II. Chapitre 1 - Un retour difficile [Réécriture]

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Taylor,

Un regard dans mon rétroviseur m'informe qu'Ezra s'est endormi sur les sièges arrières. La route est longue et la nuit dernière l'a été tout autant. Surexcité d'enfin rentrer à la maison après trois mois d'absence, il n'a trouvé le sommeil que tard dans la nuit. Le motel qui nous a accueilli à mi-chemin était miteux mais assez confortable.

Ezra a adoré son petit road trip, sans se douter un seul instant de ce qui m'a poussé à le déscolariser quelque temps. Il a vécu tout ça comme des vacances, préservant son innocence. Mais il est temps de rentrer. J'ignore ce qui va m'attendre en passant les portes du complexe, une pointe d'anxiété s'enfonce dans ma poitrine, que je chasse avec une grande inspiration.

L'inconnu m'attend. Les premiers jours, Caleb a essayé de me contacter. Il m'a harcelé d'appels et de messages restés sans réponse. Alors, il n'en a plus attendu, se contentant de raconter ce qu'il se passait chez les SOD tout en occultant le sujet Callaghan. Tout ce que je sais, c'est que Jesse et Ducon se sont lancés dans un projet de sérum qui pourrait la rendre éligible à la greffe, lui faire gagner du temps.

Les jumeaux ont aussi tenté leur chance pour abandonner. Clegane m'a laissé un message sur ma boite vocale m'indiquant de prendre le temps qu'il me faudrait, Jesse est resté silencieux, comprenant mon besoin de fuir. Seth, ce con s'est amusé à m'envoyer des devinettes toutes plus débiles les unes que les autres, une fois par semaine, sans jamais oublier. Quant à Max, elle n'a pas donné une seule fois signe de vie.

Je suis partagé entre la déception et le soulagement. L'annonce de sa maladie m'a foudroyé sur place, me mettant dans un état difficilement gérable autant pour moi que pour les autres. J'ai laissé hurler ma peine, ma peur et ma colère. C'était comme se prendre une balle en plein thorax. J'ai senti chaque fibre de mon être mourir une à une.

Les deux premières semaines de ma fuite, je n'ai fait que ruminer ma rage et ma colère en occultant ma douleur et ma peur panique de la perdre. Perturbé par les derniers mots que je lui ai crachés au visage et qui me hantent encore. Après plusieurs nuits blanches, la souffrance a refait surface. Mon cœur a hurlé sa peine, mon âme m'a supplié de la rejoindre.

J'ai tenu bon, gardant mon objectif bien en tête. Maintenant, je rentre pour reprendre ma place et régler mes comptes avec cette foutue héritière. La boule au ventre, je me gare dans le parking du complexe, exténué par la route après avoir déposé Ezra chez Clary. Trop heureux de retrouver sa baby-sitter après trois mois d'éloignement, il lui a sauté dans les bras sous le regard attendri de la jolie rousse.

J'ignore quel sera l'accueil des SOD, je tiens à l'éloigner de tout ça avant de le ramener à la maison. Le couloir menant à la salle d'entraînement est désert. Aucun bruit ne vient perturber le calme ambiant, ce qui est putain d'anormal. Vivre en communauté avec des mecs, des armes et des bécanes rend l'environnement bruyant, le silence est annonciateur de mauvaises nouvelles. Bordel, qu'est-ce qu'il se passe ?

Mon regard est attiré par la seule silhouette présente. Kyle. Devant un sac de frappe, un tee-shirt noir et un cargo sombre, il se déchaine à s'en péter les articulations. Mon mouvement lui fait relever la tête. Son regard sombre plonge dans le mien un instant, un rictus amer se greffe sur sa gueule avant qu'il ne se remette à frapper plus fort en m'ignorant.

— Où sont les autres ? M'enquiers-je d'une voix polaire en approchant.

Je n'ai pas oublié que ce fils de pute a pointé son flingue sur la tête de Max. Putain de taré.

— Au Speak à se bourrer la gueule. Ce qu'ils font tous les jours depuis deux saloperies de semaines. Grogne-t-il en percutant le cuir du sac de son poing gauche.

