Passées les présentations et certainement pour me punir d'avoir emmené Arkos dans la salle du trône, Père me suggère de faire visiter La Couronne à ma promise après le déjeuner.
- Il ne manquait plus que ça ! -
Je n'ai aucune envie de me retrouver en tête à tête avec elle. D'autant plus que La Couronne a proprement dite comprend l'intégralité du château, les quartiers de l'Élite, le parc et les dépendances. En résumé, même en ne rentrant pas dans les détails nous en avons à minima pour trois heures...
- Certainement pas ! -
Il est tout bonnement hors de question que je passe ma journée à servir de guide personnel à la demoiselle dont la compagnie qui plus est, ne m'inspire absolument pas. Je me tourne alors vers Père avec l'intention de me rebeller, mais devant son regard hostile je me ravise aussitôt... Cette suggestion qui n'en n'était apparemment pas une est clairement non négociable.
De rage, je m'enfonce violemment dans mon siège en pestant contre mon sort. J'en arriverais presque à regretter ma provocation du jour. L'intéressée en revanche a l'air tout à fait ravi si je me fie au sourire triomphant qu'elle m'adresse.
- Au moins un sur deux qui appréciera la visite... -
Dans la même lignée, le déjeuner est un véritable supplice alors que les cuisines se sont indiscutablement surpassées ! Nos spécialités les plus goûteuses se succèdent sur la table, l'argenterie des grandes occasions est de sortie et les domestiques redoublent d'attention. C'est à croire que tout le monde cherche à impressionner la future princesse.
- Comme si nous avions besoin de cela ! -
C'est déjà un privilège pour elle que d'être assise à nos côtés !
Il faut cependant reconnaître qu'elle tient parfaitement son rôle, discutant allègrement des dernières tendances couture avec la reine, flattant Père sur l'excellente tenue du Royaume et cherchant à créer un lien avec Ella. Celle-ci la regarde avec adoration en hochant parfois la tête ou en rougissant sous les flatteries.
Tout à coup, une ingénieuse idée me vient à l'esprit !
À défaut de pouvoir esquiver la corvée qui m'attend je peux toujours la rendre plus agréable ! Je vais donc proposer à ma sœur de nous accompagner !
Ravi de ma trouvaille et oubliant les règles de politesse, je coupe la parole à notre invitée pour soumettre cette proposition.
— Ella ? Souhaiterais-tu nous accompagner Lyssandre, Arkos et moi pour la visite de la Couronne ?
Ella me décroche son plus beau sourire en guise de réponse et sautille d'impatience sur sa chaise.
- Parfait ! -
Voilà qui apaise un peu mon appréhension de passer autant de temps en compagnie d'une parfaite étrangère. Toutefois, même si je n'ai que faire de sa sensibilité, je vois bien que Lyssandre feint de ne pas paraître offensée par mon comportement irrespectueux. Mais je ne suis pas dupe ! Son ressentiment se lit sur son visage que j'ai vu se crisper l'espace d'un instant.
J'attends aussi patiemment que possible la fin de ce déjeuner interminable quand le roi prend enfin congé, nous permettant tacitement de quitter la table à notre tour. Je me dépêche alors de me lever et me dirige vers la porte d'un pas décidé, pressé d'en finir avec cette maudite visite quand la voix douce de la reine me rappelle discrètement à l'ordre.
— Amaël ? Tu n'oublierais pas quelque chose ?
Je me retourne, cherchant rapidement des yeux un effet personnel que j'aurais laissé derrière moi quand soudain...
- Par tous les Dieux ! Lyssandre ! -
Elle est encore assise à sa place et me regarde l'air interloqué et peut-être même légèrement mauvais à présent. Ou bien est-ce simplement le fruit de mon imagination... Toujours est-il que je m'empresse de la rejoindre à contrecœur pour tirer sa chaise et l'aider à se lever selon les préceptes enseignés par Maître Elias. Mais à la raideur de sa main dans la mienne je sens bien qu'elle ne me pardonnera pas si aisément ce nouvel affront.
