Aucune Barrière

Chapitre 45 : Fire vers.2

La révélation que Sarah lui avait faite avait rendu Julie perplexe tout au long de la journée. Elle avait du mal à se concentrer au bureau et à exécuter des tâches simples. Elle en vint même à renverser du café sur ses vêtements.

《C'est pas vrai...

- Tu vas bien, Noona ?》demanda Ni-ki.

Julie sursauta. Elle ne l'avait pas entendu arriver. Il était entièrement vêtu de noir et portait un long manteau, ainsi qu'une paire de bottes de la même couleur. Elle songea qu'il revenait d'un photoshoot.

《C'est juste un peu de café, fit-elle. Ça s'est bien passé pour les photos ?

- Manager Lee pense qu'on devrait en refaire, répondit-il. Il n'aime pas ce concept-la...

- Il a raison, reconnu Julie, mais ça va faire deux fois qu'on change de photographe. Il faudra bien qu'il se mette dans la tête que ces visuels sont très bien, même s'il ne les aime pas.》

Elle s'apprêtait à repartir, mais Ni-ki la retint.

《Je suis désolé de m'être enfui hier, s'excusa-t-il. J'aurai dû t'attendre...

- Ce n'est pas grave, le rassura-t-elle, ça m'a permis d'avoir une discussion avec Sunghoon.

- À propos de ça, poursuivit le jeune homme, je n'ai pas compris ce que j'ai entendu hier. Pourquoi monsieur Nim veut te faire du mal ? Et pourquoi Sunghoon l'aide ? Et pourquoi ils veulent tuer Park Jihoon ?》

Julie s'approcha et lui tapota le dos en l'incitant à parler moins fort. Si quelqu'un les surprenait dans le couloir, ils pourraient avoir de gros ennuis, encore plus s'il s'agissait de monsieur Nim ou de l'un de ses associés.

《Allons en parler dans un endroit plus calme.》lui dit-elle.

*

Après que Julie lui ait expliqué toute la situation, Ni-ki sembla y voir plus clair.

《Mais ça n'excuse toujours pas ce qu'a fait Sunghoon, fit-il. Tu n'imagines pas à quel point je lui en veut de t'avoir fait ça... Mais je n'ai pas bien compris le lien avec Jihoon.

- À vrai dire, avoua Julie à contrecœur, moi non plus. Tout le monde n'arrête pas de me parler de lui, et comme je n'ai aucun souvenir, je ne sais même pas qui croire !》

J'ai l'impression de devenir folle, se disait-elle. Parfois, quelques fragments d'images lui revenaient. Des paroles aussi. Mais jamais rien de concret.

《Ça te dirait un karaoké ? proposa Ni-ki. Pour te changer les idées...

- Je suis désolée de refuser, fit-elle, mais je ne crois vraiment pas que ce serait une bonne idée...》

Son téléphone vibra dans sa main. Monsieur Nim avait cherché à l'appeler deux fois, mais elle n'avait pas décroché.

《Tout compte fait, songea-t-elle, un karaoké serait le bienvenu.》

Elle répondit à monsieur Nim. Il lui demanda de le retrouver dans son bureau sans en dire plus. Cela ne présageait rien de bon.

《Alors ?》fit Ni-ki.

Julie sourit et leva son pouce ironiquement.

《Je suis morte.》

*

Julie poussa timidement la porte du bureau de monsieur Nim, après qu'il lui ait permis d'entrer. Il l'attendait, assis sur sa chaise en face de son bureau presque vide - il n'y avait que quelques stylos et dossiers - l'air à la fois contrarié et soucieux. Il alla droit au but.

《Tu te souviens ?》

Julie haussa un sourcil. La question était beaucoup trop vague.

《Je ne sais pas, peut-être... hésita-t-elle. De quoi dois-je me souvenir ?

- Tu as vu le médecin aujourd'hui, n'est-ce pas ? reprit-il, perturbé par la réponse de la jeune femme. Il t'a parlé de ce qui t'est arrivé ?

- Oui, répondit Julie. Il m'a prévenu que j'avais des trous de mémoire. Selon lui, il est même possible que je ne me rappelle jamais de certains... Et Sarah m'a posé des questions auxquelles je n'ai pas toujours pu répondre. Je ne me souviens même plus du nom de mes parents...

