Chapitre 33

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Tandis que je tiens fermement le bras d'Hadès, j'observe la tombe qui se trouve à nos pieds. Il n'a pas prononcé un mot depuis que nous l'avons découvert. Son mutisme m'inquiète plus que je ne le voudrais. Je l'ai vu dans tous les états possibles mais jamais dans celui-ci. Il me paraît effacé. Absent. J'ai essayé tant bien que mal de le faire parler. Aucun son n'a voulu sortir de sa bouche.

Je lève mes yeux embués vers lui, le détaillant pendant quelques secondes. Je sais pertinemment qu'il s'en rend compte et pourtant il s'obstine à regarder droit devant lui. Il est droit comme un piquet dans son costard noir. Les bras ballants. Et une expression parfaitement neutre sur le visage. Il ne transparaît rien. Ou plutôt il ne souhaite rien transparaître. Entouré d'expressions tristes et de larmes, il est le seul qui ne montre rien. Cependant, je pourrais donner ma main à couper qu'il est celui qui souffre le plus en ce moment même. Je le comprends par le léger tremblement de son corps que je suis la seule à percevoir.

Je ballais le cimetière d'un regard. Celui des De Rosa. Pendant l'organisation des obsèques, j'ai pris connaissance du fait qu'Agathe n'avait personne d'autre qu'Hadès. Ses proches étaient au courant qu'elle travaillait avec des gens pas très nets et ont donc coupé tout contact avec elle par peur des représailles. Elle s'est retrouvée seule du jour au lendemain. Je pense que ça n'a fait que renforcer le lien qu'elle entretenait avec Hadès.

Cherry m'accorde un sourire triste. Elle fait partie du peu de personnes encore présentes. La plupart sont parties depuis un bon moment maintenant. On est resté afin de lui faire convenablement nos adieux.

Je ne l'ai connu que pendant très peu de temps et pourtant je me suis énormément attaché à elle. À vrai dire, je crois qu'il n'était pas possible de faire autrement. Elle était un véritable rayon de soleil. Je crois bien que sans elle je n'aurai pas tenu le coût. En me réveillant au manoir, je me suis rapidement rendu compte qu'Agathe était mon seul soutien moral. Alors, si je suis encore sur pied aujourd'hui, c'est en grande partie grâce à elle. À cette pensée, ma gorge se noue davantage. Je sens de délicates larmes glisser le long de mes joues. Elle ne méritait clairement pas ça.

C'est en découvrant ce qu'il avait fait que je me suis réellement rendu compte du monstre qu'est Adelio. Il la fait tuer de sang froid et par pur plaisir. Il voulait faire du mal à Hadès alors il a touché à un de ses points faibles. Je ne pensais pas que l'humain pouvait être aussi ignoble.

- Adeliza, vous voulez que je vous raccompagne ou c'est bon ?

Me demande River en chuchotant comme s'il ne souhaitait pas briser la mélancolie qui flotte dans l'air. Je tente de lui sourire tendrement mais cela s'apparente plus à une grimace.

- Ça va aller. Tu peux rentrer.

Il hoche la tête avant de jeter un regard inquiet vers Hadès. Ce dernier reste figé sur place comme s'il n'avait rien entendu. River s'en va finalement.

Les dernières personnes encore présentes ne tardent pas à faire de même. Il ne reste plus que lui et moi, plongé dans un silence de plomb. Plusieurs phrases me viennent en tête mais je n'ose lui en adresser aucune. Tout ce que je pourrais dire n'aura aucun impact sur la douleur qu'il doit ressentir. J'ai un pincement au cœur. Je n'ai jamais vu quelqu'un souffrir autant en silence. C'est une vision terriblement difficile. Un énorme sentiment d'impuissance s'abat sur moi.

Après de longues minutes, complètement immobile, il se détache de moi, toujours sans un mot. Il ne m'attend pas et se dirige vers la voiture. Je murmure quelques mots à la tombe avant de le rejoindre.

Dans l'habitacle, l'ambiance est étouffante malgré l'air frais qui pénètre par les fenêtres. J'essaie de me concentrer sur le paysage qui défile mais la scène d'hier se déroule en boucle dans ma tête. Je ne peux pas effacer l'image d'Agathe, la gorge tranchée et le regard vitreux. J'aurais préféré ne pas la voir et garder la vision d'elle joyeuse et pleine de vie. Mais je ne peux pas changer ce qui s'est passé. Je pousse un long soupir comme si je pouvais expulser aussi facilement la peine dont je suis imprégnée. Je passe le reste du trajet à me torturer l'esprit et à regarder mes doigts entremêlés sur ma cuisse.

Hadès Où les histoires vivent. Découvrez maintenant