60- L'éveil

1K 122 6
                                    

J'entre dans le véhicule tandis que Chaeryeong et Jisung se placent à l'avant puis aperçois une silhouette familière avancer vers l'espace mortuaire où repose ma mère. Malgré la voiture en mouvement, je descends et manque de m'étaler au sol. Mais j'ai besoin de comprendre.

Mes pieds me portent sur ces quelques mètres jusqu'à ce que je le vois se tenir droit devant son nom. Sa main caresse tendrement les lettres gravées dans le marbre. C'est le souffle court et la gorge nouée que je me présente derrière lui, abasourdie. Monsieur Gong se retourne alors et dévoile un regard empli de tristesse. Je ne comprends pas ce qu'il fait là, ni pourquoi il verse des larmes pour une inconnue.

— Ryujin... Je te pensais partie, me dit-il contrit.

Sa main est toujours posée sur les lettres de celle que j'ai perdue. Il s'aperçoit du mouvement de mon regard et me sourit tendrement.

— Même des années plus tard, je n'arrive toujours pas à l'oublier. Je crois qu'elle en serait furieuse après moi.

J'entends les mots qu'il prononce mais n'arrive pas à réaliser qu'il puisse la connaître. Trop d'informations me manquent pour empêcher mon esprit de s'emballer et émettre des hypothèses. Était-il un ami? Un amant? Un parent? J'opte pour la réponse présentant le moins de complication.

— Vous étiez un ami d'enfance?

— Plutôt son premier amour. Mais pas le grand, pour elle.

Je pense aussitôt à mon père. Alors que nous étions encore une famille unie et heureuse, je n'ai jamais vu deux personnes s'aimer aussi fort que mes parents. Nous n'avions aucune richesse extravagante mais pouvions nous réjouir du bonheur qui vibrait entre nos murs. Ma mère nous a caché pendant très longtemps sa maladie, à mon frère et moi, voulant nous épargner l'inquiétude d'une fin imminente. Je ne faisais pas attention aux médicaments qui prenaient de plus en plus de place dans la boîte à pharmacie, ni le travail qu'elle a arrêté avant de passer la plupart de ses journées dans le canapé. Je ne faisais que vivre avec insouciance et gérer la méchanceté des jeunes de mon âge, à peine entrée au collège. Lorsque j'ai compris la gravité de la situation, il était déjà trop tard et je l'ai perdue. Il ne me restait plus rien. Pas un espoir de raconter à ma mère que mon drôle de coeur vibrait pour l'agaçant meilleur ami de mon frère, puisque le sien ne battait plus. Mon père a sombré dans le désespoir. Quant à mon frère, il s'est éloigné de moi comme s'il avait réalisé qu'il était temps pour lui de grandir. Je me suis réfugiée dans mes mangas et ces mondes fictifs pour me protéger de toute cette douleur. Puis le bonheur de Chaeryeong est devenu ma priorité puisque personne ne pouvait assurer le mien. Toujours avoir un objectif en tête pour m'empêcher de penser. Enchaîner les défis stupides jusqu'à se retrouver dans le bureau de l'homme qui se tient devant moi.

— Je ne vous ai jamais vu en sa présence...

— Pourtant, j'étais là. Jusqu'au bout. Mais par respect pour ton père, je me tiens dans l'ombre et me charge de veiller sur ses enfants du mieux que je le peux.

Ce doit être sa définition du chantage.

— Je ne comprenais pas ce que vous gagniez à agir pour moi.

— Je ne te laisserai pas sombrer, Choi Ryujin. Même dans la délinquance.

— Je crois que Psy serait ravi d'apprendre l'impact qu'il a sur la jeunesse.

Mon doyen hausse les sourcils comme interloqué par ma remarque puis me sourit amusé.

— Plus qu'une semaine et tout sera terminé. Mais je m'assurerai que tu montres une image irréprochable pour effacer tout soupçon concernant l'autre fait.

Instant CrushOù les histoires vivent. Découvrez maintenant