52/ Tête de mule

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Quels que soient les sentiments qu'elle a pu éprouver même brièvement pour le voleur, ils sont balayés par la contrariété et la colère qu'elle éprouve à cet instant.

— Vous ! Vous ! Espèce de ... S'en suit une liste longue, mais non exhaustive, d'injures multilingues que son interlocuteur n'interrompe pas.

Lorsqu'enfin elle s'arrête pour respirer, Dieter reprend la main.

— Bien. Je vois que vous êtes en pleine forme à défaut d'être d'excellente humeur. Je suis désolé de ce qui est arrivé à Tahiti. Mais quelle idée aussi de faire le tour de l'île pour visiter !

— Quoi ?! Parce que ça va être de ma faute ! J'étais à Tahiti contre mon gré ! Je me suis dit qu'avant d'en repartir je pouvais bien faire le tour de l'île ! Vous étiez censé vous occuper de la tueuse !

— Restons en là...

— Non ! Comment avez-vous su que j'étais ici ?

— Écoutez ! Vous n'avez pas beaucoup de temps ! Alors si on allait à l'essentiel ?

— Pas beaucoup de temps ?

— Si je sais où vous êtes. D'autres le savent aussi.

— Vous m'aviez dit que vous vous occupiez de Racoon ! Vous aviez dit...

— Je suis désolé ! C'est bon ? On va à l'essentiel ?

— Qui est ?

— Vous avez dormi, mangé. Il vous manque quoi ?

— Mes fringues !

— La livraison n'est pas complète ?

— La livraison ? s'exclame la jeune femme en faisant le tour de la chambre des yeux.

Elle s'apprête à dire que le coursier a juste déposé une enveloppe quand elle voit les deux sacs en papier posés sur l'étagère basse de la penderie ouverte.

— C'est bon, souffle-t-elle en s'approchant. J'ai le reste.

— Rappelez-moi quand vous êtes prête à partir !

Allegra se demande pourquoi elle obéit aussi facilement à cet homme. Parce qu'il lui a sauvé la vie à plusieurs reprises ? Bof ! C'est en partie à cause de lui qu'elle est en danger. Donc, ça s'annule. Parce qu'il a une autorité naturelle à laquelle il est difficile de résister. Non. À Tahiti, elle n'avait pas fait ce qu'il lui avait pourtant demandé expressément. Alors quoi ? Un charme fou ? Indéniablement, il a un certain charisme. Mais depuis quand se laisse-t-elle influencer par cela ? Le baiser ? L'étreinte fugitive ? Les sentiments qui tourbillonnent toujours alors qu'elle ne cherche qu'à les fuir ? Ça rentre en ligne de compte, mais ça ne fait pas tout. Quoiqu'il en soit, elle sait d'instinct qu'il a raison sur un point. Elle doit rapidement partir loin d'ici. Parce que s'il l'a trouvée, il est probable que la tueuse le fera aussi.


Les chaussures et les vêtements sont parfaits. Y compris les sous-vêtements... Elle refuse de se poser la moindre question à ce sujet. Fox l'a vue presque nue... Elle va dire qu'il a l'œil.

Donc, une parka noire, un jean, un tee-shirt gris, un sweat à capuche noir, des chaussettes et des baskets de running noires. Elle se demande brièvement s'il a choisi ce genre de chaussures parce qu'il pense qu'elle va encore devoir courir pour survivre... Non ! Non ! Bien sûr que non ! C'est fini tout ça ! C'est juste une tenue adaptée au temps de cette saison en Nouvelle Zélande... Une tenue pour un enterrement, oui ?! Pourquoi tout noir ! C'est une basse vengeance de sa part, elle s'en doute... Pas de couleur pour Daphné Blake !

Une fois habillée, Allegra attrape le sac à dos étanche, qui s'est enrichi de ce que lui a livré Matthew, laisse le reste et sort sans appeler Fox.


Dès qu'elle met un pied dehors, un bras au bout duquel un large parapluie est ouvert, se tend vers elle. De manière concomitante son nouveau téléphone sonne.

— Je vous ai dit de m'appeler quand vous seriez prête !! Scheisse ! C'est si difficile de suivre des instructions simples !?

— Je ne suis pas à vos ordres ! Je suis libre de faire ce que je veux !

— Pour le moment vous êtes surtout libre de vous faire tuer !

— Si vous teniez vos promesses, ça ne serait pas le cas !

Elle n'obtient qu'un silence en guise de réponse. Elle se dit immédiatement qu'elle est allée un peu loin. Après tout, rien ne l'oblige à la protéger ? Rien, sinon des sentiments qu'elle a pensé partager. Maintenant, elle a un doute. Pourquoi n'est-il pas avec elle ? Peut-être cherche-t-il simplement à s'assurer que quelqu'un la fasse disparaître sans qu'il ait lui-même à se salir les mains ? Après tout, elle connaît son visage, et au moins l'une de ses planques. Ce doit-être préjudiciable pour lui. Mais dans ce cas pourquoi ne pas avoir agi au Japon ? À moins que... Bordel de merde ! Elle est encore en vie parce qu'elle a une utilité ! Une utilité toute trouvée !

— Je vais raccrocher, et votre gorille, là, je vais le laisser sur place ! lâche-t-elle en raccrochant avec rage.

Elle se retient de balancer le téléphone dans le port, mais uniquement parce qu'elle a un appel urgent à passer. Sally.

— Si je peux me permettre mademoiselle, il vaudrait mieux que vous veniez avec moi.


Les tribulations d'Allegra MullerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant