27- Proche. Très proche.

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L'heure approche et je sais que si je ne veux pas être en retard à la soirée, il faut que j'enfile quelque chose et que je redonne un minimum de fraicheur à mon visage. Je récupère mon t-shirt qui a maintenant séché et l'enfile en m'assurant que l'odeur de mes aisselles est correcte.

— Pourquoi est ce que tu mets jamais de robe? Me demande celui qui rédige actuellement le premier jet de sa dissertation maison. 

— Parce que. Je te demande pourquoi tu ne réfléchis jamais? 

— Ca t'irait bien, je pense. 

— On ne le saura jamais, tant pis. 

Je n'ai pas envie de continuer cette conversation comme si nous ne nous étions pas pris la tête deux heures plus tôt. Ce type est peut-être un brin schizophrène mais ce n'est pas mon cas. En me regardant dans le miroir, je l'aperçois suivre chacun de mes gestes. Ne voulant pas lui dévoiler que je ne fais pas plus d'efforts d'habitude pour aller aux soirées, je retire l'élastique qui maintient mes cheveux et tente de donner une allure à ces mèches trop souvent mal traitées. Sur l'enceinte résonne "Perfect" d'Ed Sheeran. Malgré mes remontrances, il n'y a que Yeonjun pour prétendre réussir à se concentrer avec une musique de fond. 
Comme s'il sentait mon malaise, il augmente le volume sonore et ne tente même plus de prétendre écrire. Son regard suit le crayon que je récupère dans ma trousse de toilettes avant mon retour dans la salle d'eau. Les palpitations cardiaques qui me font trembler témoignent de mon manque de confiance en moi dans ces gestes si anodins pour une fille lambda. Comme je le craignais, le premier trait d'eye liner que je fais s'étale tel un éclair. Cet abruti ne cache même pas le rire qui le prend mais je note toutefois qu'il s'éclaircit la gorge pour me laisser reprendre ma concentration. Ce n'est pas pour rien que le démaquillant et le coton sont mes meilleurs amis. Après ma troisième tentative, j'abandonne et n'effectue qu'un trait noir sous la bordure de l'oeil. 

— Viens là, me dit-il. 

Je fais mine de ne pas l'entendre mais le grand brun traverse sa chambre pour venir me récupérer et m'allonge sur le lit. Je ne sais pas si c'est une méthode conventionnelle pour se maquiller mais je n'ai jamais vu cela dans les tutoriels sur Youtube. 
Yeonjun s'installe à cheval sur mon bassin et se rapproche si près de mon visage que je crains qu'il ne m'embrasse. Voyant ma tête se décomposer, il esquisse un sourire mais ne dit rien. Il cale son avant-bras le long de ma joue et maintient ma mâchoire tandis que de l'autre main, il commence à approcher de mon oeil. 

— Ferme les yeux et ne bouge pas. 

Mon coeur se charge pour moi de trouver ma paix intérieur. Je sens des picotements sur chaque parcelle de mon corps en contact avec la sienne, mettant cela sur le compte de la proximité. Je suis forcément mal à l'aise de me retrouver dans cette situation avec un individu que je n'apprécie pas.

Il me faut user de toute ma confiance envers celui qui m'a dit si souvent des choses cruelles pour le laisser faire de moi ce qu'il a en tête. Mon visage tressaille lorsque je sens la pointe arrondie du crayon glisser sur ma paupière. Il grogne légèrement en me sentant trembler puis change de tactique. Les doigts qui me maintiennent se mettent à me caresser la joue pour me rassurer. L'effet s'en ressent peu à peu et mon corps se laisse aller entre ses mains. 

— C'est ça, détends-toi. 

Alors que je m'attends à ce qu'il passe au second oeil, son index trace le contour des lignes de mon visage. Son toucher est si doux et apaisant. Les paupières immobiles, je le laisse découvrir chaque parcelle de cet espace. Personne ne m'a jamais observé d'aussi près. Moi. Mes défauts. Mes imperfections que j'apprends chaque jour à aimer. Lorsque sa peau frôle mes lèvres, j'ai le réflexe de les humidifier. Son souffle est si proche. Je n'ai plus aucun repère mais refuse malgré tout de mettre fin à ce moment hors du temps.
Une légère pression se fait sentir sur ma bouche. Je sais qu'il ne peut s'agir que d'un baiser mais la réalité de celle-ci m'est impossible. Par crainte de me confronter à l'inacceptable, je n'ouvre pas mes paupières pour le découvrir. 
C'est alors que je sens le crayon reprendre son tracé et terminer la mise en beauté. 

Yeonjun se redresse et attend que je réagisse. En me levant, je prétexte le rangement de mon sac pour fuir son regard et le malaise pesant. 

— J'ai fait de mon mieux. Après tout, on ne m'a pas donné un super modèle, dit-il en lâchant le crayon noir dans ma main. 

Je souris et lui montre mon majeur. Dans son regard, je vois bien qu'il n'a même pas fait l'effort d'être crédible dans son mensonge mais cela nous permet de retrouver notre douce tension appréciable. 

— Tu seras sage, ce soir, me dit-il en prenant sa dissertation comme si cela était normal. 

— Promis. 

— Pas de jacuzzi, pas de french kiss avec une bombe. 

— J'essaierai de t'étonner en trouvant une autre bêtise à faire. 

On s'échange un sourire de connivence qui me rappelle toutefois que de grandes choses m'attendent avec Changbin. Après notre dernier rendez-vous, il s'attend probablement à ce que nous allions plus loin. Et j'en ai envie. Enfin, je crois. 

— Est ce que tu aurais une capote pour moi? C'est juste... au cas où. 

Yeonjun hausse les sourcils surpris mais me la balance en la retirant de sa poche arrière. 

 — J'suis fier de toi, Petite Choi. Toujours se protéger, surtout quand on a rendez-vous avec un frotteur. 

— Changbin n'est pas un frotteur. 

— Non, juste un branleur de jacuzzi. 

Je décide de ne pas entrer dans la provocation de ce cas désespéré et retourne vers le miroir pour arranger une nouvelle fois ce t-shirt que je trouve trop banal pour le coup. Cette pensée m'étonne. Je dois sûrement me laisser influencer par le look des conquêtes habituelles de ces garçons.

— Passe une bonne soirée, Petite Choi. 

Je souris à celui que j'ai souvent du mal à cerner et le laisse à ses révisions pour rejoindre le monde inconfortable de la nuit. 

Instant CrushOù les histoires vivent. Découvrez maintenant