C'est quand les choses commencent à devenir vraiment intéressantes et agréables que quelqu'un frappe à la porte de la chambre de manière insistante. Les amants provisoires arrêtent net leur exploration charnelle et s'interrogent du regard. Comme le toqueur intempestif a cessé, ils sourient et se remettent au travail. Il ne faudrait pas perdre un si bel élan de volupté ! Leurs bouches se retrouvent et s'emballent. Leurs mains s'explorent sans aucune pudeur. Allegra est aux anges.
Mais de nouveau on frappe.
— Tu attends quelqu'un ? chuchote Min-Ho.
— Non ! murmure Allegra qui n'a pas du tout envie de se lever pour aller voir.
Enlacée à son amant, la jeune femme niche son visage dans son cou et recommence à l'embrasser, mais le coréen a désormais l'esprit ailleurs. Il semble contrarié. Voire inquiet. Ses mains restent inactives et son corps tendu.
— On s'en fiche, dit Allegra. C'est sans doute quelqu'un qui s'est trompé de chambre, dit-elle en tentant de le réintéresser à son corps en attente de caresses.
De nouveau, on frappe. Cette fois, Min-Ho s'écarte d'Allegra, prêt à aller voir.
— Non ! Laisse. J'y vais, dit-elle en s'enroulant dans le drap froissé du lit, ne laissant rien à son amant pour dissimuler sa nudité, ce qu'il semble moyennement apprécier.
Allegra hausse les épaules mentalement en s'approchant de la porte. Petite vengeance. Il avait qu'à ignorer l'importun visiteur. Elle est passablement en colère. Si l'intrus tapageur lui casse sa nuit d'amour pour rien, il va le sentir passer...
— Pourquoi me dérangez-vous à une heure aussi tardive ? attaque Allegra dans un japonais maitrisé à la perfection, aussitôt qu'elle voit l'employé de l'hôtel et son chariot.
Le vieil homme s'exprime avec peu de clarté. La jeune femme comprend « commande », « urgent », « insister », tandis que l'employé avance bien malgré elle – c'est-à-dire en la poussant sans ménagement avec son chariot – jusque dans la chambre ! Elle le suit en se disant que le coréen a peut-être commandé quelque chose à son insu... mais quand elle voit le visage furieux de ce dernier, elle comprend qu'il n'en est rien.
Elle tente alors de se faire comprendre de l'employé. Explique plusieurs fois qu'elle n'a rien commandé. Hausse le ton. Essaye de chasser l'intrus. En vain. Le vieil homme fait la sourde oreille et installe le chariot près de la table pour la dresser comme pour un dîner aux chandelles.
Min-Ho se rhabille prestement et s'excuse auprès d'Allegra.
— Mais... il va partir. Je vais prévenir la réception...
— Laisse. Ça m'a coupé mon élan. Et puis, j'ai reçu un appel. Je dois rejoindre un collaborateur au plus vite.
Allegra, toujours enroulée dans son drap, n'est pas loin de lui lancer qu'il pourra concourir bientôt au festival de la pire excuse bidon de tous les temps. Elle se retient, laisse partir son presque amant et se tourne vers l'employé avec le regard d'une déesse courroucée.
Elle prend alors le vieil homme par les épaules et le force à sortir sans trop d'effort, comme s'il avait compris qu'il valait mieux quitter les lieux au plus vite.
Allegra est furieuse. Elle s'assoit lourdement sur une chaise, soulève la cloche argentée qui se trouve sur l'assiette devant elle et se retrouve nez-à-nez avec l'un de ses mets favoris : des mochi au sésame. Par curiosité, elle soulève la seconde cloche de l'autre côté de la petite table. Rien. La bouteille dans le seau à champagne est vide. Les fleurs dans le vase sont en tissu et légèrement poussiéreuses.
Elle trouve ça de plus en plus bizarre. Son regard passe de la porte fermée à la table. Puis au chariot. Puis, à son sac de voyage ouvert sur le fauteuil près du lit. La jeune femme se lève, vérifie ledit sac, puis sa besace posée à côté. Elle retrouve le petit réticule qu'elle a utilisé pour la soirée près du lit sur le sol. Ouvert. Bien que peu ordonnée, Allegra sait exactement comment elle laisse ses affaires. Et si elle est bien sûre d'une chose en cet instant, c'est que quelqu'un les a fouillées.
Elle se précipite alors sur la table de nuit où elle a posé son collier pendant ses brefs ébats avec Min-Ho. Il est toujours là. Elle remet immédiatement autour de son cou la fine chaîne en or dont le délicat pendentif rectangulaire d'une simplicité extrême, n'est rien d'autre qu'une clé USB. Elle sourit.
Elle n'aurait jamais pensé que le cadeau que Sally lui avait fait pour rigoler quelques années plus tôt, lui serait d'une si grande utilité un jour.
Elle enfourne un mochi avec délectation en prenant son téléphone. Un coup de fil s'impose.
VOUS LISEZ
Les tribulations d'Allegra Muller
Chick-LitAllegra Muller ne croit pas au destin et voit son verre toujours à moitié plein. Elle ne cherche pas à révolutionner sa vie, elle trace son chemin. Mais parfois sur les chemins que l'on trace, il y a des obstacles. Fortuits ou non, ils infléchissent...