Le Don d'Ana - Tome I - L'Apprentie Élue (En cours de rédaction)

Chapitre 30 - le manoir

Comme nous marchons toujours en silence.

- Enfin pas tout à fait ! L'indignation de Danaé étant presque audible -

J'en profite pour faire le point sur les bâtiments que nous avons découverts durant la matinée.

Mise à part la cuisine de Marta, aucune trace de réfectoire, ni même de dortoir. J'admire donc la façade du manoir vers laquelle nous nous dirigeons à présent tout en m'imaginant avec consternation partager une chambre avec Danaé pendant les douze prochains mois.

Une splendide double porte en bois sculptée nous fait face en haut d'une dizaine de marches en pierres brunes. Je les gravis rapidement pour ne pas me laisser distancer et maintenant que nous sommes à ses pieds, la bâtisse me paraît gigantesque. Pourtant, si je me fie aux deux rangées de hautes fenêtres à verre coloré qui l'entourent, il semble n'y avoir que deux étages alors que je dois sacrément pencher la tête en arrière pour apercevoir le sommet des deux tours qui donnent sur l'avant de la construction.

Avant d'ouvrir la porte, Eric s'arrête net et nous impose un mutisme - déjà bien installé - avec un air guindé qui ne lui ressemble guère.

— Vous vous apprêtez à entrer dans la Maison des Apprentis, votre nouvelle demeure pour l'année à venir. Demeure que vous partagerez avec vos professeurs. Aussi, je vous demanderai une fois passée cette porte de bien vouloir faire preuve de retenue et de savoir-vivre, déclare-t-il tout en ouvrant la porte d'un geste solennel.

- À croire que nous représentons à nous quatre une bande de joyeux trublions ! -

Romuald et moi échangeons un regard gentiment moqueur avant de nous engager à sa suite à l'intérieur du bâtiment. Mais malgré tout mon cynisme, je ne peux réprimer un élan d'enthousiasme sonore en posant les yeux sur ce que je découvre en entrant.

Je suis subjuguée !

La première vision que je perçois me laisse une impression de magie flottant dans l'air ! La lumière du soleil filtrée par les vitraux multicolores diffuse des éclats iridescents sur l'ensemble du mobilier ancien et cossu qui meuble un hall d'entrée aux proportions indécentes.

Même les particules de poussières en suspension tout autour de nous paraissent irisées, comme si on avait lâché de minuscules paillettes du plafond et que le temps s'était ensuite arrêté pour nous offrir ce tableau féerique.

Nous sommes tous fascinés par la scène et même Léonce - habituellement inexistant - pousse un petit cri d'allégresse.

— Wahoooouu !! Du Filhor !!! s'extasie-t-il.

— Tous les ans c'est la même chose ! Je ne me lasserai jamais de voir le Filhor éblouir, par un matin ensoleillé, de naïfs et innocents minois ! nous taquine Eric, l'air ravi du vilain tour qu'il nous a joué.

Je comprends mieux son air empesé et son sermon devant la porte !

À le voir ainsi se réjouir comme un enfant espiègle, il est évident que tout ceci n'était qu'une mise en scène savamment préparée pour accroître l'effet de surprise provoqué par la découverte du précieux matériau.

La fabrication du Filhor est tenue secrète par les Élus possédant le Don de Création. Eux seuls la maîtrisent puisqu'ils l'ont créée des centaines d'années auparavant. La seule chose que nous savons nous autres néophytes, c'est que ses composants sont extrêmement rares, difficiles à extraire et encore plus à assembler. Rares sont également les personnes qui ont eu la chance de voir du Filhor de leurs propres yeux. Mais il est de notoriété commune que les fenêtres du château de la Couronne sont toutes faites de ce verre extraordinaire réputé pour transformer les rayons du soleil en poussière d'or.