Allegra manque de s'étouffer avec sa propre salive, déglutit péniblement et répond enfin un « quoi ! » fébrile, avant de le rejoindre au pas de course.
— En tout bien, tout honneur. Je me mettrai d'un côté, et vous de l'autre. J'ai besoin d'un sommeil réparateur. Je ne peux pas me permettre d'être au quart de mes capacités. Je dois donc dormir convenablement. Le canapé est inconfortable, continue-t-il en payant, tandis qu'Allegra l'observe avec circonspection.
La jeune femme se demande s'il est sérieux ou si ça n'est qu'un prétexte pour se retrouver dans le même lit qu'elle. Mais dans ce dernier cas, l'approche est maladroite. Non. Bien sûr qu'il est sérieux. Ce type, bien que confronté au quotidien à des situations périlleuses et stressantes, a l'âme d'un comptable, elle n'en démord pas. Il ne songe sans doute même pas à s'approcher d'elle. Il veut dormir « convenablement ». À cette réflexion, Allegra soupire. Une partie de jambes en l'air ne lui aurait pas déplu, même si « môsieur » est un pénible, elle ne peut pas s'empêcher d'éprouver de l'attirance.
Elle pense alors à une conversation qu'elle a eu avec Sally l'année de leurs 17 ans. Son amie lui avait expliqué très sérieusement que l'attirance sexuelle n'était en fait qu'une réponse à des stimuli nécessaire à la reproduction de l'espèce. Donc, si elle part de ce principe, la femelle primitive en elle considère le « barbant comptable » comme un mâle reproducteur convenable. Ces fichues hormones !
Allegra pense qu'elle préfère la version romantique : La fille sérieuse attirée par le mystérieux et dangereux mâle alpha... Les clichés sont parfois bien plus agréables que les explications scientifiques. Et ce, même s'ils impliquent d'y intégrer un élément - l'amour -, aussi intangible qu'hautement lié à des notions qu'elle réprouve, comme la destinée ou le facétieux hasard. Mais bon... On est romantique ou on ne l'est pas. Et Allegra, comme autrefois sa tante Greta, est une indécrottable romantique. D'où ses relations désastreuses antérieures.
Dieter se lève et va dans la chambre. Allegra s'est couchée il y a déjà plus d'une heure. Il imagine qu'elle doit dormir. Il aperçoit sa silhouette enroulée dans la couverture, le visage tourné vers le mur opposé à la porte. Il va à la salle de bain pour revêtir une tenue de sport. Comme ça, le lendemain, il sortira sans faire de bruit, puisqu'il court tous les matins, l'aube à peine levée. Il a l'habitude de dormir peu.
Allegra ne dort pas quand elle sent le corps de Matthew se glisser sous la couette. Il n'empiète pas sur son côté. Ne tente rien. Elle entend sa respiration devenir lentement régulière. Elle soupire. Contrairement à elle, il ne voit aucun problème à la situation. Elle se recroqueville de son côté et s'endort finalement.
À l'aube, quand Dieter se réveille, ils sont l'un contre l'autre. Le petit visage de la jeune femme auréolé de cheveux roux, s'est collé à son torse. Son bras enroulé autour de sa taille. Lui, l'a enlacée comme un bien précieux à protéger.
Elle est dans ses bras, et il en ressent un contentement étrange et peu familier. Une sensation nouvelle qu'il savoure une minute ou deux - au risque de la voir se réveiller –, avant de se détacher lentement. Il l'observe encore un peu depuis son bord de lit. Endormie et paisible, la jeune femme ressemble à un petit animal blotti dans un nid de draps. Il secoue la tête pour se reprendre. Heureusement pour eux deux, elle a le sommeil lourd. Sinon, l'instant aurait été gênant, à coup sûr.
Courir lui fait du bien. L'air vif lui remet les idées en place. Il ne peut nier que cette fille l'attire. Mais ça n'est pas le moment. Et puis, franchement, elle ne correspond pas du tout à ses critères habituels. Trop agaçante, trop foutraque, trop voyante, trop exubérante... Définitivement aux antipodes de son idéal féminin qu'il voit plutôt comme une fille lui ressemblant. Saine de vie et d'esprit. Barbante ? Il secoue la tête en souriant. Allegra lui a promis l'enfer, et c'est exactement ce qu'elle lui sert.
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Les tribulations d'Allegra Muller
ChickLitAllegra Muller ne croit pas au destin et voit son verre toujours à moitié plein. Elle ne cherche pas à révolutionner sa vie, elle trace son chemin. Mais parfois sur les chemins que l'on trace, il y a des obstacles. Fortuits ou non, ils infléchissent...