Son corps humide enroulé dans une grande serviette éponge, Allegra sort de la salle de bain avec un plaisir consommé. Elle sourit en voyant Sally endormie en travers de l'unique lit de cette chambre. La fatigue, la pression et l'alcool ont eu raison d'elle.
Ils sont dans une maison que Ari a qualifié de « nid d'amour passé » au sud de Wellington. Une bicoque poussiéreuse, donc, avec un étage et un immense jardin planté de divers types d'arbres dont la croissance prodigieuse, masque le soleil.
Allegra se démêle les cheveux avec les doigts en s'approchant du fauteuil où une pile de vêtements l'attend. Lorsque la jeune femme voit ce qui a été déposé pour elle, son cœur manque un battement. Elle empoigne les vêtements – si on peut appeler ça des vêtements – et file jusqu'au salon où une heure plus tôt, le néo-zélandais s'est occupé des blessures de Wolf, y compris l'extraction de la balle et la transfusion.
— C'est quoi ça ?
— C'est tout ce que j'ai trouvé dans mes placards qui correspondent à des vêtements féminins.
— Pardon ? Des vêtements féminins ! Ah ! Ça ! Pour être féminin, ça l'est ! Mais je ne qualifierais pas ça de vêtements ! Parce qu'un vêtement est censé recouvrir un certain nombre de partie du corps ! Ça ! Ça ne couvre pas du tout les parties en question !
Dieter, qui arbore un bandage enveloppant son torse et son épaule gauche, est à demi allongé sur la méridienne du grand canapé disposé près de la porte d'entrée de la maison. Il se retient de rire. Allegra tient à bout de bras, un string doré et une minuscule robe pailletée d'un beau rouge cerise. Une de ces robes qui en cachent moins qu'elles le devraient et en dévoilent plus qu'il ne faudrait.
— La couleur doit vous plaire, ne peut-il s'empêcher de dire en cachant son sourire derrière sa main.
— Ça vous fait rire ! Hein ! Ça ne m'étonne pas ! Attendons de voir ce qu'il vous réserve !
Ari est confus. Il n'a pas vraiment réfléchi quand il a sorti ces vêtements. Il a paré au plus pressé. Il file vers sa chambre pour trouver de quoi satisfaire les exigences de son invitée. Jacinda a bien dû laisser autre chose lors de son départ précipité quelques mois auparavant. Le problème, c'est qu'il n'est pas sûr que le « autre chose » convienne mieux. Jacinda ne portait jamais grand-chose de couvrant, à bien y réfléchir. Mais n'était-ce pas justement ce qu'il aimait chez elle ? Cette exubérance ? Cette indécence permanente qui le bousculait dans ses certitudes ? Bien sûr que si... Jacinda lui manque.
— Pauvre Ari. Il ne fera jamais le poids avec vous dans les parages.
— Pauvre Ari ? Pauvre de moi, oui ?! Je vous file la robe contre votre chemise.
— Vous oseriez dépouiller un blessé grave ? s'exclame Dieter avec un air faussement indigné en attrapant sa chemise posée jusqu'à présent près de lui.
— Je ferai plus que ça, s'il le faut, dit Allegra en s'approchant dangereusement du jeune homme.
Prenant appui sur l'unique accoudoir, elle se penche vers lui avec un sourire carnassier.
— Que comptez-vous faire, Mlle Muller ? La torture n'aura aucun effet sur moi, murmure le jeune homme.
— Qui a parlé de torture ? dit-elle en effleurant sa bouche avec la sienne.
Puis elle se redresse aussitôt, avec la chemise de Dieter entre les mains, triomphale.
— Aussi grande soit-elle. Cette chemise ne dissimulera pas tous vos appâts féminins. Elle en dissimulera même moins que la robe.
— Alors disons que la robe plus la chemise devraient faire un ensemble convenable, dit Allegra en s'apprêtant à s'extirper de la serviette de bain pour s'habiller. Elle arrête son geste.
— Tournez-vous, espèce de pervers !
— Je vous ai déjà vue en sous-vêtements, je vous signale.
— Sauf que là, je n'en ai pas...
Dieter pique un fard inattendu qui fait rire Allegra. Il se tourne ostensiblement vers la fenêtre et s'aperçoit que le reflet de la jeune femme y est très net. Il apprécie le spectacle sans piper mot. Jusqu'à ce qu'Ari ressorte de la chambre avec un jean ultra moulant dont la couture extérieure s'orne de clous dorés et un tee-shirt ultra large mais court, comme les danseuses en portent parfois.
Allegra regarde le tribut du néo-zélandais avec consternation en se demandant qui est la propriétaire de ces merveilles de « simplicité » et de « bon goût ». Peut-être qu'il ne vaut mieux pas savoir, en fait.
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Les tribulations d'Allegra Muller
Chick-LitAllegra Muller ne croit pas au destin et voit son verre toujours à moitié plein. Elle ne cherche pas à révolutionner sa vie, elle trace son chemin. Mais parfois sur les chemins que l'on trace, il y a des obstacles. Fortuits ou non, ils infléchissent...