Instant Crush

7- Un chevalier servant

Il me faut une longue douche pour tenter de retrouver mon mordant. Après tout, ce n'est pas la première fois que l'on se moque de moi et ce ne sera certainement pas la dernière. Plus on se démarque par une originalité, plus on attire la curiosité et la méchanceté de ceux qui veulent vous ramener dans le droit chemin.

Les premiers temps, vous vous en voulez de ne pas être normal, de ne pas rentrer dans le moule. Vous commencez par détester chaque parcelle de votre corps ou de votre personnalité qui déteint avec l'ordinaire. Puis vous vous forcez à copier les mimiques des populaires, vous vous renseignez sur leurs goûts, les tendances mais vous ne prenez aucun plaisir. De toute façon, vous n'êtes jamais intégré. Personne ne vous répond lorsque vous prenez la parole et vous sentez exclu. L'être humain est capable de méchanceté sans précédent sans pour autant qu'il y ait d'action. Le simple fait de ne pas rester à côté de vous lors d'une discussion peut vous mettre plus bas que terre. 

Mais un jour, vous comprenez que cela ne sert à rien de courir après un modèle qui ne vous convient pas et acceptez d'être différent. Je ne dis pas que cela est facile tous les jours mais j'ai appris à apprécier le calme de mes mangas et mes amis sincères. Les marginaux. Ceux qui sont différents mais qui tôt au tard représentent un intérêt pour les populaires. 

Je prends sur moi pendant la matinée de cours sur la méthodologie pour pondre un article à partir de dizaines de documents et comprends que le devoir attendu pour lundi risque d'être corsé. Chae semble, quant à elle, passionnée par le sujet et commence à prendre des notes. Lorsqu'elle me donne rendez-vous à la bibliothèque universitaire l'après-midi, je décline l'invitation ayant une chose bien plus importante à faire. Mettre en place ma vengeance. 

Tandis que je traverse le campus, j'aperçois au loin l'équipe de sportifs et leurs groupies. Tous plus beaux les uns que les autres. Je ressens au fond de moi un pincement au cœur, un rappel de ma différence. Regonflée par mon orgueil qui me hurle de revenir en force, j'accélère le pas et quitte cet endroit pour me diriger vers les résidences universitaires.
Celles les plus proches du campus sont toujours hors de prix et réservées aux gosses de riche, faisant bien souvent partie du groupe des populaires. Mais le lieu où je me rends est situé un peu plus loin, où l'accès est plus compliqué. Les allées sont mal entretenues, la verdure laissée à l'abandon, les propriétaires sachant pertinemment que les locataires s'estiment déjà heureux d'avoir un toit et ne réclament rien, de peur de perdre leur espace. 
Je pénètre dans la résidence Circus et grimpe au premier étage. L'état des parties communes laisse à désirer et m'oblige à enjamber les cartons qui trainent. Sans hésiter, je frappe. Encore et encore. Jusqu'à ce qu'on m'ouvre enfin la porte. Malheureusement pour moi, c'est Lee Felix qui apparaît, le visage toujours aussi renfermé que d'habitude. 

— Tiens donc...

— Hey. Salut, dis-je en tentant d'y mettre un peu d'enthousiasme. J'viens voir Chan. 

— Il est occupé. 

La porte se referme sur moi dans la seconde, me laissant plus désemparée qu'autre chose. Je ne sais comment réagir mais une main se glisse sur mon épaule et me fait littéralement sursauter.

— Salut toi, me dit Changbin qui m'empêche de terminer dans les escaliers.

— Je...

— Tu voulais rentrer chez Chan?

— Oui...

— J'm'en occupe.

Il me place alors derrière lui et appuie sur la poignée sans prendre la peine de s'annoncer. Sa main m'entraîne à l'intérieur puis nous arrête au milieu d'une pièce sentant le renfermé et remplie de chaussettes sales.

— Pousse tes jambes, Lix. Et ramasse un peu tes fringues, on a une invitée.

Je reste stupéfaite de savoir que celui que j'ai à peine rencontré connaisse le geek numéro un du campus et son petit chien de garde. Contre toute attente, le jeune blond ne rechigne pas à nous laisser de l'espace, me faisant atterrir assise sur une montagne de t-shirt et de jeans présents sur ce lit. Mon partenaire dans l'illicite se décide enfin à m'adresser la parole.

— Ryujin. Que me vaut encore ta présence? S'exclame Chan sans lever la tête de son ordinateur.

— J'ai besoin de tes compétences.

— Ça, je m'en doute mais plus précisément.

— Je sais que je t'ai laissé tomber dans ce que t'avais prévu mais j'ai besoin de ton savoir-faire pour une petite vengeance. J'ai envie de me défouler sur quatre petits cons.

Changbin nous écoute sans intervenir mais reste en alerte, comme s'il se préparait à me sauver d'un danger imminent.

— Les noms et ce que tu attends précisément.

— Beomgyu. Yeonjun. Taehyun. Huening Kai.

— Hum, on parle de ton frère et de ses potes mais... C'est moi ou il en manque un?

Je me mords les lèvres, consciente que mon amour de jeunesse ne veut pas mêler Soobin à tout cela.

— Ils t'ont fait quoi? Me demande Changbin en tentant de poser sa main sur la mienne.

— Rien physiquement mais j'ai envie de leur donner une bonne leçon. Une humiliation plus précisément. Demain, à la soirée.

— Va falloir sortir le portefeuille alors si t'attends un truc avec un délai aussi court.

— Chan? T'es sérieux? Tu ne peux pas prendre ça comme un service que tu lui rends? S'agace Changbin.

Je laisse les deux garçons se disputer et déchante en entendant le montant. Je réfléchis alors au fait que je n'aurai jamais assez pour ce qu'il me demande. Il va falloir que je me débrouille autrement.

— C'est bon, laisse tomber. Je vais...

— Je règle pour elle. Mais à une condition.

Je fixe Changbin consciente que son action n'a rien de sensée. Je ne le connais que depuis quelques heures. S'il attend des faveurs sexuelles, je crois qu'il s'est trompé de personne et il faut que je l'en informe.

— Je ne suis pas une pute.

Mon voisin de lit écarquille les yeux et se détourne de moi, par gêne.

— Je n'ai jamais insinué ou pensé cela, je te jure. Je comptais juste te demander que tu me confies ce qu'ils ont fait pour te mettre en rogne le jour où tu me feras assez confiance et me penseras digne d'être ton confident.

En voilà une demande bien singulière. Ce qu'il exige peut n'être jamais remboursé, pourtant, il me le propose. Mon esprit hésite puis accepte le deal. Je laisse carte blanche à Chan et ses talents pour mettre en oeuvre ma demande.