Les tribulations d'Allegra Muller

3/ Sally Fisher

Quand on parle d'Allegra, il faut aussi évoquer Sally, meilleure amie ever.

Sally, donc, de son vrai nom Sabrina Fisher – ne lui demandez pas pourquoi elle porte un prénom américain alors qu'elle vient d'Alsace, ça la fâcherait sévère, car ça lui plaît moyen d'avoir le prénom d'une chanteuse à gros seins qui se trémoussait dans les piscines des années 90 alors qu'elle est plate comme une Flammekueche ratée -, Sally, donc, a suivi les tribulations d'Allegra depuis la maternelle.

La mère de Sally, était voisine de tante Greta. Il était évident que les deux gamines allaient développer un lien. Ça aurait pu être une haine viscérale tant elles ont un caractère à l'opposé l'une de l'autre, mais suite à un échange de bonbon déjà suçoté par l'une et désiré par l'autre en première année de maternelle, elles ont choisi de s'aimer « pour toujours » et s'y sont tenues.

Sally, hyperactive plutôt garçon manqué, est très vite devenue passionnée d'art martiaux. Elle protège efficacement Allegra de ses détracteurs – pas facile d'assumer une salopette jaune soleil avec des basket vertes à 7 ans -. Allegra, quant à elle, offre à Sally une bulle de pure joie avec son caractère fantasque, son humour incroyable et son optimisme à toute épreuve. Ça la change de la soupe à la grimace familiale.

Sally suit Allegra jusqu'au lycée. Et puis, l'une se révélant plus scientifique que l'autre, il faut se rendre à l'évidence, les deux amies ne prendront malheureusement pas le même chemin. Un pacte d'amitié est établi avec des conditions très strictes concernant les appels quotidiens, hebdomadaires, et mensuels (minimum vital), les divers messages et liens à travers les réseaux sociaux, qui explosent leurs premiers forfaits d'étudiantes fauchées. Peu importe. Le lien est maintenu.

Quelques années plus tard, quand elles se retrouvent toutes les deux à New-York pour travailler, l'une comme traductrice pour l'ONU, et l'autre comme chercheuse, l'amitié indéfectible est toujours là. Leur relation de meilleures amies ever reprend là où elles l'avaient laissée.

Jusqu'à Samuel.

Samuel Ford est lui aussi traducteur. Il est américain. Il est assez beau selon Allegra, moyen selon Sally. Confiant selon Allegra, arrogant selon Sally. Adorable selon Allegra, déprimant selon Sally. Sur le point de quitter sa légitime, selon Allegra. Très, très, très, marié, selon Sally.

Allegra veut croire en son histoire (comme à chaque fois). Sally anticipe le désastre à venir. L'opposition finit en bataille rangée avec une sévère dispute – à la limite de la rupture-, mais s'achève sur la victoire de la meilleure amie. Bien loin de lui en vouloir, Allegra lui tombe dans les bras pour un moment de consolation nécessaire. Les hommes passent. Sally reste.

Cependant, cette aventure amoureuse-là va avoir plus de répercutions que les autres sur l'existence d'Allegra. Si, par le passé, la jeune femme est toujours parvenue à soigneusement se préserver d'un certain nombre de déconvenues une fois l'histoire terminée, la séparation d'avec Samuel se révèle plus problématique, voire terriblement complexe, car il lui est impossible d'éviter son ancien amant dans le bureau où ils travaillent tous les deux.

Les deux amies convenant que la situation n'est pas saine - Et elle l'est d'autant moins que Ford, sous couvert de tendres rigolades, ne se prive pas de se moquer de son ancienne maitresse -, il a fallu trouver une solution.

L'élimination pure et simple du sujet incriminé a été évoquée lors d'une soirée arrosée, mais non retenue au petit matin, au grand désespoir de Sally, reine de la solution expéditive – Elle se voyait déjà attacher un parpaing au bout d'une chaine, elle-même enroulée autour du dit faquin à éliminer, pour finalement tout balancer dans la baie, genre film de mafieux à la Scorcese -.

Finalement, Allegra va choisir la solution light – Elle n'a pas le diplôme bilingue argot de prison/américain. Et surtout, il lui arrive d'être beaucoup plus lucide que Sally -, et décide de partir. Pas définitivement. Elle aime trop son travail pour ça. Mais il est possible de changer de bureau d'affectation, à condition d'être patient.

Seul hic, et non des moindres, Allegra n'est pas très patiente.

Une demande de mutation associée à une demande de disponibilité plus tard, elle prend un billet d'avion pour le Japon après avoir obtenu un poste temporaire dans une Alliance française.

Nous arrivons donc au moment où l'existence de Mlle Muller est sur le point de basculer sans qu'elle n'en sache rien.