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Une odeur d'essence me pique les narines quand je reprends connaissance. Je relève la tête avec difficulté, encore sonnée. Le monde semble tanguer autour de moi. Je pousse un gémissement plaintif en ouvrant progressivement les yeux.
Un haut le cœur me prend aux tripes quand je reconnais avec effroi l'endroit où je suis. Les souvenirs me frappent avec une telle violence que j'en manque de vomir sur mes genoux.
Ligotée sur une chaise, le même scénario que deux ans plus tôt semble se reproduire. Le même hangar, mal éclairé, là où ma route avait croisée celle de Luke et Aaron pour la première fois.
Le même hangar où Thomas avait perdu la vie.

Des tâches sombres recouvrent le sol bétonné, me confirmant qu'ici, le sang à couler bon nombre de fois. Je tente de m'étirer légèrement, tentant de trouver une douleur quelconque. Mais rien, hormis un terrible mal de crâne.
Mes mains sont liées dans mon dos, et je remarque que je ne portais plus mes talons.

Je porte toujours ma robe de soirée, bien qu'elle soit légèrement poussiéreuse. Ma cicatrice totalement exposée, j'avais offert à ces types une bonne raison de me kidnapper.

Je tente de me redresser sur ma chaise, sans succès. Peut-être que frotter mes poignets l'un contre l'autre pourrait m'aider à me détacher ?
Je suis en train d'élaborer un plan pour m'enfuir quand la lourde porte principale s'ouvre, laissant apparaître trois silhouettes.

- La Belle au Bois Dormant est réveillé ! S'exclame l'air enjoué, le type que je reconnais comme étant Rodriguez.

- Tu parles d'une sieste... Grommele le second.

Je les fusille du regard, préférant garder le silence pour le moment.

- Sympa cette chambre d'hôtel non ? Se moque Rodriguez en ouvrant ses mains, désignant fièrement le hangar.

- Si je n'étais pas attachée je pourrais peut-être être plus indulgente sur la note finale de mon hôte. Réponds-je au tac au tac.

- C'est qu'elle a du répondant la petite garce. Ricane le troisième homme tout en s'avançant vers moi.

- Qu'est-ce que vous comptez faire de moi ? Murmurais-je faiblement, sans jamais quitter les trois hommes du regard.

Ils s'échangent un regard entendu, comme si mon avenir était déjà tout tracé pour eux.

- Peut-être que nous pourrions te torturer un peu... Ça te dirait ? Souffla le frère de mon agresseur, en me dévisageant, une étincelle de malice éclairant son regard.

- Je ne suis plus à ça près. Réponds-je sans me démonter.

Rodriguez émit un rire moqueur. Il dégaine une arme de sa ceinture et s'avance doucement jusqu'à moi, faisant durer le suspens.

Il caresse mon visage avec le canon de son arme, le métal froid au contact de ma joue me provoquant une vague de frissons que je préfère ignorer.
Je dois être forte. Quelqu'un va forcément venir me chercher. Emily ne me laissera pas disparaître de cette manière sans rien faire. Je suis persuadée qu'elle a déjà rameuté tous les flics de la ville. Je dois tenir bon.

- Où est mon frère ? Crache le type en me foudroyant du regard.

- Je suis serveuse, pas voyante. Maugréais-je entre mes dents.

D'un coup sec, il me gifle violemment, envoyant ma tête valser sur la gauche. Un gémissement de douleur franchit mes lèvres et je me retiens de pleurer. Hors de question que je lui donne cette satisfaction.

- Fais donc la maline. On en reparlera quand je t'enverrai découpée en cubes à Blake.

Il se redresse, me dominant par sa taille. L'air mauvais, il tourna les talons et fit signe à ses hommes de le suivre. Ils quittent le hangar, me laissant à nouveau seule, dans l'obscurité.
La scène doit être assez surprenante. Je suis encore enrobe, mon mascara dégoulinant sous mes yeux, les cheveux ébouriffés, attachée à une chaise, tremblante de froid et de peur.

Lorsque la porte se ferme totalement, je crache au sol, un mélange de salive et de sang. Ce connard ne m'a pas ratée.
S'il croit qu'une simple gifle viendra à bout de moi, il se méprend. Ma jeunesse en foyer m'a apprit à encaisser les coups, et les tortures indiguées par Aaron et son acolyte n'ont fait qu'accroitre ma résistance.

J'observe mon environnement en quête d'une solution pour me libérer. Malheureusement je ne perçois rien qui puisse m'aider. Des tables en métal meublent la pièce mais c'est tout.
Je n'ai pas 36 options.

Je tente de me faire basculer en avant, accentuant le ridicule de la situation. Si seulement j'avais regardé les films d'action avec Emily... Je ne doute pas qu'elle aurait déjà trouvé un moyen de se détacher si elle avait été présente.

- Putain de mafieux en carton... Grommelais-je entre mes dents en tentant de défaire mes liens.

Pour une fois dans ma vie, les têtes de cons d'Aaron et Luke me manquent. Mes amis me manquent.
Et rien n'est plus difficile que l'attente. Parce que le temps est un supplice quand vous êtes attachée à une chaise, seule, dans l'obscurité, vous demandant à quelle sauce vous allez être mangée.

YoursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant