Instant Crush

24- Envie de sushis?

Je suis à bout de souffle quand je sonne devant la vieille maison. J'ai une heure et demie de retard. Connaissant la patience de Yeonjun, il risque de me le faire payer très cher. Jake a à peine ouvert la porte que je me rue dans l'interstice pour courir vers les escaliers mais sa voix m'arrête en si bon chemin.

— Il n'est pas ici.

Je me retourne vers lui, et tente de reprendre mon souffle en m'appuyant sur la rembarde.

— Comment ça?

— Yeonjun n'est plus dans sa chambre. Après, tu fais ce que tu veux. T'es peut-être censée l'attendre à poils dans son lit.

Sa condescendance commence à me taper sur le système. Je fais donc demi-tour et approche de ma victime. Voilà plusieurs semaines que je n'ai pas laissé exprimer ma colère sur quelqu'un qui le méritait.

— Il est où? Lui dis-je le doigt tapotant son torse avec régularité.

— J'en sais rien. J'suis pas là à fliquer ce connard.

Je le repousse pour qu'il s'asseye sur le canapé et le surplombe pour avoir l'ascendant sur lui. Mon instinct de protection se met en activation et je sens mes poings s'échauffer.

— Je ne comprends même pas pourquoi tu aides un mec comme lui.

Les quatre individus vivant en cohabitation avec Yeonjun sont au courant de nos cours du soir mais ont été suffisamment menacés pour garder le silence. Pourtant, je sens que l'envie de dévoiler le secret démange l'un d'entre eux.

— Ce ne sont pas tes affaires.

— Ce mec humilie les autres à la moindre occasion. T'en sais quelque chose. Alors qu'est ce que tu fous là à le défendre?

Je reconnais la rage en ses yeux. Nous avons tous notre propre histoire et nos blessures et je réalise à cette seconde que je sous-estimais la douleur cachée en Jake, sous sa façade de mec arrogant.

— J'ai mes raisons. Mais d'après ce que j'ai vu, tu ne vaux pas mieux en reproduisant la même chose.

— Ce mec s'est tapé ma sœur. Le lendemain, elle s'est pointée ici espérant lui sauter au cou. Il l'avait oublié. Il ne savait même plus qui elle était. C'est un enculé qui manque de respect à tout ceux qui l'entourent alors ne compte pas sur moi pour me montrer compatissant avec sa stupidité.

— On fait tous des erreurs.

— Lui, il les enchaîne. S'il te menace pour que tu bosses pour lui, dis-le-moi. Je sais que tu vendais tes copies pour te faire de la thune. C'est ce qu'il t'oblige à faire là-haut?

Je recule, stupéfaite qu'il connaisse cette information. Sachant que mes actions étaient illégales, je suis toujours passée par un intermédiaire pour éviter qu'on me tombe dessus.

— Comment le sais-tu?

— Ça parle ici et là mais moi, j'en ai rien à foutre de ça. C'est lui mon problème. Alors soit je te file un coup de main et je te sors de son chantage, soit t'es aussi conne que les autres et ne compte pas sur moi pour t'aider quand tu seras dans la merde.

Son aigreur m'horripile et provoque des frissons sur ma peau. Je repousse celui qui n'aspire qu'à se venger et décide de partir à la recherche de celui qui doit m'en vouloir.

Mon premier arrêt se fait à mon domicile. Je suis surprise de voir mon père installé dans le canapé le regard rivé vers cette télévision éteinte. Sa fille débarque à 23 heures sans avoir donné de nouvelles et tout semble normal. Cette famille part réellement en couilles.
Une visite de l'étage supérieur et je comprends que les playboys ne sont pas ici. Je n'ai aucune idée d'où loge Huening Kai et décide de me rendre chez Taehyun.

Son sous-sol est situé dans un quartier populaire, ce qui est plutôt pratique pour cet adepte des nuits agitées. A peine suis-je entrée dans l'immeuble et que je descends les marches, que j'entends un boucan phénoménal. Pas de doute, leur petite réunion a lieu ici. Maintenant, que vais-je dire?
Je ne peux pas débarquer comme une fleur et exiger une discussion avec mon apprenti sans que les autres n'en apprennent la raison.

Il me faut une excuse et une bonne. Après cinq minutes à arpenter le couloir, je me rends dans la supérette en face et achete deux packs de bière. Lorsque mon doigt appuie sur la sonnette, je prie intérieurement pour que mon histoire paraisse crédible.

Taehyun ouvre la porte et m'envoie un regard dédaigneux, cherchant à comprendre ce que je fais ici.

— C'est qui? Grogne Beomgyu.

— Ta sœur.

Ses yeux observent alors les bières que je porte et le convainquent de me laisser entrer provisoirement. Je découvre un paysage d'horreur. Tous sont complètement saouls. Soobin s'amuse à déguster des sushis sur le corps d'une jeune fille allongée sur la table basse et quelque chose me dit qu'il n'est pas loin de récupérer le morceau au niveau de son entre-jambe. Kai s'amuse à manger l'intérieur d'un melon coupé en deux, les mains dans le dos quand j'aperçois au fond Yeonjun qui s'envoie en l'air avec la fille de la première soirée, contre la cloison.

— Putain, la chieuse, grogne-t-il en me voyant.

Je ne sais pas si je dois être vexée ou honorée de voir que nous avons le même ressenti l'un pour l'autre.

— T'es là pour quoi, Petite Choi? Demande le maître des lieux.

— J'vous apporte des bières en ravitaillement pour me faire pardonner.

Chacun d'entre eux penche la tête, surpris de cette attention. Je me suis dit qu'elle serait cohérente avec l'attitude de soumise que je suis censée avoir.

— Tu n'as pas à le faire, grogne Taehyun. Pas après ce que Yeonjun a fait...

— Yeonjun a fait quoi? Demande Beomgyu en baissant le son de son film porno.

— Rien, lui répond Taehyun gêné. Je réfléchissais à haute voix.

On s'échange tous des regards inquiets sur cette situation tendue. Je comprends que Beomgyu n'est pas au courant pour ce faux chantage que ses meilleurs amis taisent.

— Tu veux un sushi? Demande Soobin, ravi de son initiative.

— Non... Je vais y aller. Je voulais juste m'excuser.

J'espère que Yeonjun comprend le sous-entendu. Je n'avais pas l'intention de le lâcher en pleine révision.

— T'es arrivée comment? Me demande Beomgyu.

— En bus, pourquoi ?

— Attends sur le trottoir, j'appelle un taxi.

Je commence à lui sortir des arguments pour l'empêcher de le faire, ne pouvant me permettre de payer ce trajet mais mon frère m'envoie balader et m'informe qu'il règle d'avance la course. Je suis donc renvoyée dans une maison où mon père me croise pour la deuxième fois de la soirée sans jamais me demander de lui rendre des comptes.