Depuis qu'ils sont entrés, il n'a pris que des aliments équilibrés et foncièrement sans saveur. Tout ce qu'elle a tenté de prendre, il l'a reposé en lui montrant la liste des ingrédients mauvais pour la santé. Donc pas de chips. Pas de viande fumée. Pas de brioche fourrée. Allegra soupire.
— Je veux du sucre.
— Du sucre ?
— Du sucre ! Oui ! Un truc sucré ! N'importe quoi ! Mais sucré !
Il sourit devant cet accès d'humeur provoqué par un truc aussi futile.
— Et arrêtez de sourire comme ça !
— Pourquoi ? demande-t-il légèrement décontenancé.
— Parce que vous êtes beaucoup trop beau, et que c'est agaçant ! réplique-t-elle en poussant le chariot vers l'allée suivante du magasin d'alimentation.
Allegra a vraiment besoin de sucre. Ou de sexe. Au choix. Comme la dernière option ne semble pas envisageable pour de multiples raisons, la première étant qu'elle ne va pas s'envoyer un espion – elle a déjà failli se donner corps et âme à un traître sud-coréen !! Faut pas pousser quand même ! -. Le sucre reste donc une solution des plus envisageables pour calmer son stress et sa contrariété.
Trop beau ? Dieter est en arrêt avec sa boite de conserve dans la main. Il la repose distraitement et rejoint la jeune femme qui se tient devant un rayon bien fourni de mochi. Elle sourit largement. On dirait une gosse devant ses cadeaux de noël. Il secoue la tête d'incompréhension.
Un peu comme lorsque le matin même, il est entré dans la salle de bain et s'est retrouvé dans un sauna envahi de produits féminins. Aucune femme n'a jamais eu la possibilité d'envahir son espace vital comme Allegra le fait. La jeune femme n'en a pas conscience, mais pour lui, c'est une véritable épreuve, bien plus complexe à surmonter qu'un contrat.
Il a beau jouer au charmeur de temps à autre, comme il a appris à le faire pour des missions ou pour satisfaire les exigences de son corps – après tout, il n'est qu'un homme –, il n'a en réalité que peu d'expérience en relation sociale « normale ». Si on peut appeler « relation sociale normale » le fait de côtoyer une femme qui est son parfait opposé...
Il tend le bras et attrape un paquet de mochi au sésame. Elle secoue la tête en se mordant la lèvre inférieure et désigne un paquet en dessous. Rose bonbon avec des étoiles et de petits visages souriants... Une vraie môme. Il s'attend presque à la voir taper des mains de plaisir. Mais non. Elle se contente de fixer le paquet de mochi avec un air gourmand. Il sourit à son tour. Elle lève alors la main face à lui.
— Je veux aussi du soda et du jus de fruit.
— Rien que ça ?
— Il va bien falloir ça pour manger les trucs que vous avez mis dans ce chariot... C'est quoi ce truc vert, là ? Et ces boites ?
— De quoi cuisiner.
— Cuisiner ? Manquait plus que ça...
— Ça vous dérange aussi...
— C'est barbant... Et puis, il faut faire la vaisselle et ranger après... Au moins au resto, il n'y a qu'à manger.
— Vous êtes vraiment impossible ! Je cuisinerai et je rangerai... Mais ne vous avisez pas de critiquer ! Sinon, rations !
— Pourquoi faire tant d'efforts ?
— Parce que, si vous vous en fichez, moi je fais attention à ce que j'ingère. J'ai besoin d'être au maximum de ma forme et de mes capacités. Pas bourré de sucres et de trucs chimiques...
Allegra hausse les épaules et souffle comme une ado qui écouterait le sermon de ses parents.
— Ah ! D'ailleurs, en parlant de forme, et tout ça. Je me suis trouvé un autre contrat. Je dois me reposer convenablement. Donc, ce soir, je dors avec vous, lance-t-il nonchalamment en poussant le chariot vers les caisses de paiement.
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Les tribulations d'Allegra Muller
Literatura FemininaAllegra Muller ne croit pas au destin et voit son verre toujours à moitié plein. Elle ne cherche pas à révolutionner sa vie, elle trace son chemin. Mais parfois sur les chemins que l'on trace, il y a des obstacles. Fortuits ou non, ils infléchissent...