69/ Georges n'existe pas

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Allegra ne peut pas en parler à Sally. Son amie la prendrait pour une folle. C'est sûr. Sentir l'odeur d'un mort, c'est plutôt inhabituel, il faut le reconnaître. Le sentir dans un bar où il y a une multitude de gens, c'est encore plus improbable.

Allegra arrive à se convaincre qu'elle a dû rêver. Même si elle ne comprend pas pourquoi ça serait arrivé ici et à ce moment-là. Cette odeur a disparu avec son propriétaire. Elle n'a même pas un vêtement lui ayant appartenu et qui en serait imprégné pour s'en souvenir. Alors comment pourrait-elle prétendre la sentir dans un bar bondé six mois après sa mort. N'importe quoi !

À moins qu'il ne soit pas mort. À moins qu'il soit là.

Allegra secoue la tête. Il faut qu'elle arrête de se faire des films.


— Allegra ? Je peux vous parler ?

Ari l'attendait près de la porte de la salle de bain. Dans l'étroit couloir plongé dans l'obscurité. il parle bas, le visage inquiet.

— Toujours pas de tutoiement, Ari... Pourtant, maintenant...

— Non. Je préfère garder mes distances, répond-t-il avec un petit sourire moqueur.

— Très bien M. Walker, que voulez-vous me dire ?

— Il s'agit de votre amie et de... son petit ami.

— Pardon ?

— Je ne peux pas m'empêcher de... faire des recherches, voyez-vous. Je suis un peu...

— Maniaque ?

— Disons plutôt surprotecteur.

— Vous savez que vous n'êtes pas mon père... trop jeune de toute façon. Même pas mon frère, tiens ! Quoique ça me plairait assez de vous avoir comme frère, hein ! Mais bon, un frère ça tutoie. Ça ne garde pas ses distances ! lance-t-elle en lui tirant la langue.

— Je... bref, j'ai fait des recherches, et c'est inquiétant.

— Pardon ?

— Ce Georges Steel. Il n'existe pas.

Allegra penche la tête en fronçant les sourcils. Ari décide de continuer avant qu'elle ne se mette en colère et le jette hors de son propre appart.

— Ceux qui ont fait son dossier ont un peu bâclé, vous voyez. Je n'ai pas eu de mal à trouver les failles de sa fausse identité. Georges Steel n'existe pas.

— Comment ça Georges Steel n'existe pas ?! s'exclame Sally qui est arrivé en catimini derrière le large Ari.

Elle porte une grosse paire de chaussettes tire-bouchonnée sur les chevilles, un tee-shirt extra large logotypé d'une pomme croquée, et ses cheveux ont décidé de prendre chacun la liberté de suivre un chemin propre. Ça donne une impression de gamine mal réveillée. Ce qu'elle était en réalité jusqu'au « Georges Steel n'existe pas » qui lui a brutalement éclairci les idées.


Ils sont tous les trois assis autour de la petite table de la cuisine. Des tasses fumantes de café sont posées devant eux. Un dossier ouvert trône au milieu de la table. Le silence règne depuis cinq bonnes minutes.

— Pourquoi ?

— Je suis un peu surprotecteur...

— Pas vous ! Pourquoi quelqu'un usurperait une identité pour s'insinuer dans ma vie tel un serpent vil et sournois !

— Ton travail ? lance Allegra pleine d'espoir, tout en sachant qu'il n'en est sans doute rien.

— Ça ne peut pas avoir un rapport avec mon job. Je ne fais rien de sensible. Et je n'ai pas d'accès assez élevé pour intéresser quelqu'un...

— Je crains que ça n'ait un lien avec... Allegra.

— Je suis désolée, Sally ! Je suis vraiment désolée ! Je vais arranger ça ! D'accord, commence-t-elle en attrapant les poings crispés de son amie. Je vais atomiser Smith ! finit-elle en fixant Ari avec des yeux digne d'une déesse guerrière.

Avec sa couronne de cheveux roux, elle n'en est pas loin.

— Mais pourquoi ? Ça ne sert à rien. S'ils te surveillent, ils n'ont pas besoin de me surveiller en plus ? Je suis loin de toi. Et on se dit tout par visio ou téléphone ?! C'est pas crédible.

— Si, s'ils ont besoin d'un levier.

— Mais pourquoi en aurait-il besoin ?

— Au cas où Allegra refuserait de faire ce qu'ils demandent. Avec la mort de Dieter, ils ont perdu un moyen de pression. Vous êtes la seule personne à laquelle tient Allegra.

— Et vous ?

— Moi, je suis une ombre. Je n'existe pas. Et quand bien même ils auraient des informations sur moi, qu'est-ce qu'un patron de bar pourrait avoir comme importance à leurs yeux ? Je ne suis rien..

Les tribulations d'Allegra MullerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant