Chapitre 54 - les Garanas

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Je me réveille avec les premières lueurs de l'aube et une sensation sourde au creux de l'estomac.

- L'excitation ? La peur ? -

Un mélange des deux très certainement...

Arkos doit sentir la tension qui vibre en moi car il ne me quitte pas d'une semelle et me suit du regard en frétillant d'impatience. J'imagine qu'il sait que quelque chose d'important se prépare.

Je distribue sa part du gibier de la veille à mon fidèle compagnon qui n'en fait qu'une bouchée alors que je suis incapable d'avaler quoique que ce soit.

Hier soir, il était bien évidemment exclu d'allumer un feu pour ne pas faire fuir le troupeau et nous avons dû nous contenter de viande crue. Ce n'est pas la première fois que je me nourris de la sorte pendant une partie de chasse mais j'avoue que c'est n'est franchement pas ma tasse de thé. Cependant, le jeu en valait la chandelle et je suis soulagée de voir que la silhouette des Garanas se découpent toujours au loin dans la vallée.

Après avoir suspendu les restes de ma prise à une branche pour ne pas attirer les carnassiers, je rassemble mes effets aux pieds du même arbre et prépare le matériel nécessaire à la capture. Une fois les cordes et le tissu attachés à mon ceinturon nous sommes enfin prêts à partir.

Ma stratégie sera exactement la même que celle de mon frère. A la différence que j'aurais Arkos à mes côtés pour m'aider à mener cette mission à bien.

La première étape consiste à enduire nos corps d'excréments pour tromper l'ennemi. La tâche, bien que peu ragoûtante, devrait être assez aisée. Et en effet, nous trouvons notre bonheur sur le trajet et quand Arkos me voit attraper du crottin sec et me frotter avec, je ne peux m'empêcher de sourire devant ses mimiques intriguées. Les oreilles bien dressées, il penche la tête de gauche à droite avec un air sérieux tout en essayant de comprendre ce que je suis en train de faire. Et quand je lui indique d'un signe de la main de me rejoindre et lui donne l'ordre de m'imiter, je ris de plus belle devant son regard ahuri.

- Il ne lui manque que la parole à celui-ci ! -

L'instant d'après, le voilà qui se roule comme un aliéné dans le tas malodorant avec un plaisir manifeste.

Nous sommes dans un sale état !

Je n'ose imaginer ce que père et mère penseraient de nous trouver crottés des pieds à la tête, empestant le fumier de cheval des lieus à la ronde. Et notre chère Lyssandre ! Un rictus narquois se dessine sur mon visage à l'idée de l'expression dégoutée qu'elle afficherait surement à nous voir ainsi.

Cet aparté terminé, je me focalise de nouveau sur ma mission suicidaire. Et à mesure que je me rapproche des animaux sauvages, je sens battre mon cœur de plus en plus vite. Durant la nuit, le chevaux se sont éloignés un peu plus de notre campement mais ils restent tout de même dans un périmètre raisonnable. Et voilà qu'après une bonne heure de marche, nous nous approchons enfin du troupeau qui regroupe une quarantaine d'individus. Nous nous tenons à une distance respectueuse pour le moment, à demi cachés par un fourré.

Si je condamne la raison de ma présence ici, il est une chose que je ne peux réfuter. L'admiration que Père nous a transmis à Rodric et à moi-même pour ces bêtes splendides. C'est la première fois que j'admire des chevaux sauvages en pleine nature et je dois avouer que le spectacle est fascinant. Les animaux semblent paisibles, les juments surveillent d'un œil attentif les poulains espiègles qui houspillent leurs ainés et batifolent en ruant à tout va. Quelques jeunes mâles s'entraînent à combattre un peu à l'écart à coups de dents et de sabots bien placés, couinant et soufflant pour impressionner leur adversaire. Un jour l'un d'entre eux sera assez fort pour affronter le mâle dominant qui règne en maître sur l'ensemble de la horde. Mais pour l'heure, je ne distingue aucun signe de sa présence.

À mes côtés, je sens qu'Arkos aimerait bien aller se mêler à tout ce petit monde pour y mettre la pagaille et mordiller quelques jarrets au passage. Mais son éducation et les heures passées à lui apprendre la frustration et l'attente ont raison de son excitation et il se couche sagement à mes pieds en observant dans le calme.

J'observe la perfection de chaque bête, le poil lustré, les crins soyeux, les lignes racées et je me mets à la place de mes prédécesseurs. Comme il a dû être difficile de faire un choix. Je suis perdu dans mes pensées quand tout à coup, un hennissement terrifiant que je reconnaitrais entre mille raisonne dans toute la vallée et me glace le sang. Arkos se redresse et grogne à l'écoute de ce son strident et inquiétant mais je le fais taire d'un signe impérieux de la main.

Ce n'est certainement pas le moment de se faire repérer.

C'est à ce moment que je le vois apparaître.

- Lui -

Le Monstre qui a pris la vie de mon frère bien-aimé.

Le Don d'Ana - Tome I - L'Apprentie Élue (En cours de rédaction)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant