Le Don d'Ana - Tome I - L'Apprentie Élue (En cours de rédaction)

Chapitre 29 - les instruments de Laslaut

Nous continuons notre balade vers les clôtures blanches qui délimitent les plantations d'arbres fruitiers et de légumes divers servant certainement à approvisionner les réserves de Marta.

Je ne suis pas une experte en culture mais j'identifie de loin quelques variétés que nous faisons aussi pousser à la maison.

En longeant les palissades, je reconnais également à l'odeur certaines plantes aromatiques que maman utilise en cuisine. Tout l'espace cultivé est parfaitement optimisé et bien entretenu, à l'image du reste de la propriété.

En revanche, l'enchevêtrement - pour ne pas dire fouillis - de mauvaises herbes qui prolifèrent dans un des recoins du potager me laisse plutôt perplexe... Mais à voir la réaction d'extase que ce bosquet mal taillé provoque chez Romuald, je comprends immédiatement qu'il s'agit de plantes médicinales que doit exploiter son professeur.

Face à ce spectacle en total désaccord avec l'harmonie et l'ordre méticuleux qui règne partout en ces lieux, je ne peux empêcher mon cynisme naturel de se remettre en route, m'amenant à penser que si le professeur Arwen organise sa salle de classe de la même façon qu'il entretient sa parcelle, cela doit valoir le coup d'œil !

La promenade se poursuit et nous approchons maintenant de l'enclos grillagé ou quelques animaux de ferme, chèvres, poules, lapins et même une vache, sont occupés à terminer la ration de grains qui leur a été distribuée. Cela n'a pas vraiment le même effet sur moi que la découverte des écuries mais je suis tout de même contente de trouver des animaux différents sur lesquels je pourrais m'exercer quand j'aurais appris à maîtriser davantage mon Don.

En passant à proximité du petit troupeau hétéroclite, la génisse, une belle laitière à poil dur, lève la tête à notre approche et pose son doux regard frangé de longs cils noirs sur moi. Je ressens alors toute la plénitude de cette bête puissante qui a l'air tout à fait satisfaite de la façon dont elle est traitée ici. Je ne peux m'empêcher de sourire face à cette adorable bouille. Elle me suit des yeux tout en ruminant avec application jusqu'à ce que l'on s'éloigne et qu'elle replonge le museau dans son auge.

L'allée que nous empruntons maintenant nous ramène vers le manoir en passant par l'autre côté de la maisonnette. On nous explique la fonction de chaque construction devant lesquelles nous défilons, entrepôt pour le matériel de labour, étable, réserve de denrées, abri à fourrage... Mais jusqu'à présent, nous nous sommes toujours contentés de regarder de loin sans jamais pénétrer dans aucune des structures.

C'est pourquoi nous sommes tous piqués de curiosité quand Eric nous invite à le suivre à l'intérieur d'une bâtisse étroite percées de quelques fenêtres étriquées.

Aucun d'entre nous ne sait à quoi s'attendre mais à l'instant même où je franchis le seuil de la porte, je suis assaillie de toute part par différentes intensités de ressentis.

Sans même les avoir vues, je sais déjà que je me trouve en présence d'espèces animales particulièrement diverses. Et une fois mes yeux accoutumés à la pénombre de la pièce, je ne suis pas étonnée de voir que nous nous trouvons dans une sorte de ménagerie !

Plusieurs reptiles, tortue de terre, lézard, serpent, mais aussi une énorme tarentule bleu vif d'une variété exotique que je ne reconnais pas, sont entreposés dans des terrariums de taille conséquente dans lesquels une reproduction de leur habitat naturel a été reconstituée avec fidélité.

Si je me réjouis de l'existence d'une telle diversité à étudier au cours de mon année de formation, la vue de ces individus n'est visiblement pas au goût de tous.

Romuald parait intrigué mais reste tout de même à une distance respectable tandis que je colle mon nez aux vitres afin de mieux apprécier mes nouveaux sujets d'étude. Léonce, fidèle à lui-même, semble ne pas prêter d'attention particulière à ce qui l'entoure alors que Danaé reste pétrifiée à l'entrée. Elle est visiblement décidée à ne pas faire un pas de plus, une moue de profond dégoût figée sur son visage.

— Je ne mettrai pas un pied dans cet endroit. C'est répugnant, ne peut-elle s'empêcher de cracher.

Je me relève brusquement, prête à la remettre à sa place mais Eric me devance.

— Et bien il va falloir que tu t'y habitues Danaé ! Parce que soigner et nourrir les instruments de travail du professeur Laslaut font partie des tâches que vous aurez à accomplir à tour de rôle par groupe de deux et ce, tout au long de l'année.

Cette réponse dépasse largement mes espérances !

Je capte immédiatement le regard de Romuald qui se réjouit au moins autant que moi devant l'expression outrée de Danaé qui semble en état de choc. Je suis persuadée qu'elle ira se plaindre au directeur dès que nous aurons terminé notre tour guidé quand je la vois reprendre ses esprits, croiser les bras de rage et sortir de la pièce sans y avoir été autorisée.

Eric visiblement agacé par son comportement, écourte notre visite en nous pressant de sortir. Je suis déçue de ne pas rester plus longtemps pour prolonger mon examen mais avant que nous reprenions le chemin du manoir, je jette un dernier et rapide regard autour de moi.

J'ai le temps de repérer un perchoir à rapace - si je me fie à sa taille gigantesque - actuellement vide de son occupant ; juste à côté, un modèle plus modeste sur lequel repose une colombe à peine réveillée qui s'ébouriffe en nous regardant d'un œil courroucé ; j'aperçois également quelques rongeurs encore endormis dans leur nid confortable ainsi que d'autres cages vides dont je découvrirai certainement l'usage plus tard.

J'imagine sans peine que tous ces spécimens sont destinés à mon apprentissage et je suis vraiment excitée à l'idée qu'il démarre.

Je suis persuadée que mes cours seront passionnants !

Des étoiles pleins les yeux et l'imagination en ébullition, je rejoins les autres à l'extérieur avant qu'Eric ne referme la porte derrière moi. Danaé semble toujours contrariée, tout comme notre guide d'ailleurs et personne ne pipe mot.

Nous repartons donc dans une ambiance électrique mais silencieuse en direction de l'entrée du parc.