Instant Crush

41- Ne fais pas ça. Ne le dis pas.

Sur le chemin du retour, je commence à organiser mon planning du lundi au mercredi. Ma grand-mère m'ayant appris qu'elle avait passé un marché avec l'une de ses connaissances de Seosan pour lui donner son vieux mobilier du restaurant en échange d'appareils électroménagers, je me suis imposée dans l'histoire et j'ai pris l'initiative de m'en charger en début de semaine. Le seul hic est que je vais devoir louer un camion et prendre la route pendant plus d'une heure et demie en sachant que je n'ai pas conduit depuis mon permis.

Les difficultés s'accumulent dans ma tête mais je décide de les mettre de côté après avoir loué le véhicule sur une application. Je dois maintenant gérer un autre point qui me travaille.
Seo Changbin.

Malgré toute sa douceur et sa bienveillance, je n'arrive pas à me pardonner ma faute d'hier soir et commence à me dire que cela est un signe pour que j'arrête les frais dès maintenant. Je n'ai strictement aucun avenir avec Yeonjun pour qui je ne suis rien donc là n'est pas la question. Quelle fille serait assez stupide pour craquer pour un dragueur connu de tous qui s'est envoyé en l'air avec son plan cul du moment avant de venir se branler contre une autre? J'ai été faible et me suis laissée entraîner dans l'action mais une chose est sûre, il n'y a pas d'histoire de sentiments là-dedans. Juste du sexe. Qu'il maîtrise plutôt bien.

Avec l'envie de remettre les compteurs à zéro, je donne rendez-vous à Changbin dans un parc lorsque le jour décline. Peut-être que dans la pénombre, je me sentirai moins coupable de mes actions.
Je déambule dans les rues adjacentes, avant l'heure et tombe sur lui. Son sourire s'illumine en me voyant et je me sens comme une merde lorsqu'il se précipite vers moi pour m'attirer contre lui.

— Hey! Ça m'a surpris ta demande. Je ne t'explique pas comment j'suis trop content de passer cette soirée avec toi.

Culpabilité, puissance 1000. Je suis une idiote d'avoir cédé à l'appel de la chair alors qu'il était là pour moi.

Changbin récupère ma main et entremêle nos doigts comme un couple normal qui profite de la fraîcheur de cette fin de journée. Les arbres n'ont plus leurs feuilles mais l'atmosphère renvoie cette image d'intimité et de douceur de l'hiver.

— J'ai beaucoup pensé à toi hier soir, me dit-il guilleret.

Pendant que j'étais allongée sur ce canapé.

— J'ai passé quelques coups de fil et je t'ai trouvé facilement des étudiants pour les devoirs. Ce sont des gens de confiance, ils ne donneront jamais ton nom, ne t'inquiète pas. Ils m'en doivent une donc tu peux être tranquille. Je leur ai fourni ton numéro. Ne t'étonne pas s'il te contacte.

Mon corps se raidit au fur et à mesure qu'il m'annonce ses actions.

— Je sais que ça va te demander du temps et du boulot pour les rédiger mais je me suis dit que ça nous permettrait d'être plus souvent ensemble. Tu pourrais venir bosser dans ma chambre ou alors je viendrais chez toi. Je peux même t'aider, j'suis pas trop mauvais.

— Changbin...

— En plus, je t'ai négocié des tarifs intéressants. Un boulot payé en toute discrétion et des câlins pour récompenser tes efforts. T'en dis quoi, ma puce?

Il m'attire contre lui et embrasse mes cheveux avec tendresse, or à l'heure actuelle, je meurs d'envie d'hurler mon désaccord.

— Tu ne peux pas... Dis-je en le repoussant, la tête baissée vers les gravillons.

— Quoi donc?

Sa main accroche une mèche derrière mon oreille avant d'accompagner ma tête jusqu'à ce qu'elle se lève vers lui. Il semble inquiet de ma prise de position.

— Tu ne peux pas m'engager dans quelque chose sans que je n'ai accepté.

— Je... Pensais bien faire. C'est tout. Je voulais t'aider en te libérant du temps pour qu'on puisse se retrouver.

Je ne pourrai pas lui donner le temps qu'il demande car le Doyen m'a liée aux notes de Yeonjun et m'a exhortée de me tenir éloignée des embrouilles. Sans le savoir, il vient de rajouter de la pagaille dans ma vie.

— Tu leur diras que j'annule tout.

— Je me suis engagé. Pour toi.

— Je ne t'avais rien demandé.

Le ton commence à monter entre nous. Je ressens alors le besoin de prendre de la distance avec lui en m'asseyant sur le banc pour remettre de l'ordre dans mes idées. A la base, je lui avais demandé cette rencontre pour lui parler de toute autre chose. Il faut donc que je me calme pour avoir une parole plus mesurée.

— Ryujin. Je m'excuse... Me dit-il en se plantant devant moi.

Il m'oblige à nouveau à croiser son regard et me fait comprendre à quel point il est gêné par cette tension. S'il savait qu'il me complique la tâche.

— Tu es quelqu'un de très gentil, Changbin.

A ces mots, il retire sa main de ma joue, comme touché dans sa fierté. Je sais qu'il devine ce qui va suivre.

— Ne fais pas ça, Ryujin.

— Je te le dois. Je suis perdue et j'ai besoin de mettre de l'ordre dans ma vie. Ce serait égoïste de te faire patienter. Tu me prouves par ton acte qui partait d'une bonne intention que ça ne sera pas possible.

— Ne le dis pas. Pas après tous les efforts que j'ai fait.

Je suis bien consciente que j'en ai si peu fait en retour. Ce type incroyable ne me mérite pas.

— Je te prie de m'excuser mais ça sera mieux ainsi. Peut-être que dans quelques mois, nous pourrons tenter quelque chose s'il y a toujours de l'attirance de ton côté. Mais là, j'ai besoin d'être seule.

— Ryujin, je t'ai dit non.

Ses poings sont maintenant serrés contre son jean. Il est à bout de souffle, sous le poids de l'annonce. Celui qui nous avait prévu une soirée romantique vient juste de réaliser que je ne suis qu'une merde qui ne le mérite pas.

— Pardonne-moi, Changbin. Ne m'en veux pas. Je vais rentrer.

Comme une lâche, je baisse la tête et lui tourne le dos pour ne pas affronter son visage peiné. Je lui souhaite de rencontrer l'amour avec une fille qui pourra lui donner tout son temps et non une personne coincée par les problèmes qu'elle a accumulés.

— Ça ne devait pas se passer comme ça, marmonne-t-il avec regret.

Je suis d'accord avec lui. On méritait mieux. Maintenant, je compte tout assumer pour pouvoir repartir du bon pied.