C'est quoi ce bordel ? Si la picole fait partie de nos soirées, ce n'est jamais aussi régulier.

— Qu'est-ce qu'ils branlent ?

Où est Max ?

Kyle se fige brutalement, son regard dévie lentement vers le mien et me scrute avec attention, les traits tirés de stupéfaction. Un battement de coeur affolé m'agite.

— Parle. Ordonné-je les muscles raides.

Ses iris déjà sombres se transforment en deux puits vides, sans vie.

— T'es pas au courant. Lâche-t-il dans un souffle douloureux en passant une main sur son visage.

— Au courant de quoi putain ?! M'emporté-je, incertain de vouloir le savoir.

Sans un mot, il me dépasse, attrape les clés d'une Jeep et m'invite à le suivre d'un signe de tête.

— Suis-moi. J'ai quelque chose à te montrer.

Son ton plat et l'éraillement dans sa voix agitent mon instinct. Je déglutis, obtempère en montant sur le siège passager de la Jeep, gérant au mieux la boule d'angoisse logée dans mon estomac. Non loin du complexe, une colline surplombe la ville. Un immense saule pleureur y trône, Kyle s'y gare sans un mot.

— Qu'est-ce qu'on fout là Kyle ? Demandé-je la boule au ventre.

Mutique, il sort de la caisse et commence son ascension sur la colline. Je le suis, les membres engourdis par une appréhension violente. Gravissant la plaine, je remarque près du sol un petit cerisier, fraîchement planté. Mon cœur se serre, refuse ce qui se passe sous mes yeux.

"Planter un cerisier permet de faire perdurer la mémoire d'un proche que l'on a perdu, j'ai voulu le graver sur ma peau au lieu de le mettre en terre."

À côté de l'arbre, une stèle blanche est installée. Le nœud dans l'estomac remonte dans ma gorge. Je lève les yeux vers Kyle, son visage n'est que tristesse et douleur. Les mains dans les poches, il m'invite du menton à m'approcher. Guidé par je ne sais quelle force, je le rejoins. Mes yeux lisent les inscriptions dorées, délicates et féminines. Un dernier battement de cœur résonne dans ma poitrine avant de s'arrêter.

Maxine Valérie Sophie Callaghan.
Héritière des Sons of Death.
À notre sœur, amie, fille.
L'âme d'un Sons, ne meurt jamais.

Un éclair de douleur foudroie mon organe, détruit l'ensemble des cellules qui me constituent. Une souffrance lancinante ravage mon corps et me fout à terre. Mon âme se déchire dans un hurlement désolant que je ne maîtrise pas. À genoux, j'effleure du bout des doigts les gravures, m'infligeant une lente agonie. Mes yeux me brûlent tout comme mes poumons, incapables de se gonfler d'air.

— Elle est morte il y a deux semaines. Murmure Kyle dans mon dos. Le sérum de Jesse n'a eu aucun effet sur elle. Un soir elle s'est endormie, et elle ne s'est jamais réveillée.

Mon ange...

— Mais... Il lui restait plusieurs mois... Articulé-je la voix chevrotante, les yeux rivés sur les dernières traces de celle que j'aime sur terre.

— Son état a empiré depuis son arrêt cardiaque... Elle...

Un sanglot déchirant l'empêche de terminer.

Le souffle bloqué, je crève de l'intérieur. Mon corps ne répond plus, tout comme mon cœur explosé. Une larme brûlante coule sur ma joue.

Je suis arrivé trop tard.

L'amour de ma vie est morte, toute seule, sans moi à ses côtés. Je l'ai abandonnée et les dernières paroles que je lui ai dites résonnent encore dans ma tête. Je n'aurai jamais l'occasion de me faire pardonner. De lui dire à quel point je l'aime de toute mon âme. Qu'elle était la femme de ma vie, la seule personne que je suis capable d'aimer.

Son visage danse sous mes yeux, son sourire, ses yeux ambrés, doux et insolents.

Je ne la verrai plus jamais. Mon dieu, je ne la verrai plus jamais.

J'ai mal à en perdre la tête, à en perdre la vie.

Un hurlement retentit, dévastateur et douloureux.

Le mien.

The Sons of Death [Réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant