3- Des petits délits de rien du tout

1.3K 136 6
                                    

Tandis que je marche vers l'université, je ne peux m'empêcher de serrer des doigts cette enveloppe annonciatrice de malheur.

L'avantage d'être majeur est que les lettres vous sont personnellement adressées, même lorsque vous vivez encore chez vos parents. Mais je dois avouer que mon père est tellement loin de ces préoccupations qu'il ne se charge même pas d'ouvrir ses factures.
Notre maison est située à proximité de l'Université de Séoul et nous offre le luxe d'avoir un étage qui nous est entièrement dédié. Cette information ferait envier n'importe quel enfant si je ne me rappelais pas le silence qui règne au rez-de-chaussée.
Lorsque les tensions deviennent trop vives entre mon frère et moi, il se réfugie aussitôt chez l'un des quatre de la bande. Kai, Soobin et Yeonjun vivent dans des résidences du campus tandis que Taehyun réside non loin de nous, seul dans un sous-sol aménagé. La seule fois où j'y suis allée, c'était pour y porter des packs de bière suite à un pari perdu, j'ai alors compris que l'appartement avait plus l'allure d'une garçonnière.

Je me dépêche vu l'heure indiquée pour le rendez-vous sur le document et entre dans le bâtiment réservé à l'administration.
Je crois que j'ai fait une grosse bêtise. Ou plusieurs. Être convoquée chez le Doyen n'est jamais une bonne chose. Peut-être que je parviendrais à m'inscrire dans une autre session si je suis virée de la Presse, même si nous entamons le deuxième semestre.

La secrétaire me désigne la rangée de chaises dans le couloir, sans dire un mot et ne manque pas de me juger au passage. Elle doit penser que je ne suis qu'une petite racaille de plus. Chose qui n'est pas faux mais je me retiens de lui faire un doigt, préférant attendre la sortie de ma garde à vue.
Une fois les fesses posées sur ce bois chaud, je me rends compte que je tangue. Sur six chaises, il fallait que je choisisse celle qui est bancale. C'est bien le triste résumé de ma vie.

Je tends le bras pour attraper un prospectus vantant les mérites des académies de rattrapage et le plie jusqu'à obtenir un petit carré que je place sous l'un des pieds. La porte du Doyen s'ouvre au même moment et la sortie en trombe d'un individu me fait basculer en avant. Je me rattrape comme je peux et tourne la tête, les quatre pattes au sol, le sourire scotché de rigueur vers l'adulte.

— Hum... Mademoiselle Choi. A votre tour.

Je vais mourir.

Je me précipite dans ce lieu et pose mon derrière sans plus tarder sur la seule chaise à disposition. En tentant de croiser une jambe, je déclenche un grincement inquiétant. Celui qui me fait face m'offre un regard terrifiant. Jambes parallèles finalement, Ryujin, ne bouge plus, tu te fais assez remarquer comme ça.

— Bien... Je pense que vous savez pourquoi vous êtes ici... Déclare Monsieur Gong.

Pour les quelques devoirs effectués à la place des autres que je revends à un prix ridicule ? Pour la demande de hacking des ordinateurs de la salle d'informatique, auprès de BangChan, ayant affiché pendant toute une semaine Psy et son Gangnam Style?

— Non.

Règle numéro un. Toujours nier.

— Je pense qu'un rendez-vous avec l'équipe disciplinaire de la faculté pourrait vous aider.

— Je crois que ça vient de me revenir. 

Règle numéro deux. Avouer sans réfléchir quand vous êtes grave dans la merde.

— C'est bien ce que je me disais. C'est un délit, ne mâchons pas nos mots.

Être contraint d'observer le déhanché de Psy devrait en effet être condamnable mais Chaeryeong m'avait mise au défi... Cela n'a pas été très difficile à organiser puisque Chan m'avait laissé pour seule mission d'insérer la clé USB dans l'ordinateur générale et d'attendre que tout se passe.
Ce type est le plus brillant codeur que je connaisse. Tandis que je terminais de rédiger un devoir pour le donner à mon intermédiaire Jisung, je l'ai entendu féliciter le concerné pour la fuite et la vente des sujets des évaluations de milieu d'année dans la faculté de Droits. Plus de 80% des étudiants ont atteint des scores surprenants. 

— Je ne peux pas y croire, pas vous Mademoiselle Choi, soupire-t-il en lâchant un dossier sur son bureau.

Le Doyen a l'air vraiment catastrophé. S'il est en train de parler des quelques devoirs maisons sans coefficient important, je ne comprends pas son désarroi. Beaucoup le font et Psy a permis de mettre une bonne ambiance en salle informatique.
Quand j'y pense, j'ai gagné si peu d'argent en travaillant pour les autres et en reversant une partie à Jisung pour garder mon anonymat que je ne suis plus du tout motivée à continuer.

— Nous en avons longuement discuté. Les sanctions seront à la hauteur de la faute. 

Va-t-il me demander de ramasser tous les détritus du campus?

— Ce rendez-vous n'est que le premier d'une longue série. Je ne compte pas vous laisser prendre le mauvais chemin. 

Cela me fait bizarre d'être sermonnée alors que je ne l'ai jamais été par mon père.

— Je vous donne rendez-vous dans une semaine. D'ici là, j'aurai affiné quelques unes de mes pensées. 

Parfait. Je sens que nos rencontres vont être plus excitantes que des rendez-vous avec un psychologue.

— Mademoiselle Choi, je ne veux plus que votre nom apparaisse dans un rapport. Est ce clair?

— Limpide, Monsieur Gong.

— Voyez nos futures discussions comme une main tendue vers le droit chemin. 

— Tout à fait.

Je salue ce vénérable homme de la seconde chance et quitte les lieux en rangeant mes majeurs dans mes poches avant qu'ils n'en viennent à saluer la secrétaire. Il faut que je retrouve Chan afin de lui dire que j'annule ma participation dans son plan pour craquer le pare-feu de l'université. Tant pis, je trouverai un autre moyen de le remercier pour son premier service.

Instant CrushOù les histoires vivent. Découvrez maintenant