Je bénis les Dieux de croiser Lyssandre dans les couloirs du château à une heure aussi matinale. Je m'épargne ainsi le protocole assommant que m'aurait imposé la bienséance si j'avais dû me présenter à la porte de ses appartements. Je lui fais des adieux rapides auxquels elle me répond avec une froideur et une assurance déconcertante. Elle est pourtant au fait de ce qui est advenu de mon ainé. Pourtant, dans son regard, pas une seule once de compassion ni d'inquiétude pour le voyage que je m'apprête à accomplir.
- Non pas que je me sente concerné par ses états d'âmes, loin de là ! -
Mais il est indéniable que je ne me suis guère soucié d'elle depuis qu'elle a fait son entrée à la cour, ce qui pourrait expliquer son manque d'égards pour ma personne.
Je suis loin d'être un savant pour tout ce qui touche à la gent féminine mais je n'arrive pas à la cerner.
Une jeune fille de son âge dans un environnement inconnu, face à des membres de la famille royale et dont l'avenir dépend de son futur époux, devrait montrer un minimum d'humilité, de reconnaissance. Mais nous sommes loin du compte. Lyssandre agit comme si elle méritait sa place ici, comme si sa nouvelle condition et son nouveau statut lui étaient dus depuis toujours. Et ce comportement a le don de m'agacer fortement mais je juge que le moment n'est pas opportun pour me laisser distraire par de telles futilités. J'aurais tout le temps de me pencher sur son cas quand je serai de retour.
C'est en toute discrétion qu'Arkos et moi quittons la Couronne à une heure tellement matinale que nous ne risquons pas de croiser grand monde en chemin. Nous traversons les rues propres et encore silencieuses de la Citadelle qui se réveille en douceur. Certaines échoppes ont déjà ouvert leurs portes tandis que le parfum alléchant du pain de pain tout juste sorti du four embaume les rues. Quelques passants tournent la tête au passage de notre duo déconcertant tout en s'éloignant le plus loin possible de l'énorme fauve qui marche à mes côtés. Je doute que l'on me reconnaisse habillé de la sorte mais je préfère tout de même rabattre mon capuchon pour ne pas tenter les Dieux. Arkos attire bien trop l'attention sur lui de toute façon et je me flatte d'avoir fait le choix de l'emmener avec moi.
J'aurais pu choisir de quitter le château par la route plus discrète que j'emprunte lorsque je pars pour la chasse. Cet itinéraire rejoint par un chemin escarpé l'arrière du château et la lisière de la Forêt bleue en accès direct ; permettant aux membres de la Couronne de pouvoir prendre l'air en toute intimité. Mais ce chemin se situe à l'opposé de ma destination finale et je souhaite surtout gagner du temps pour abréger cette mascarade.
Nous continuons donc notre route jusqu'aux berges de la Traîne. L'approche de l'hiver et les pluies fréquentes qui accompagnent cette période de l'année ont augmenté la puissance de son courant déjà tumultueux. Mais grâce au travail ingénieux de quelques Élus, nous la franchissons sans danger grâce à un robuste pont de bois aux puissants piliers pourtant malmenés par les remous incessants du fleuve.
La Plaine est aussi assoupie que la Citadelle. J'aime la simplicité qui se dégage des habitations par ici, les charmantes petites constructions aux toits de chaume dont s'échappe une fumée réconfortante ; les fauteuils à bascule et les paires de bottes crottées sous les perrons ; les animaux de basse-cour qui se dandinent dans l'air frais matinal. Tout ce décor contraste fortement avec la froideur des édifices de pierre et l'ordre qui règne plus haut dans la Citadelle.
Les dernières habitations sont maintenant derrière moi et nous longeons les champs cultivés qui servent à nourrir notre Royaume. De temps à autre un moulin et des citernes servant à recueillir l'eau de pluie viennent agrémenter la campagne que nous traversons désormais. Je jette un dernier regard derrière moi. La Couronne, le château et son mur d'enceinte me domine à présent de toute hauteur, accrochés au sommet du monticule rocheux maintenant illuminé par les premiers rayons du soleil. Sur le flanc de la colline on aperçoit distinctement le dessin architectural de la Citadelle surplombant la Plaine.
Une dernière pensée pour Mère et Ella qui vont être mortes d'inquiétude durant les prochains jours et nous reprenons la direction du sud pour entamer le début de ce voyage délirant.
Nous marchons à un bon rythme. Le paysage rural à désormais cédé la place au désert rocailleux d'Erimos qui s'étend sur des lieux. Au loin, la ligne d'horizon laisse apercevoir la Forêt Noire représentée par de petites montagnes recouvertes de pins aux aiguilles sombres typiques de cette région. Et c'est ce refuge naturel que je vise pour passer notre première nuit à couvert. Arkos et moi avons l'habitude de dormir à la belle étoile lorsque je pars chasser le cerf.
Quelques heures plus tard et peu avant la tombée de la nuit nous arrivons enfin à destination. Je repère à l'oreille le ruissellement d'un cours d'eau que j'avais annoté sur la carte et choisis d'installer notre campement de fortune à proximité. L'habitude faisant ses preuves, je ne mets pas longtemps avant de lever un magnifique faisan sauvage d'un tir de fronde. Le gibier abattu, je me charge de le plumer et Arkos se régale des abats tandis que j'allume un feu en percutant une lame d'acier contre un fragment de roche.
Une fois repus, nous nous allongeons côte à côte sur le sol couvert d'épines de pin. La flambée est plus que bienvenue. Même si les nuits sont douces en cette saison, elle servira à éloigner les prédateurs nocturnes même si avec Arkos à mes côtés, je ne me sens nullement en danger. Je tâche donc de me détendre et m'endors sereinement à lueur des flammes.
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Le Don d'Ana - Tome I - L'Apprentie Élue (En cours de rédaction)
FantasyLEUR DESTIN SE SONT CROISÉS MAIS ILS N'AURAIENT JAMAIS DÛ SE RETROUVER. "Demain, j'aurai dix-sept ans. Demain, la Cérémonie du Choix aura lieu. Dans mon monde, le jour de nos dix-sept ans, deux possibilités s'offrent à nous. On peut choisir l'Un...