Yours

13.

Plusieurs jours se sont écoulés depuis ma conversation avec Kyle. Nous avons repris le travail sans encombre, sans croiser à nouveau les auteurs de nos tourments.

Emily et moi avons eu une discussion vis à vis de la soirée masquée. Je suis parvenue à expliquer la situation, sans trop développer pour ne pas l'exposer à de potentiels problèmes.

Oliver et Johnny ont pris leurs distances avec Emily et Harley au travail, prétextant que leurs fréquentations laissaient à désirer et qu'ils ne voulaient plus être à nouveau exposés à de tels types. Ce que je peux comprendre.

- J'ai fini mon service, on rentre ensemble ? Demandais-je à ma meilleure amie en prenant place sur un des tabourets du bar, encore essoufflée de ma course.

Elle pivote légèrement sur son siège pour me faire face, un sourire timide étirant ses lèvres :

- Kyle m'a proposé d'aller faire un tour... Il propose qu'on aille se poser près du lac. Chuchote-t-elle en se penchant vers moi, sûrement pour éviter d'être entendue.

- Oh... Comme un rencard ?

Mon amie rougit instantanément. Elle glisse une de ses mèches blondes derrière son oreille et répond, gênée :

- Hum... Non, disons plus comme un moment entre... Amis ?

Je hausse un sourcil, l'air moqueur :

- Sinon tu peux assumer qu'il te plaît. Tu es à fond sur lui depuis la fac, et maintenant qu'il s'intéresse à toi, tu te fais désirer.

Les lumières de la pièce se furent plus intimes, tamisées, et la musique commença à baisser, annonçant la fin de soirée. Un sourire en coin se dessine sur son doux visage angélique :

- Il faut bien qu'il galère un peu quand même... Ricane-t-elle avec malice.

- T'es pas possible Jacovski.

- Je sais, Turner.

Nous rîmes ensemble, tout en se tapant dans la main.

- Qu'est-ce que vous mijotez toutes les deux ? Lance Kyle en s'avançant vers nous, de l'autre côté du bar.

- Oh rien, on prévoit seulement un plan machiavélique sur l'extinction des hommes sur terre. Répond innocemment mon amie en se redressant sur son siège.

Kyle esquisse un sourire, et je cru percevoir une étincelle briller dans ses yeux. Il l'appréciait et ça se voyait.

- Oh, alors peut-être pourrais-je m'accorder tes faveurs pour ne pas subir le même sort que mes confrères ?

- J'y réfléchirais. Ria Emily en s'accoudant sur le bar, soutenant son visage avec ses mains.

- Je suis en congé demain, on pourrait se faire une soirée chez moi si vous voulez ? Propose le brun avec un sourire chaleureux.

- N'oublie pas que quand toi tu es en congé, moi je bosse. Ronchonnais-je à l'intention de mon collègue.

- Oh ... On peut faire quelque chose plus tôt dans la journée alors ?

- J'ai quelques papiers à terminer au bureau, mais je pense pouvoir me libérer assez tôt. Répondit Emily en s'allumant une cigarette.

- Alors faisons ça ! Proposez à Harley, si elle veut se joindre à nous.

- Elle est un peu... Occupée disons en ce moment.

Kyle fronce les sourcils, l'air interrogateur.

- Elle est très branchée garçons en ce moment. Explique Emily. Donc elle a pas mal de rendez-vous, si tu vois ce que je veux dire.

- J'ai cru voir ça, sacré palmarès à la soirée masquée ! répondit Kyle en balançant négligemment son chiffon sur son épaule.

- J'ai bien cru qu'elle allait embrasser Amber au cours d'un instant.

- Pardon ? M'étouffais-je en écarquillant les yeux.

Mes deux amis se moquent de moi en échangeant des regards entendus.

- Bon, je vais vous laisser, il est temps que je rentre ! Les clients m'ont épuisée ce soir, et vous aussi, je rêve de mon lit. Annonçais-je en sautant sur mes pieds.

- C'est ça, change de sujet, Turner. Se moque Kyle.

- Préviens-moi quand tu es arrivée à destination ! M'intime Emilie en me pointant du doigt.

J'acquiesce en esquissant un signe de la main pour les saluer, et quitte le club, mon sac sur l'épaule.

Un brise fraîche m'accueille lorsque je franchis la porte menant à l'extérieur. Des clients patientent sur le bord de la route, dans l'attente des prochains taxis. Certains d'entre eux me font un signe d'au revoir, poliment. Les habitués restent pour la plupart, toujours agréables et corrects envers moi.

J'emprunte la route menant à mon appartement, éclairée par les réverbères alentour. Je profite du calme autour de moi, après une dure soirée de labeur, loin de la musique, de la foule, des lumières aveuglantes du club. Je repense aux paroles d'Emily. En aucun cas je n'aurais pensé plaire à Harley, et il est certain qu'elle disait cela pour me taquiner. Notre amie a bien mieux à faire avec ses businessmen.

Je continue de marcher, lentement, profitant des ruelles désertes de la ville, quand me parvient soudain un bruit métallique derrière moi. Je me retourne instinctivement, et fais face au néant.

Bonjour la paranoïa.

Je pousse un long soupir, créant un léger nuage de buée. Je reprend ma route dans l'obscurité, tentant de faire le vide dans ma tête.

C'était sans compter un nouveau bruit dans mon dos. Je fais volte-face et perçois cette fois-ci une silhouette, à une dizaine de mètres de moi. La personne est totalement vêtue de noir, une capuche remontée sur sa tête, m'empêchant de discerner les traits de son visage. Le faible éclairage autour de nous ne me permet pas non plus d'en voir davantage. Je déglutis péniblement mais reprend ma route, accélérant le pas cette fois-ci.

J'ai l'affreux sentiment que l'inconnu derrière moi me suit. Pour en avoir le cœur net, je tourne dans une ruelle sur ma gauche, et accélère un peu plus encore. Je suis peut-être en train de me faire des idées, mais avec ce qu'on voit à la télévision, il vaut mieux pour moi que je me presse de rejoindre mon appartement.

Sans surprise, la personne emprunte le même chemin que moi. Je sens des gouttes de pluie commencer à s'écraser sur mon visage, il n'en fallait pas plus à mon bonheur.

L'inconnu semble toujours être à mes trousses, visiblement déterminé à aller partout où j'irais.

Je lance un œil anxieux aux alentours, tentant de trouver une bonne âme vers laquelle je pourrais aller me réfugier. Mais à cette heure-là, les rues sont totalement désertes, et personne n'aurait l'idée de venir se balader dans ces quartiers de la ville en pleine nuit.

Je dégaine mon téléphone en tremblant, sans jamais m'arrêter de marcher. J'entend les pas se rapprocher dangereusement de moi. L'odeur du goudron humide commence à me monter au nez, accompagnée d'une forte odeur d'eau de Cologne.

Je compose le numéro d'Emily, et au moment où je m'apprête à courir, une main m'attrape brusquement par l'épaule et me tire violemment en arrière.