Chapitre 58 - la vision

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Je me réveille bien après le lever du jour.

À mon retour des écuries hier soir, je n'ai trouvé qu'un château silencieux. Les seules âmes que j'ai croisées sont quelques domestiques que j'ai entendu murmurer derrière mon dos.

- Les nouvelles vont vite... -

Visiblement, l'état de contrariété du roi associé à la tristesse de Mère ont suffi à faire annuler toutes les mondanités de la soirée. J'imagine que chacun des membres de ma famille a maintenant regagné ses appartements pour assimiler mon retour mais surtout celui de Cérès.

De mon côté, j'ai réussi à empêcher mon esprit de ressasser, la fatigue prenant le dessus sur tout autre sentiment. J'ai demandé qu'on me fasse monter une collation et qu'on me prépare un bain brûlant dans lequel j'ai noyé mon humeur morose avant de m'effondrer d'épuisement dans la tiédeur de mes draps.

Je suis à présent revigoré par ces plaisirs simples et prêt à subir la foudre de Père.

Je suis d'ailleurs surpris de ne pas avoir été tiré du lit à l'aube pour une convocation royale. L'heure est maintenant bien avancée et personne ne s'est encore présenté. Arkos n'est pas non plus à sa place habituelle au pied de mon lit mais je ne m'inquiète pas outre mesure. Je suppose qu'il a dû trouver Ella et passer la nuit à ses côté, ce qu'il est autorisé à faire quand ma sœur est bouleversée. Il va d'ailleurs falloir que je prenne le temps de parler avec elle.

- Même si je doute qu'elle puisse me pardonner un jour... -

Tout en m'habillant je jette un coup de d'œil par la fenêtre. Je n'ai qu'une vue partielle sur les écuries mais même ainsi, je perçois un mouvement de panique du côté des palefreniers.

Et je n'ai aucun doute quant à la cause de cette agitation.

Je me hâte donc d'enfiler mes bottes pour aller voir ce qui se trame, priant pour qu'aucun accident n'est eu lieu. Je suis le seul responsable du retour de Cérès au château et comme je vais devoir me battre avec le roi pour qu'il reste ici, il est dans mes intérêts que rien de tragique ne se produise...

Quand j'arrive sur place je suis soulagé de voir que Cérès est toujours dans la stalle barricadée que Rodric avait fait renforcer à son intention. Deux garçons d'écurie essaient tant bien que mal de le nourrir mais l'étalon qui a désormais recouvré la vue ne leur laisse aucune latitude. Il se rue comme un beau diable vers la porte en découvrant les dents à chacune de leur vaine tentative.

- Quelle paire de faiblards ! -

Agacé, j'arrache le seau de grains des mains du plus jeune des apprentis qui ne se fait pas prier pour me le céder en s'éloignant le plus loin possible du démon noir.

— Laissez ! Je m'en charge.

Nous revoilà face à face.

Hier, Cérès était tellement éreinté qu'il m'a laissé lui retirer bride et bandeau sans faire de vague. Mais ce matin, ce n'est plus la même histoire. La Bête semble avoir pleinement retrouvé ses forces et elle s'ébroue bruyamment, faisant danser sa crinière soyeuse entremêlée de fétus de paille. Ses yeux sombres me fixent à travers les barreaux tandis que je m'approche pour relever la clenche du verrou. Ils reflètent à présent toute la sauvagerie jusque-là dissimulée sous le morceau de tissu et je réprime un frisson face à l'intensité de ce regard qui me fixe sans ciller.

Je m'attends au pire alors que je fais mine de vouloir ouvrir la stalle mais rien ne se passe.

- Peut-être me tolère-t-il maintenant que nous nous connaissons un peu ? -

Le Don d'Ana - Tome I - L'Apprentie Élue (En cours de rédaction)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant