Instant Crush

4- Le plaisir des yeux

Je parcours les allées du campus et la cafétéria à la recherche d'un bodybuildé et de son acolyte perché. Mais c'est à la salle de sport que je les repère. L'ambiance ne semble pas être au beau fixe si j'en crois leur visage.

— Chan!

Le concerné se retourne tandis qu'il tire la barre de poulie, située juste au-dessus de sa tête. Je n'ai jamais vu autant de muscles de ma vie mais l'odeur de la sueur me ramène les pieds sur terre. Vêtue de mon jean ample et de mon t-shirt trop large, je suis consciente de ne pas ressembler à la sportive lambda. Toutefois, Felix n'a fait aucun effort lui non plus, étalé au sol avec sa Switch dans les mains.  

— Que me vaut ta présence, Choi Ryujin? Lâche le costaud. 

— C'est la merde. Il faut que je te laisse tomber pour le plan. J'arrête tout. 

— Hum. Tiens donc, pourquoi ça ne m'étonne pas. 

Il relâche la barre, ne pouvant pas lier la parole à l'effort et s'essuie avec la serviette. 

— Le service n'était pas gratuit.  

Je commence à ouvrir mon portefeuille mais Chan se saisit de tous les billets qui s'y trouvent. Même si son attitude m'agace, je sais pertinemment que ce n'était pas très malin de ma part de me lancer dans ce défi puéril. 

— Il faut...

— Chut, m'interrompt Felix. 

Je tourne la tête afin de m'assurer que c'est bien à moi qu'il parle mais lorsque je m'apprête à reprendre la discussion, de son doigt, il me fait signe d'approcher. Je m'accroupis alors devant lui tandis qu'il a les jambes étalées et le dos appuyé contre le mur. Son geste m'incite à m'avancer un peu plus. A quelques centimètres de son visage, mon rythme cardiaque s'emballe, me demandant ce qu'il peut bien me vouloir. C'est alors que son doigt se pose sur ma bouche. 

— Chut. 

Génial. 
Mes yeux faisant le grand huit, je comprends clairement que je viens de me prendre un vent monumental.

— Tu peux t'en aller Ryujin, me lâche Chan, mettant fin à cette conversation. 

— Je suis désolée.

— Ça, tu peux l'être. 

Felix me fait signe de partir de la main. Je ne me prive pas de lui répondre de la même manière en le saluant de mon doigt préféré. Toute cette tension m'a mis sur les nerfs et je meurs d'envie de l'extérioriser. Crier n'est pas acceptable mais taper dans quelque chose ou quelqu'un serait le pied. Mon poing atterrit dans un sac de frappe situé non loin de la porte et je ressens aussitôt une douleur dans le poignet. Note à moi-même, en cas de bagarre, opter pour le pied. 
Je quitte alors la salle, furieuse et percute un torse musclé. Lorsque je recule et lève la tête pour voir qui est sur mon chemin, je cogne à nouveau un corps derrière moi qui me stabilise.

— Ola, mais c'est la Petite Choi, me sourit Yeonjun.

— Et dire que je croyais ma journée pourrie...

Ma tête pivote pour voir qui me tient et je succombe à l'amour éternel. Soobin pose actuellement ses jolis doigts sur mes bras. Mon coeur se met à battre à la chamade tandis qu'une petite musique et un vent léger me font passer la scène au ralenti. Je ne me laverai plus jamais de toute ma vie.

— Alors, ça a transpiré sous ce t-shirt, me demande l'abruti qui pince mon haut au niveau de mon ventre, brisant mon scénario idyllique.

Mon esprit retire tout de suite ce qui a été dit. Il faut que je frotte cette partie de mon corps qui a été en contact avec l'imbécilité, de peur que ce ne soit contagieux.

— Je me suis autant dépensée que tes neurones, donc ne t'en fais pas. Tout est au repos.

— Et elle se croit comique, dit-il en me tapotant la tête.

— Et il n'a pas compris qu'il est débile.

Taehyun passe à nos côtés sans me jeter un regard, envoyant le signal qu'ils ont trop tardé en ma présence. Je fonds en sentant le parfum de Soobin s'éloigner. Si seulement je pouvais frotter la lampe d'un génie pour ne demander que ce vœu: être enfin visible à ses yeux.
Les trois hommes me laissent alors en plan et s'installent sur des machines.

Le sport. Mon ennemi juré. Pourtant, ça me serait profitable à l'heure actuelle.
Cette occasion est trop belle pour la manquer alors qu'il est à proximité. Je retourne vers l'accueil et m'adresse à Lia.

— Bonjour, j'peux avoir une tenue?

— Tiens donc... Après être entrée comme une voleuse, tu viens biper ton pass et réclamer des fringues?

Je grimace devant cette vérité et comprends qu'elle ne me transmettra rien tant que mon passage ne sera pas enregistré. Cette petite carte est une véritable traîtresse. Elle vous donne l'illusion que le monde est à votre portée. Repas, films, spectacle, cours de sport à votre disposition sur le campus, puis vient la fin du mois où la note vous est envoyée et ça peut faire très mal.

La brune au caractère bien trempé consent enfin à me tendre les vêtements et je me rends dans les vestiaires. Je me fiche royalement que la tenue soit trop large pour moi. Tout ce qui compte est que mes yeux se mettent à rêver quelques secondes.

Je me dirige donc vers le premier outil de torture qui m'offre une vue imprenable sur l'homme de mes rêves. Le tapis de course. Après une vérification de l'outil qui demande un diplôme d'ingénieur, le garçon sur l'elliptique me vient en aide.

— Ici, c'est pour l'allumer. Là, tu peux choisir les menus, l'intensité ou encore la durée. Tu...

Je ne prends plus la peine d'écouter et découvre que le regard de Soobin est porté vers moi. Yeonjun semble l'ennuyer profondément puis secoue la main en ma direction avant de me faire un doigt. J'en reste abasourdie, tout comme mon voisin de sport.

— Tu veux que j'aille le voir? Me propose-t-il.

— Quoi? Euh... Non, laisse tomber. C'est un débile qui en est encore au stade à communiquer avec les gestes.

J'entends son rire éclater avant qu'il ne me tende la main.

— Changbin.

— Ryujin.

— Hésite pas si t'as besoin d'aide. Je suis là.

C'est avec un grand plaisir que je le laisse reprendre son sport et planifie ma course pour ne pas transpirer. Personne ne doit se rendre compte que j'admire Soobin en plein effort. Le pied total.