Instant Crush

40- L'antiromantique

Le point positif dans toute cette histoire est que Soobin, Taehyun et Kai ne pensent plus que je suis victime de chantage par leur ami Yeonjun. Pour le négatif, disons qu'ils nous en veulent à tous les deux d'avoir trahi leur confiance.

Aucun ne parle lors du petit déjeuner. Beomgyu a préféré quant à lui bricoler en utilisant le manche d'un balai pour remplacer le pied du meuble cassé. Nul doute que mon père ne verra pas la différence vu le peu de temps qu'il passe ici.

Yeji et Chaeryeong quittent les lieux rapidement, se sentant oppressées. Et en voyant les sacs qui se préparent, j'en conclus que mon frère a l'intention de passer son weekend loin d'ici.

— Elle va bien? Me demande Soobin, le visage fermé, alors qu'il se pose dans le canapé à côté de moi.

Je crois que c'est la première fois que mon ancien crush prend le temps de m'adresser quelques mots pour une discussion sensée. Le fait que cela concerne une autre fille que moi n'ébranle en rien mon petit coeur occupé à penser à autre chose.

— Oui. Elle essaie de tourner la page. 

— Par rapport à moi? 

Je regarde celui qui se voile encore la face en ne ressentant que de la pitié. 

— T'en connais d'autres des mecs qui trompent leur copine à chaque soirée où ils se rendent? 

— On n'était pas ensemble. Enfin... Ce n'était plus le cas ces dernières semaines. 

— Et bien laisse-moi te confirmer que maintenant, vous êtes sur la même longueur d'onde. 

Le grand brun soupire un peu trop fort et se met à contempler la plante qui manque cruellement d'eau près des escaliers. Celle-ci tente de survivre, comme nous tous. 

— Je n'ai pas envie de la perdre. 

— Il fallait y penser plus tôt. 

Chaeryeong n'en croirait pas ses yeux si elle m'observait consoler celui que j'ai aimé pendant trop longtemps. La facilité serait de profiter de l'occasion mais je n'en ressens pas l'envie.

— Tu te venges pour quelque chose que je t'ai fait? Me demande-t-il, d'un air accusateur.

— Tu ne m'as rien fait, Soobin. Et non, je ne me venge pas. Ce n'est pas de ta faute si j'ai aimé la mauvaise personne pendant toutes ces années. Tu as toujours été droit. Tu ne m'as jamais fait espérer. J'étais la seule à rester alors qu'il n'y avait aucun espoir.

Sa main vient se poser sur mon genou en signe de soutien. Peut-être pense-t-il que je souffre mais je ressens juste l'envie de vider ces sentiments latents qui n'ont plus raison de traîner dans mon cœur. Je veux qu'il sache ce qu'il en a été mais également que je souhaite avancer.

— Je t'ai toujours vu comme une petite soeur. J'aurais bien voulu que ça en soit autrement mais c'est impossible. T'embrasser, je ne pourrais pas. J'espère que tu ne m'en tiendras pas rigueur pour ce choix. 

— Oh que non. 

Soobin passe son bras sur mes épaules et m'attire contre lui pour un câlin purement platonique. Je suis soulagée au fond de moi de ne plus faire d'amalgame dans cette non-relation. Une page s'est tournée et je pense être prête à sortir de ma zone de confort pour vivre d'autres aventures. 

— Beomgyu est le seul à avoir une vraie petite soeur dans le groupe. Je crois que ça nous a tous plu d'imaginer que tu étais la nôtre pour pouvoir te martyriser un peu.

— Je te confirme que vous n'aurez pas le premier prix de la fratrie idéale. Mais tu sais quoi, vous avez la chance d'avoir une Petite Choi en or qui va rattraper toutes les boulettes. Notamment les tiennes avec Yeji.

Attentif à mes paroles, Soobin se rapproche pour que je lui murmure la liste des actions à entreprendre pour espérer, un jour, se faire pardonner. Le chemin est encore long mais je sais que Yeji est encore éperdument amoureuse de lui. S'il décide réellement de changer d'attitude et de se mettre en couple, je ne peux que lui montrer le chemin. Le voir prendre des notes me donne même envie de sourire.

— Tu te rends compte de l'exploit qu'on va accomplir? Transformer l'antiromantique en parfait petit ami.

— Je ne te garantis pas que je ne fasse pas de rechute...

— Soobin! Dis-je en grognant.

— Je parlais juste de la danse dans sa chambre. Mais je valide le karaoké.

— T'as intérêt. En plus, elle a décidé de passer aux blonds juste pour te faire chier.

Je l'écoute alors me raconter à quel point il est irrésistible, peu importe la coloration de ses mèches. Je crois que je n'avais jamais réalisé à quel point ce type pouvait s'aimer mais son besoin d'être rassuré malgré tout en est attendrissant.
La descente des sacs interrompt cette discussion enrobée de câlins. Je les regarde s'en aller avec soulagement, résolue à me réfugier dans les bras d'une personne qui m'est chère.

Je prends le bus afin de me rendre dans le quartier de Mapo. Je commande deux brochettes à ma grand-mère qui retire sa savate pour me menacer afin que je sorte de là et laisse la place à ses vrais clients. Malgré sa fatigue, elle ne s'arrête jamais et relance encore d'autres fritures.

Je profite que le crépitement de l'huile bouillante couvre le son autour de nous pour lui avouer la triste fin de cette histoire d'amour à sens-unique.

— Mamie, j'ai enfin eu une discussion avec Soobin.

— Ah.

C'est à peine si sa réaction se lit sur son visage. Elle doit sûrement s'imaginer que tout s'est passé pour le mieux.

— Je lui ai avoué l'avoir aimé pendant tout ce temps mais que maintenant, c'est terminé.

— Hum hum.

Elle encaisse la monnaie des deux jeunes collégiennes puis se penche pour sortir d'une boîte, une sucette. Le réconfort par le sucre, quel délice.

—Ne t'inquiète pas, je ne ressens aucune peine. C'est comme si je m'éveillais en douceur d'un beau rêve qui avait duré trop longtemps.

— Un rêve... Répète-t-elle.

— Je compte même l'aider à récupérer son ex en le forçant à devenir meilleur. Tu vas voir, mamie, je vais en faire un Super-Romantique.

— Je n'en doute pas.

Je me pose sur la chaise qui traine dans le restaurant et regarde cette femme qui a tant cru en cette histoire depuis toutes ces années. Pourtant, elle ne semble pas touchée par cette fin tristounette.

— Ne t'en fais pas pour moi. Je le trouverai, mon romantique. Un jour...

— Je n'en doute pas. Tu dois juste te rendormir à nouveau pour faire le bon rêve.

Son visage amusé ne fait que perturber mon esprit étriqué. Je pense que l'âge ne l'aide pas à mettre de l'ordre dans ses souhaits. Plutôt que d'épiloguer sur le sujet, j'engloutis cette sucette et me laisser porter par le sucre et de nouveaux rêves.