redresse la tête pour affronter son regard mais il a disparu, il n'est plus la. Oh bon sang il est passé ou ? Je tourne autour de moi-même mais il n'y a rien, absolument rien, je ne vois aucune trace de pas, non non non, je ne peux pas l'avoir perdu comme ça ? Il était là il y a quelques secondes seulement.

— Derek ! Derek tu es ou !

Je crie son prénom en ramassant rapidement mon sac à dos avant de commencer à faire le tour de je ne sais quoi. J'essaye de garder l'œil ouvert mais les minutes commencent à défiler et la panique ainsi que l'angoisse de ne plus jamais le retrouver se font ressentir. Et j'ai le sentiment de contrôler la situation jusque-là, que je vais réussir à le retrouver, mais il a fallu qu'il se mette à neiger. Mes nerfs me lâchent et les premières larmes commencent à couler m'annonçant que je suis en train de perdre pied.

Qu'est-ce que je vais faire ? Si je ne le retrouve pas ? Si il finissait par mourir de froid ou bien de faim dans la forêt ? C'est grand ici, et moi-même qui suis pleine de conscience j'ai du mal à me repérer. Ça dois faire maintenant deux heures que je le cherche et mon petit chaton commence à réclamer à manger quand bien même je lui ai donné son biberon que j'avais préparé, je n'avais pas prévu de rester aussi longtemps dans la forêt.