- Comme si être dans ses bonnes grâces m'importait... -
Mon devoir accompli je reprends immédiatement la direction de la sortie sans toutefois chercher à caler mon pas sur le sien comme le voudrait la bienséance. Mais quand je l'entends trottiner derrière moi pour me retrapper, je sais pertinemment que mes foulées rapides auront raison de sa tenue trop sophistiquée pour suivre un tel rythme. Je me force donc à ralentir tout en levant les yeux au ciel et prends soin d'ignorer le regard noir qu'elle me jette lorsqu'elle se retrouve à ma hauteur.
- Et bien ! Voilà une relation qui démarre du bon pied ! -
N'ayant pas voulu provoquer davantage Père, Arkos est resté confiné dans mes appartements. Par facilité et aussi pour lui faire plaisir, j'envoie Ella le récupérer. Mais je regrette rapidement mon choix dès que je me retrouve seul avec l'étrangère. Nous patientons dans un couloir orné de tapisseries murales aux couleurs vives et chaleureuses qui n'arrivent pourtant pas à réchauffer l'atmosphère glaciale qui règne entre nous. Personne ne pipe mot.
Moi, parce que je suis d'un naturel plutôt taiseux et qu'en l'occurrence, je n'ai absolument rien à dire. Elle, certainement parce que je l'ai déjà vexée à deux reprises alors qu'elle n'est là que depuis quelques heures.
- Grand bien lui fasse ! -
Il va falloir qu'elle s'y habitue car je ne suis certainement pas disposé à prendre en compte ses humeurs !
Dieux merci, j'entends ma sœur dévaler en courant l'escalier qui mène à mes quartiers. Elle est suivie par le galop encore désuni mais parfaitement reconnaissable d'Arkos qui tente tant bien que mal de la suivre en jappant, mettant fin à cette attente gênante. Ils s'arrêtent tous deux à notre hauteur. À bout de souffle mais l'air aussi satisfait l'un que l'autre de leur course folle. Et allez savoir pourquoi, c'est ce moment que choisit Lyssandre pour se pencher vers le chien, sachant qu'elle n'avait montré pour lui aucun attrait particulier au cours de la matinée. J'imagine qu'elle cherche à renforcer le lien avec Ella en montrant de l'intérêt pour l'animal que l'enfant semble adorer.
Mais ce qu'il se passe ensuite nous laisse tous pantois.
Arkos qui du fait de son jeune âge reste encore facile d'approche, se met à grogner en montrant les crocs devant la main tendue qui s'avance vers lui. Instinctivement, Lyssandre se relève et recule, surprise et effrayée par la réaction du chiot en oubliant manifestement qu'il est encore inoffensif.
— Mais enfin, cet animal est dangereux Amaël ! Vous ne devriez pas le laisser circuler en liberté dans les couloirs du château !
Je ne daigne même pas répondre à cette offense déplacée. Elle me ferme définitivement à toute possibilité d'entamer une relation cordiale avec elle et j'ignore royalement sa suggestion.
Mais pour ma sœur, le mal est fait.
Je lui jette un rapide coup d'œil qu'elle ne me retourne pas mais je la connais par cœur. Et son verdict silencieux est sans appel. Ses yeux lancent des éclairs en direction de la sublime créature qu'elle adulait encore quelques minutes auparavant et qui vient désormais de perdre toute son estime.
Je ne peux m'empêcher de sourire intérieurement lorsque je la vois se redresser et reprendre sa stature de petite princesse qui a parfaitement conscience de sa position. Je reconnais bien là cette arrogance qu'elle tient de notre Père et qui je le sais, me caractérise également.
Tout en glissant un sombre regard d'avertissement à Lyssandre, elle prend fièrement la tête de notre cortège la main posée sur l'échine d'Arkos en guise de protection. Et le chiot redevenu lui-même la suit maintenant docilement pour entamer cette visite qui s'annonce des plus sympathiques.
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Le Don d'Ana - Tome I - L'Apprentie Élue (En cours de rédaction)
FantasyLEUR DESTIN SE SONT CROISÉS MAIS ILS N'AURAIENT JAMAIS DÛ SE RETROUVER. "Demain, j'aurai dix-sept ans. Demain, la Cérémonie du Choix aura lieu. Dans mon monde, le jour de nos dix-sept ans, deux possibilités s'offrent à nous. On peut choisir l'Un...