Chapitre 40

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- Joyeux anniversaire, sœurette.

Pendant l'espace d'une seconde, je ne réagis pas. Complètement stoïque. C'est comme si je n'avais rien entendue. Comme si mon cerveau refusait de traiter l'information. C'est impossible.

- Tu ne me souhaites pas le mien ? On est le premier mai. Notre anniversaire.

Dit-il en me regardant de haut. Un sourire arrogant scotché au visage. Instinctivement, je secoue la tête de gauche à droite. Il est absolument malade. Plus que je ne le pensais.

- Tu mens.

Je prononce avec autant d'assurance que possible. Mais ma jambe qui martèle le sol suffit pour dire le contraire.

- Papa et maman ont fait comme si je n'existais pas, je suppose. Ce n'est pas étonnant. Ils ont tenté de te protéger de la vérité. Mais ils ont échoué lamentablement. Tu ne serais pas là sinon, Liza.

- Adeliza. Ne m'appelle pas comme ça. Qui es-tu ?

Je crache. C'est le surnom que me donnent mes parents, l'entendre de sa bouche s'apparente à une injure. Il tapote son doigt sur sa bouche, faisant mine de réfléchir.

- Adeliza. Je pensais que tu préférerais un autre nom. Madame De Rosa, par exemple. Je ne comprends pas comment tu as pu tomber aussi bas.

Un rire amer franchit ses lèvres. Je ne comprends rien. Il me parle comme s'il me connaissait depuis des années. Je ne connais pas cet homme !

- Réponds-moi. Qui es-tu ?

Il me lorgne pendant une durée indéterminée puis ouvre la bouche.

- Je vais te raconter une histoire. Le genre qu'on préfère garder entre les pages d'un vieux livre, au fond d'une vieille bibliothèque.

Il marque une pause pour analyser mes réactions. Je ne réagis pas alors il poursuit.

- Il était une fois, un homme et une femme. Papa et maman. Un beau jour, alors qu'ils souhaitaient plus que tout voir une jolie petite fille naître au sein de leur famille, leur bonheur ne fut que multiplié lorsqu'ils se rendirent compte qu'un second cœur battait dans le ventre de la mère. Celui d'un petit garçon. Ils ne s'attendaient pas à ce qu'elle donne naissance à un monstre. Ou même deux. Bon, je t'épargne les quatre premières années de notre vie. Elles n'étaient composées que d'amour, de tendresse. Bref, inintéressant.

Il affiche une mine dégoûtée puis se décolle du bureau pour aller s'asseoir dans le fauteuil placé derrière celui-ci. Je le fixe et attend qu'il poursuive. Je veux savoir où mène cette histoire, même si je commence à comprendre cette vérité absurde.

- Donc, à l'âge de quatre ans, maman est arrivée alors que j'essayais désespérément d'écraser la carapace de Lucy, notre tortue. T'imagines le choc ? Voir sa progéniture assassinée un être vivant de sang froid. Elle a paniqué. Notre mère en a parlé à papa et il a dit que je ne savais pas ce que je faisais et que c'était un accident. Il avait tout faux.

Même en étant enfant, il était déjà complètement malade. Ce n'est pas étonnant qu'il soit dans un tel environnement aujourd'hui.

- Pourquoi tu me racontes tout ça ?

Je demande en poussant un soupir. Il m'arrête d'un signe de la main.

- Laisse-moi finir. Ils m'ont laissé tranquille pendant un bon moment. Deux ans. Jusqu'à ce qu'il me revoie faire la même chose. Enfin, pas tout à fait. J'étranglais un chat. Cette fois, maman et papa ont pris les choses en mains et m'ont emmené faire des analyses. Les spécialistes ont trouvé quelque chose. Une mutation des gènes CDH13 et MAOA. Appelée aussi le gène du tueur en série. Cela entraîne des excès de colère, de violence et surtout commence par la maltraitance sur les animaux. Autrement dit, j'avais tous les symptômes. Ils ont pris peur et ont crû que j'allais te faire du mal, un jour ou l'autre. Alors, ils m'ont placé dans un centre qui était censé m'aider à aller mieux. Au début, il venait me voir toutes les semaines, puis quelques fois par mois, une fois dans l'année pour mon anniversaire mais les dernières années, je ne les ai plus revus. J'y suis resté douze ans. Jusqu'à mes dix huit où j'ai enfin eu la possibilité de m'en aller. En sortant, j'aurais pu les tuer mais je ne l'ai pas fait. Ils n'en valaient pas la peine. Bref. Tout ça pour dire que tu as ce gène également. Ce qui explique tes pulsions meurtrières par moment. Tu es comme moi, sœurette !

Hadès Où les histoires vivent. Découvrez maintenant