Chapitre 25 - la Maison des Apprentis

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Je suis brutalement tirée de mon paisible repos par mon compagnon de trajet qui me secoue le bras comme un dératé en s'égosillant.

— Ana ! Ouvre les yeux, dépêche-toi ! On arrive, regarde !

- Quel charmant réveil ! -

À travers la vitre, je suis des yeux la direction qu'il me montre du doigt et aperçois dans l'aube naissante les contours d'un manoir surmonté par cinq tours qui se dressent à l'horizon.

Nous avons donc voyagé toute la nuit.

Et si je me fie aux cimes encore enneigées que l'on distingue en arrière-plan, notre nouveau chez nous se trouve tout près des Montagnes Éternelles, à la frontière Est de notre Royaume.

Pendant que la distance entre nous et la Maisons des Apprentis s'amenuise, j'écoute distraitement Romuald qui ne cesse de faire des hypothèses sur l'organisation de notre futur quotidien.

Il est vrai que nous ne savons rien de ce qui nous attend. Ni comment se prénomment nos professeurs, ni à quoi ressembleront nos chambres, ni comment sera organisé notre emploi du temps et je suis tout aussi impatiente que lui de le découvrir.

À mesure que nous approchons, la lumière du jour se fait plus franche. Je distingue mieux l'énorme bâtisse ainsi que les nombreuses dépendances qui constituent un ensemble colossal ceint par une haute muraille de pierres d'un gris presque noir.

J'imagine que dans ces différentes structures doivent se trouver nos quartiers personnels, notre salle de classe, un réfectoire peut-être - ou encore une écurie ? -. Et visiblement, à quelques détails près, Romuald se pose les mêmes questions.

— Tu crois qu'ils vont tous nous faire dormir dans un dortoir ? me demande-t-il la mine déconfite.

Mon sixième sens me souffle qu'il angoisse à l'idée de devoir partager une quelconque intimité avec Danaé.

Je tente donc de le rassurer comme je peux.

— Je ne pense pas. Je doute fort qu'ils mélangent les filles et les garçons. Estime-toi heureux ! C'est moi qui risque de partager une chambre avec Madame Vipère.

— Ouf, tu me rassures ! Mais toi en revanche, je te plains ! Et je trouve que ce surnom lui va comme gant, approuve-t-il en riant de soulagement. C'est une vraie peste celle-là !

Nous sommes encore en train d'échanger quelques suppositions amusantes et commentaires piquants à l'attention de Danaé quand l'attelage s'immobilise enfin.

— On y est ! On y est ! On y est ! claironne Romuald à tue-tête et fier comme s'il annonçait l'arrivée du roi en personne.

Je ne peux m'empêcher d'éclater de rire face à son exubérance et à cette bonne humeur contagieuse.

Riant toujours de bon cœur, nous nous précipitons comme un seul homme à la fenêtre pour assouvir notre curiosité. Et lorsqu'Eric vient nous ouvrir la porte, c'est ainsi qu'il nous trouve, le nez collé au verre embué comme deux enfants.

J'admire la grille - ridiculement - grande aux ventaux estampés du E d'Élenie devant laquelle nous sommes désormais stationnés.

— Tout le monde descend ! J'espère que vous vous êtes reposés parce que le professeur Aïn, qui est aussi le Directeur de la Maison, vous attend, lance-t-il d'un ton enjoué. Vous pourrez prendre votre petit déjeuner dès que vous l'aurez vu, ajoute-t-il en sortant de sa poche une clé gigantesque qu'il glisse dans la serrure du portail.

Il pousse alors l'un des énormes battants qui coulisse sur ses gonds sans le moindre bruit malgré tout le poids que ces derniers doivent supporter.

Certainement l'œuvre d'un Élu possédant le Don de Création.

— Vous voyez le petit bâtiment rectangulaire face à vous ? dit-il en se reculant pour nous laisser passer.

Nous acquiesçons tous d'un seul mouvement de tête.

— C'est la salle de classe commune. Entrez et installez-vous, il vous y rejoindra dans quelques instants. Pendant ce temps, je me charge de vos sacs.

Nous avons tous entendu ses directives mais personne ne bouge.

Il faut dire qu'il y a tant à voir qu'on ne sait pas où donner de la tête ! Une fois passé la muraille d'enceinte, c'est un parc magnifiquement aménagé que nous sommes en train de découvrir. Des dizaines de constructions en pierre aussi sombres que la muraille s'organisent telle une petite ville autour de l'imposante demeure qui les domine de toute sa hauteur.

J'essaie de me repérer rapidement.

Au premier coup d'œil, les cuisines sont tout de suite identifiables. En effet, à quelques mètres seulement de l'entrée de l'édifice principal, une petite annexe laisse échapper une agréable odeur de pain chaud par l'une des trois cheminées qu'elle possède. En bordure des petits chemins pavés qui serpentent entre les bâtiments se pressent de ravissants massifs de fleurs, des carrés de pelouse parfaitement entretenus et derrière ce qui ressemble à une petite maison avec son jardinet, son porche et ses rideaux en crochet aux fenêtres, on distingue un lopin de terre encadré par de jolies barrières en bois blanchi derrières lesquels s'alignent quelques arbres fruitiers et autres plantations hors sol ; encore plus en retrait et pour mon plus grand plaisir, je repère également un enclos ou quelques animaux de basse-cour se prélassent dans les premiers rayons de soleil matinal.

À gauche des cuisines, la fameuse salle de classe commune est entourée par cinq constructions beaucoup plus petites mais toutes parfaitement identiques à la première, comme des modèles réduits.

Si nous avons des cours communs, j'en déduis que nous aurons également des cours privatifs, ce qui expliquerait les cinq classes supplémentaires. Une classe pour chacun des cinq Dons reconnus par la Couronne, même si cette année il n'y a pas de représentant du Don de Clairvoyance parmi nous.

Comme moi, mes compagnons doivent très certainement ressentir cette envie irrépressible d'explorer ce site encore inconnu dont nous avons tant rêvé. Alors, devant nos regards avides et frustrés qui ne cessent d'aller et venir et d'observer tout ce qui se trouve autour de nous, Eric s'empresse d'ajouter d'un ton gentiment moqueur.

— Allez, ne le faites pas attendre, vous ferez le tour du propriétaire plus tard je vous le promets !

Nous nous pressons donc dans la direction qu'il nous a indiqué, Danaé marchant en tête de notre petit cortège.

Le Don d'Ana - Tome I - L'Apprentie Élue (En cours de rédaction)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant