79/ Revenir d'entre les morts

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La voiture roule à une allure folle. Sally s'accroche à la poignet côté passager. Elle est blême. Elle a bu plus que de raison en attendant l'appel de Ari. Et quand il lui a intimé de ramener la voiture fissa, elle est passé par la case dégrisement rapide en avalant le thermos de café préparé par Amy, qui bien que ne comprenant rien, avait obéi à ses injonctions sans poser de questions. Ensuite Ari s'était mis en mode Mario Kart !

Sur la banquette arrière, Allegra s'accroche comme elle peut elle aussi, pour ne pas basculer sur le blessé qui à la tête posée sur ses genoux.

— Ari ! Vous allez nous tuer ! s'exclame-t-elle alors que la voiture vient de faire un dépassement pour le moins périlleux dans un concert de klaxon rageur.

— Les soins que j'ai pratiqués ne sont pas suffisants. Il lui faut du sang au plus vite et il faut aussi extraire cette foutue balle !

— Je sais. Mais si on meurt avant, ça ne fera pas avancer les choses !

Ari ne répond rien, mais ralentit un peu. La jeune femme a raison. Il faut agir posément, sinon ils ne s'en sortiront pas vivants. Il jette un coup d'œil dans le rétro et voit le visage d'Allegra penché sur celui de Matthew.

— Il est réveillé ?

— Non.

— Vous faites quoi alors ?

— Je le menace. Je lui dis que s'il ne se réveille pas tout seul, je vais devoir pratiquer un acte odieux, comme appuyer là où ça fait mal, voire le gifler violemment. Remarquer que ça n'est pas l'envie qui m'en manque. Quand je pense qu'il m'a fait croire qu'il était mort ! J'en ai giflé pour moins que ça !

Ari ne peut s'empêcher de sourire malgré lui. Cette femme n'est vraiment pas conforme...

— Et le baiser magique vous avez tenté ? dit-il en souriant toujours.

— Le baiser magique ne fonctionne qu'entre prince et princesse, M. Walker. Et si je ne m'abuse, je peux sans doute prétendre être une princesse, mais lui n'a rien d'un prince.

— Je suis quand même venu vous sauver... dit alors l'intéressé avec une voix pâteuse, mais sans ouvrir les yeux.

— Vous êtes réveillé ! Cazzo ! Ari ! Il est réveillé ! s'écrie Allegra avec vivacité avant de se raviser. Vous êtes réveillé depuis quand ? finit-elle en se penchant pour fixer ses paupières obstinément fermées.

— Suffisamment longtemps pour avoir enregistré toutes vos menaces et injures. Je suis extrêmement déçu. Mais à quoi s'attendre de la part d'une femme qui choisit un psychopathe comme amant.

Piquée au vif, Allegra croise ses bras sur sa poitrine et prend une mine renfrognée.

— Si la voiture n'était pas si petite, je vous éjecterais direct de mes genoux.

— J'ai de la chance alors. Quoique... L'odeur que vous dégagez est particulièrement... répugnante. Un ensemble de pisse de mouton et bois brûlé avec une note de... je ne sais pas, tiens. Un élément indéfinissable... mais tout aussi insupportable.

— Vous avez beau jeu de dire ça ! La pisse de mouton, c'est votre faute. Ma veste est ruinée ! En plus, vous aussi, vous puez ! Le cochon grillé, le sang et la sueur.

— Le doux parfum de l'aventure, murmure-t-il en ouvrant les yeux, souriant malgré la blessure qui barre la lèvre inférieure.

— Arrêtez de sourire comme ça !

— Ah ! Oui ! Trop beau ! C'est ça !

Sur l'instant, la réplique lui paraît si inappropriée qu'Allegra éclate de rire.

— Non ! Espèce de bûche ! Votre lèvre saigne de nouveau, finit-elle par dire en tamponnant la blessure avec un mouchoir déjà souillé de sang. Trop beau ?! Vous verriez votre tête ! Sérieusement, il faudrait vraiment être aux abois pour vous trouver beau en cet instant.

— Femme de peu de foi ! La beauté est éternelle quel que soit l'aspect réel de la personne.

Allegra continue à rire devant son petit air contrarié qu'elle sait feint.

— Vous êtes un idiot.

— Oui. Mais votre idiot, il me semble.

Allegra ne répond rien. Ne pas contrarier un grand blessé à l'article de la mort. Elle se contente de passer la main dans les cheveux emmêlés de Dieter en fixant la route un léger sourire aux lèvres. Il va vivre. Elle le sait. Elle en est convaincue. Il n'est pas revenu d'entre les morts pour mourir dans ses bras. Il va vivre. Il le faut.


Les tribulations d'Allegra MullerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant