Chapitre 2 : Given-Taken

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Julie avait sous-estimé son sens de l'orientation, et l'aisance avec laquelle elle savait utiliser une carte. De temps en temps, elle arrêtait des passants pour savoir si elle allait dans la bonne direction. Et à quelques exceptions près, c'était toujours le cas.

Cependant, la nuit tomba vite. Julie n'imaginait pas que les soirées coréennes étaient si fraîches, et même si elle n'avait jamais craint le froid, elle regrettait de ne pas avoir pris de manteau. Tout ce qu'elle avait, c'était un sweat à capuche noir par-dessus lequel elle avait mis une veste en jean. Elle avait aussi un bonnet rouge aux initials de New York City qui lui couvrait les oreilles.

《 Il neige ? 》constata-t-elle avec étonnement en regardant les premiers flocons tomber.

C'était un début de mois de décembre normal, donc peut-être que le climat coréen leur permettait d'avoir de la neige si tôt. Julie n'en avait pas vu depuis longtemps en France, aussi resta-t-elle un moment à contempler le ciel, malgré le froid mordant.

*

Les rues se vidèrent lentement, mais sûrement. C'était à cause du froid d'après elle, parce que les rues de Séoul semblaient idéales pour des balades nocturnes entre amoureux...

La neige craquelait sous ses pieds, et Julie tremblait. Elle sentait qu'elle approchait du but, donc elle refusait de s'arrêter. Mais que ferait-elle si jamais son amie n'était pas chez elle ? Elle attendrait. Mais si son amie ne revenait pas ?

Je suis certaine qu'il ne lui est rien arrivé de grave. Cependant, une petite voix lui disait l'inverse. Elle secoua sa tête pour la faire taire.

Julie passa devant un homme assis par terre contre un mur, la tête baissée avec une capuche qui recouvrait l'entièreté de son visage. Elle le salua avant de poursuivre sa route. Au bout de quelques mètres, elle s'arrêta. S'était-il endormi par hasard ? Si c'était le cas, elle devait le réveiller avant qu'il meure de froid.

Elle fit demi-tour et le salua de nouveau. Aucune réponse. Elle s'accroupit en face de lui, et l'appela. Toujours rien. Elle posa une main prudente sur son épaule et le secoua. Aucune réaction.

C'est pas normal. Elle prit son pouls au niveau du cou. Sa peau était gelée, et elle n'arrivait pas à déterminer sa fréquence cardiaque. En mettant son doigt sous sa bouche, elle s'assura d'une chose : il n'était pas mort. Même s'il était infime, un filet d'air chaud sortait de sa bouche.

Elle posa son sac au sol et prit l'homme sur son dos avant de l'emmener sur un banc à l'abri, épargné par la neige. Il sentait très fort l'alcool, alors Julie supposa que c'était pour cette raison qu'elle l'avait trouvé inconscient dans la neige. Il était également très fin et très léger, bien qu'il paraisse beaucoup plus grand qu'elle.

Après avoir repris son sac, elle lui enfila son sweat à capuche - il était à la bonne taille pour lui, voire même un peu ample - ainsi que son bonnet. Elle tremblait de froid avec seulement une veste en jean pour la protéger. Elle prit la couverture qu'elle avait emmené au cas où, et se la partagea avec l'homme. Il en avait probablement plus besoin qu'elle, mais elle avait très froid aussi.

Julie sortit son téléphone pour appeler les urgences, avant de faire face à une terrible réalité.

《 Je ne connais pas le numéro en Corée... 》

Elle tapa donc sur un moteur de recherche. Mais son téléphone ne semblait pas capter dans cette zone de la ville.

《 Qu'est-ce que je vais faire ? 》

Julie ne pouvait pas simplement laisser cet homme ici, seul et dans le froid. Et ce n'était certainement pas son sweat et son bonnet qui allaient le protéger toute la nuit.

《 Et si j'appelais un de ses contacts ? 》

La jeune femme n'aimait pas l'idée de fouiller dans le téléphone d'un inconnu, mais si elle n'avait pas d'autre choix...

Elle fouilla donc ses poches et trouva rapidement ce qu'elle cherchait. Comme elle ne connaissait pas le code, elle attrapa le pouce de l'homme et le posa sur le capteur d'empreinte. Le téléphone se déverrouilla aussitôt.

《 Je ne pensais pas que ça fonctionnerait... 》

Elle devait faire vite car il restait seulement un peu plus de dix pourcents de batterie. Julie se dirigea dans les contacts et repéra un numéro qui figurait dans les appels récents. Visiblement, il semblait avoir essayé de le joindre à de nombreuses reprises assez tôt dans la soirée. Julie prit une photo de l'écran avant de l'appeler avec le téléphone de l'homme.

Le téléphone ne sonna pas longtemps avant qu'une voix réponde à l'autre bout du fil. C'était un homme, coréen probablement, et il n'avait pas l'air content. Mais Julie ne comprenait rien à ce qu'il disait.

Bonjour monsieur¹, commença-t-elle avec son meilleur accent. J'ai trouvé votre ami inconscient dans la neige. Je crois qu'il a bu...

- Qui êtes-vous ? demanda-t-il - en entendant une inconnue répondre à la place de son ami, il avait paru hésiter. Et où êtes vous ?

- Je suis arrivée aujourd'hui en Corée, et je ne sais pas exactement où je suis, répondit Julie en regardant autour d'elle. Mais je crois que nous ne sommes pas très loin de la tour Hybe...

- Ok, la tour Hybe ? répéta l'homme. C'est parfait... Est-ce que vous auriez plus de précisions ?

Face au silence de la jeune femme, il répéta sa question avant de comprendre la réponse. Il lui demanda donc de lui décrire le paysage autour d'elle. Ce n'était pas évident à cause de la neige et de l'obscurité, mais elle fit du mieux qu'elle put.

Très bien, fit-il. Dirigez vous vers la grande route dont vous m'avez parlé. Ensuite, traversez. Vous tomberez rapidement sur un grand bâtiment. Je vous rejoindrais là-bas, OK ?

- OK...

- Et restons en contact pendant tout le trajet, ajouta-t-il. S'il y a un problème avec mon ami, vous devez me le dire immédiatement, OK ?

- À ce propos, l'avertit Julie, il ne reste que six pourcents de batterie...

Il mit du temps à répondre, comme s'il réfléchissait. Elle s'apprêtait à lui dire qu'elle avait déjà son numéro, mais il la devança.

Donnez-moi votre numéro de téléphone.

Julie s'exécuta automatiquement, puis il raccrocha soudainement. Julie cru d'abord qu'il n'y avait plus de batterie dans le téléphone de l'homme avant de se rendre compte que son propre téléphone sonnait. C'était probablement lui.

C'est vous ? demanda-t-il pour s'assurer qu'il avait enregistré le bon numéro. Vous m'entendez ?

- Oui parfaitement, répondit-elle. Je vais commencer à y aller...

Julie mit le téléphone en haut parleur et l'accrocha autour de son cou avec des écouteurs. Puis, elle attrapa l'homme et l'installa sur son dos du mieux qu'elle put en tâchant de ne pas faire tomber la couverture. Elle regarda pensivement son sac qu'elle s'apprêtait à laisser. Il contenait tout ce qui lui restait de sa vie, et sans lui elle ne pourrait pas survivre une semaine dans ce nouveau pays.

《 Je ne m'en vais pas longtemps, relativisa-t-elle. Et puis, je suis sûre que personne ne le volera... 》

¹ en anglais dans le texte

Aucune BarrièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant