19- Une maîtresse autoritaire

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Deux semaines passent alors que nous faisons tous les soirs le même rituel. Je suis enlevée contre mon gré près d'une colonne en marbre et emmenée dans une maison d'érudits où je me réfugie en compagnie de mon apprenti au deuxième étage. Il lit et relit ses notions et commence à comprendre l'utilité de faire des fiches.

— Je n'y arriverai jamais...

Le stylo roule par delà le matelas et termine sur le parquet.

— Motivation. Positivité. Persévérance.

Il redresse la tête de son oreiller et me fixe avec de grands yeux.

— C'est pas le truc des princesses quand elles se penchent devant le prince?

Je crois que je vais décéder de stupidité contagieuse.

— Crois-moi que tu vas me l'écrire vingt fois si tu oses redire cette ânerie. "Non la révérence n'est pas la persévérance."

Mon téléphone se met à sonner, m'indiquant que Chaeryeong s'impatiente. Ma meilleure amie s'est mis en tête de sortir à nouveau à la fête prévue ce weekend pour revoir le mystérieux Hyunjin qui ne l'a jamais rappelé. Ne voulant pas voir la vérité en face, elle s'est persuadée qu'il devait avoir perdu son numéro.

— Faut que j'y aille.

— Tu sors? Me demande-t-il curieux.

— Oui. Mais toi, tu bosses. Je te rappelle que t'as six mois à rattraper en quelques jours avant ton premier devoir.

— Ça ne sert à rien, je n'y arriverai jamais. J'suis trop nul. Même eux le disent.

— Bon sang, depuis quand est ce que tu te soucies de ce que pensent les autres? Toi, le parfait Choi Yeonjun.

— T'as vu, même toi tu es condescendante.

Il me sourit en m'offrant un clin d'oeil qui fait disparaitre ma colère.

— Bien joué. Au moins, celui-là, tu l'as retenu.

— Facile. Y a con dedans.

C'était trop beau pour être vrai...
Je lui claque gentiment la cuisse et me relève de ce lit. En prenant le bus, il me faudra vingt minutes pour me rendre chez mon amie, dix pour me préparer puis quinze pour faire la route jusqu'à la résidence. Avec un peu de chance, j'arriverai à me planquer quelque part et patienter deux bonnes heures avant qu'elle ne veuille s'en aller.

— T'as le droit de souffler dimanche mais lundi, tu me montres que tu maîtrises ces cinq fiches. Est ce que c'est clair?

— Oui, maman.

Avoir Yeonjun qui me lèche les bottes est la sensation la plus exquise qui me soit donnée de ressentir.
Je laisse donc mon studieux petit apprenti et passe devant Seungmin et Jeongin. A force de se croiser, ils ont appris à se taire en ma présence mais j'y travaille encore avec Jake et Jungwon.

— Tu pars plus tôt que prévu? Me demande Jake. T'as enfin réalisé que son cas était désespéré?

— Jake, Jake, Jake... Sais-tu que ta personnalité exécrable ne reflète pas la belle image que tu renvoies de toi?

— Tu vas où, me demande Seungmin.

Du groupe, c'est peut-être celui qui se montre le plus cordial.

— A une fête. C'est Yeji qui l'organise, une très jolie...

Je n'ai pas besoin de finir ma phrase que je vois leurs yeux pétiller. Tous les garçons du campus connaissent Hwang Yeji. Elle est la perfection incarnée selon les critères beauté de la mode séoulite. Je soupire de lassitude devant cette attitude si prévisible et quitte la maison.

Malgré le fait que j'ai couru entre chaque destination de mon trajet, Chaeryeong boude à mon arrivée.

— On va être en retard. Ça se trouve, il est déjà parti ou bien il a rencontré quelqu'un.

— Si c'est le cas, c'est qu'il ne te méritait pas car un mec qui ne sait pas attendre vingt minutes est un fruit pourri qu'il faut jeter.

J'aurai beau lui sortir les meilleurs arguments du monde, Chae fait partie de ces gens qui ont besoin de tomber pour comprendre que le chemin qu'ils empruntent n'est pas le bon. Je la laisse donc terminer de se parfumer et nous nous rendons dans sa voiture direction la fête.

— Tu restes avec moi, hein? Me demande-t-elle en broyant mes doigts.

Comme d'habitude, j'acquiesce et active mon radar alors que nous passons le petit jardin menant à la maison de plein pied. L'air est assez glacial ce soir mais l'attroupement d'étudiants permet de supporter cette température avec les fenêtres et baies vitrées ouvertes.

Lorsque les regards se tournent vers nous, je sais que c'est pour marmonner le mot jacuzzi. Il y a bien un endroit où je ne mettrai plus jamais les pieds et c'est celui-là.

— Est ce que tu l'as vu? Me demande Chae.

A vrai dire, vu ma petite taille, j'ai plus en vue les aisselles de l'assistance que la localisation d'un queutard presque dévoilé. Je tends les mains pour récupérer deux sojus au passage et me retourne vers mon amie pour lui donner sa boisson. A nouveau, je constate qu'elle a disparu.

— Génial...

Note à moi-même, penser à sortir avec une laisse pour attacher Chaeryeong dans ce genre de soirées.
Je déambule tranquillement parmi la foule, refusant de jouer le sketch de la dernière fois et repère mon petit Han Jisung près de la poubelle de la cuisine.

— Mauvaise cachette. Je t'ai trouvé tout de suite.

Il sourit en baissant les yeux.

— En même temps, c'est facile de reconnaitre un diamant parmi les bijoux fantaisies, dis-je en désignant la foule.

Mon ami se cache pour camoufler ses rougeurs et me pousse de la main, gonflé par la timidité. Je lui tends la bouteille que je lui avais promis la dernière fois et trinque avec lui.

— Encore seule?

— Toujours à la recherche de Chaeryeong.

— On dirait Alice et son lapin blanc.

— Tu crois que je vais finir au fond du trou?

— Peut-être. Alors méfie-toi, ne mange aucun gâteau.

J'adore son humour. Je pourrais passer mes journées à discuter avec lui mais mon ami se renferme au moindre stress. Chose qui se passe dans la seconde quand je le vois reculer contre le mur. Après un demi-tour immédiat, je suis surprise de découvrir quelqu'un que je ne m'attendais pas à voir.

Instant CrushOù les histoires vivent. Découvrez maintenant