26- Des vérités dans le lit

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Lorsque je dépose mon sac dans un coin de la chambre de Yeonjun le lendemain, j'en profite pour faire visuellement le tour. J'aperçois quelques culottes et des soutien-gorge qui traînent.

— Je croyais que tu n'avais pas le droit de ramener des filles ici? Dis-je en poussant du pied un tissu certainement tâché de cyprine. 

— C'est le cas. Parfois les meufs me les fourguent dans les poches ou me les donnent avec le numéro de téléphone inscrit à l'intérieur. 

Je regarde, outrée, ce playboy pour qui cette information semble tout à fait naturelle. Je n'aurais jamais cru que certaines en arriveraient là pour avoir l'attention d'un mec. Qui plus est de celui-là. 

— Beurk. 

— Donne-les-moi, j'vais les mettre à la machine. Tu pourras en réutiliser si besoin. 

— T'es sérieux, Choi Yeonjun? Tu me demandes d'enfiler le dessous suspect d'une fille inconnue? 

— Ben quoi? Vous êtes toutes les mêmes? Une chatte, des seins et un sale caractère. 

J'abandonne et me pose sur le lit de cette cause perdue. Je me demande à quel moment l'éducation féminine a baissé les bras avec lui. Yeonjun bazarde une masse de papiers autour de moi et saute pour m'y rejoindre. C'est limite si je ne bascule pas par dessus bord tellement il y a mis du coeur. 
Nous commençons donc nos révisions mais celles-ci sont ralenties par les nombreux messages qu'il reçoit. Au bout d'un moment, je perds patience et frappe sa tête d'un coup de fiche cartonnée. 

— Je te dérange?!

— Non, c'est Soobin. Il... m'envoie des photos. 

Il faut croire que cela semble très intéressant d'après le sourire qu'il affiche. 

— Ce sont des photos de quoi? 

— De la meuf qu'il est en train de s'envoyer. 

L'eau que je buvais passe par le mauvais trou et trempe le t-shirt que je porte.

— Merde. Je voulais le mettre ce soir...

On ne parle pas d'une petite éclabousse mais d'une cascade qui a dévalé la pente que forment mes seins.

— Attends, passe-le-moi, on va le faire sécher sur le radiateur. 

— Tu me demandes de me mettre à poils, Yeonjun ? Tu as vraiment envie que je te défonce pour le plaisir?

— Non, je te propose de te sauver la mise mais après c'est comme tu le sens. Tu seras parfaite pour le concours de t-shirt mouillé.

Après une seconde de réflexion, je conviens que son argument est imparable. Je ne perds pas de temps et retire le vêtement qu'il se charge de suspendre. Yeonjun me propose alors l'un de ses t-shirts mais je décline en préférant me cacher sous le drap. Mes pieds gelés étaient tentés depuis plusieurs minutes. La sensation du tissu contre ma peau est troublante. Le lit porte la même odeur que son propriétaire, forte, fruitée et enivrante. Je me laisse aller la tête contre l'oreiller en reprenant le questionnement de mon élève. 

— Alors, concernant l'acide lactique...

— Il t'a toujours plu, Soobin? 

Ma salive parvient à obstruer le conduit qui me permet de respirer et entraîne une lente torture pour ma vie. Yeonjun se jette sur moi pour taper dans mon dos et m'aider à retrouver le souffle. Lorsque l'air me revient enfin, les couleurs que je redécouvre sont accompagnées de petites étoiles. Mon sauveur se trouve à cheval sur mon corps allongé, le visage inquiet près du mien. 

— Tu comptes décéder à chaque fois que je parlerai de lui? 

Visiblement, oui. Mais en expliquer la cause serait assez gênant. 

— Tu craques pour lui. 

— Je... Tu veux bien te reculer, tu m'étouffes. 

— Non, c'est parler de mon pote qui te fait perdre l'air. Moi, je te provoque du dégoût. 

J'inspire, cherchant à comprendre ce qu'essaie de faire ce Caliméro et me redresse tant bien que mal en glissant un second oreiller dans mon dos. Tant pis si cela réduit notre proximité, je ne compte pas montrer à Yeonjun qu'il me perturbe. 

— Tes mots sont un peu forts. Disons que tu m'agaces par ta stupidité mais que veux-tu...

— Soobin est aussi con que moi, voir pire. Alors pourquoi tu lui pardonnes tout? 

Peut-être que parce que dans ce monde, il y a un équilibre. Je ferme les yeux sur les frasques de Soobin et Chaeryeong se charge de ce grand brun. Mais comment encore une fois donner une réponse sans dévoiler l'attirance de ma meilleure amie pour lui? 

— Il est des choses qu'on ne peut pas expliquer. 

— Regarde-le en train de niquer une meuf, ça va peut-être t'aider à le voir autrement. 

Je repousse de la main le téléphone qu'il me tend sous le nez et commence à m'énerver vu qu'il n'arrive pas à associer deux neurones ensemble pour comprendre la complexité du coeur féminin. 

— Non, je n'ai pas envie de voir ça. 

— Tu ne te mettras jamais avec lui. Tu ne l'intéresses pas, tu le sais? 

C'est dingue comment en quelques secondes, je retrouve devant moi le mec qui a pourri mon existence pendant toutes ces années. A cette seconde précise, je me demande pourquoi est ce que je perds mon temps à l'aider. 

— Je n'ai jamais espéré terminer avec lui, je lui réponds avec une rage affirmée. 

— Alors pourquoi t'es toujours là à baver devant chacune de ses actions, à attendre qu'il daigne te jeter un malheureux coup d'oeil? T'es aussi à la ramasse que ça? 

Sa méchanceté prend le dessus sur notre conversation. J'ai en tête le discours de Jake qui me rappelle que ce type n'aime que lui et bousille tout ce qui l'entoure. 

— Tu ne comprends strictement rien, Yeonjun. 

— Explique-moi. Je veux savoir pourquoi tu ne te respectes pas en rêvant d'un mec qui ne te verra jamais. 

A ce moment précis, je comprends que ma carapace se fissure et je laisse dévaler sur mes joues, malgré moi, des larmes de vérité. 

— Parce que je le peux. Parce que je ne fais rien de mal. Et parce que je t'emmerde, Yeonjun. Va chier, toi et tes cours. 

Je quitte ce lit avec l'envie de prendre cette porte et de l'abandonner à son sort mais une parole de ma grand-mère me revient en mémoire. Plus une personne blesse, plus elle cache une douleur insoupçonnée. Ce type que je regarde ne mérite clairement pas mon soutien, mais je prends sur moi en sachant que je suis la dernière personne qui lui tend la main. 
Installée contre son armoire, à trois mètres de lui, j'inspire et use de ma force pour retrouver une voix neutre. 

— L'acide lactique. Je t'écoute. 

Instant CrushOù les histoires vivent. Découvrez maintenant