- Je comprends, dit-il sur un ton compatissant en affichant un visage plus doux. Ça doit être difficile pour toi de tout oublier. Y compris l'accident...

- À ce propos, reprit Julie, Sarah m'a dit qu'il y avait une caméra qui avait filmé la scène. Même si on ne voit pas tout, je suis certaine que les enquêteurs vont trouver quelque chose...》

Monsieur Nim desserra sa cravate. Il paressait anxieux.

J'ai visé juste, songea Julie. Bizarrement, il n'avait pas encore évoqué la discussion qu'elle et Ni-ki avaient surpris dans le studio d'enregistrement. Et la française était convaincue qu'il y était pour quelque chose. Elle avait beau détester Park Jihoon, elle ne pouvait pas croire qu'elle s'était laissée kidnapper et poussée dans le fleuve par lui. D'après ce que lui avait raconté Sarah, ils s'étaient fait percutés par une voiture. Alors quelqu'un d'autre avait cherché à les éliminer.

Mais pourquoi ? se demandait-elle. C'était probablement pour cette raison que monsieur Nim l'avait appelé. Même si elle n'avait aucune preuve pour se justifier, elle avait l'intime conviction que son supérieur était coupable. Il était trop louche pour être innocent, et les propos qu'il avait tenu s'étaient montrés déstabilisants. Alors, elle le percerait à jour, d'une manière ou d'une autre.

*

En quittant le bureau de monsieur Nim, Julie croisa Sunghoon. Le jeune homme avait la main posée sur son ventre, mais il la retira en la voyant. Il portait le même style de vêtements que Ni-ki, entièrement noirs aussi. Elle le salua brièvement en pensant qu'il voulait parler à monsieur Nim, mais il s'arrêta finalement devant elle. Puis, après quelques secondes, repartit.

《Attends !》fit Julie en se retournant.

Il ne semblait pas l'avoir entendue, alors elle trottina pour le rattraper.

《Tu es blessé ? demanda-t-elle en désignant l'endroit qu'il soutenait un peu plus tôt avec sa main. Ce n'est pas trop grave ?

- C'est rien.》se contenta-t-il de répondre en poursuivant son chemin.

Julie le suivit. Le jeune Idole avait beau avoir accéléré le pas pour la distancer, elle lui collait toujours aux baskets. Finalement, elle s'arrêta devant lui et lui bloqua le passage.

《Sunghoon, commença-t-elle, si tu es blessé, il est impératif que je sois au courant. Votre come-back arrive bientôt, et si tu n'es pas en bonne santé, les fans vont s'inquiéter, tu comprends ? Tu seras moins performant, et il y aura des conséquences sur vos événements et vos performances...

- J'en ai assez ! lâcha-t-il. C'est toujours la même chose : les chiffres, les affaires, le budget, les fans... et moi ? Pourquoi on ne peut pas se préoccuper un peu de moi et de ce que je ressens ? C'est égoïste, je sais, mais j'existe ! J'existe, pas que pour l'image du groupe, pas que pour l'image de Hybe ! Et tout le monde qui fait comme si c'était normal... même toi ! Je te faisais confiance, je pensais que tu étais différente des autres. Pendant un moment, je me suis même senti bien ici, et c'était grâce à toi. Tu apportais du changement au quotidien, et je dois le reconnaître, beaucoup de légèreté. Avec toi, j'ai fait des choses que je n'aurais jamais imaginé. Mais maintenant, tu n'as plus la tête que dans le travail. Tu n'es plus comme avant, mais tout l'est redevenu... Alors oui, j'ai mal ! m
Mais pas seulement là où tu penses ! Et je crois que ça ira mieux si tu me laisses.》

Les larmes lui étaient montées aux yeux pendant sa tirade. Il s'en alla pour de bon, et Julie s'interdit de le suivre. Combien de temps avait-il gardé ça au fond de lui ? Et pourquoi n'avait-elle rien vu tout ce temps ?

Je n'ai pas été à la hauteur, songea-t-elle. Tout est de ma faute.