Les tribulations d'Allegra Muller

39/ Sous couverture

Dieter est inquiet. Et pas seulement parce qu'Allegra joue à la perfection son rôle de petite amie avec Shimada - il a été furieux de les voir s'embrasser-. Le voleur a reconnu la femme qui accompagne la délégation. C'est une tueuse professionnelle connue sous le pseudonyme de Racoon. Une tueuse qu'il connaît parce qu'elle a interféré sur un contrat qu'il avait accepté quelques années auparavant. Ça avait failli mal finir pour lui. Racoon était une experte en poison en tout genre et connaissait mille manières de les administrer.

Par un message rapide, Dieter demande à Ari de rechercher tous les contrats qui pourraient avoir un lien avec cette affaire, y compris ceux incluant le meurtre. Bien que surpris de la demande, Ari s'est immédiatement exécuté.

— Tu ne vas pas apprécier.

— Vas-y.

— Le contrat est sur la tête de Shimada. Les patrons de Kim n'ont pas dû apprécier les rebondissements de l'affaire... à moins qu'ils n'aient compris ou appris que tout ceci est un immense enfumage...

— Si c'était le cas, Shimada n'aurait même pas pu arriver jusqu'ici. Et encore moins avec Allegra. Ils ne savent pas pour le piège. Ils sont toujours à la recherche du fichier. Ils pensent sans doute qu'Allegra m'a mis hors course. Qu'elle est une voleuse de haut vol. Une nouvelle dans le circuit.

— Pourquoi Racoon, alors ?

— Pour piéger Allegra.

— Hein ?! Mais...

— Quel que soit l'issue de cette soirée, Shimada va mourir, et Allegra Muller sera accusée... ce que je ne comprends pas, c'est la position de Shimada. Ses hommes ont dû l'avertir de la présence de la tueuse.

— Peut-être n'ont-ils rien sur elle ? Tu la connais parce que tu as déjà eu à faire à elle...

— Scheisse...

— Ouais ! Comme tu dis.

— Mlle Muller ? M'accorderiez-vous une danse ?

La demande est faite sur un ton des plus aimables, avec un sourire à fossettes. Allegra ne peut refuser. Ne doit pas refuser. Sa mission commence.

— Vous êtes très en beauté ce soir, Mlle Muller.

— Je crois que nous avons suffisamment été intimes, M. Kim, pour nous appeler par nos prénoms, vous ne croyez pas ?

— En effet. D'ailleurs, comme je vous l'ai déjà dit, je regrette l'interruption qui nous a empêchés de consommer entièrement cette folle passion d'un soir. Quant à notre rendez-vous écourté...

— Vraiment ? Moi qui pensais que vous aviez joué la comédie... Je suis flattée.

— On peut allier plaisir et travail. L'un n'empêche pas l'autre. Surtout dans notre branche.

— Notre branche ?

— Ne faites pas l'innocente, Allegra. Ne perdons pas notre temps à ça. Et qui sait après notre transaction, nous pourrions achever ce qui a été commencé.

— Pourquoi pas, Min-Ho.

— Combien voulez-vous ?

— Le double. Comme vous voyez, je suis assez raisonnable, dit Allegra en souriant.

— Un numéro de compte ?

Allegra se penche vers son oreille et murmure les informations en n'oubliant pas de sourire. Ce qui se passe entre eux doit paraître comme un flirt. Pas une transaction commerciale.

— Je vais me rendre aux toilettes. Laissez-moi un instant pour vérifier que tout est en ordre. Ensuite je reviens à table et je vous fais passer la clé discrètement. J'imagine que vous avez pris des précautions. Je ne peux pas sortir d'ici sans que vous ne soyez au courant, n'est-ce pas ? Alors, qu'en dites-vous ?

— Done.

Dès qu'elle passe la porte des toilettes, Allegra la ferme à clé et s'adosse au battant en soupirant. Elle est si tendue qu'elle pourrait faire une syncope en surprenant une souris. Elle ne vérifie pas le virement. Elle s'en fiche. Le compte est fictif. Il ne lui appartient pas. Elle attend le feu vert que les hommes de Smith doivent lui envoyer. Elle fixe le téléphone qu'on lui a fourni à cet effet.

Un léger bruit sur sa droite la fait sursauter.

— Matthew ? Qu'est-ce que vous faites ici ? s'exclame-t-elle en découvrant le jeune homme dans l'entrebâillement de l'une des deux cabines de toilette.

— C'est trop compliqué. Il faut juste que vous sachiez que vous êtes en plein milieu d'un nid de vipères.

— Pardon, mais ça n'est pas nouveau. Ne vous inquiétez pas. La transaction a eu lieu. Regardez ! Le virement est ok, dit-elle en montrant le message de validation des hommes de Smith.

— Non. Il ne s'agit pas de ça. La fille est une tueuse.

— Une tueuse ? Shimada le sait ?

— Je ne pense pas. Et elle est là pour lui...