Chapitre 12 - la famille royale

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Après le départ d'Eloïse, Lyssandre se remet à bavasser avec ferveur, fidèle à elle-même et excitée par l'arrivée imminente des membres de la Couronne.

Amaël la remarquera-t-elle lorsque son tour viendra de monter sur l'estrade ?

- Quelle question ! -

Quelle tenue portera-t-il ? Sera-t-il toujours aussi séduisant ?

- Pourquoi le serait-il moins que la dernière fois ? -

Je me retiens tant bien que mal de la taquiner sur la futilité de ses interrogations. Mais à défaut de m'intéresser, son bavardage incessant m'empêche au moins de penser à la suite terrifiante de cette soirée qui s'annonce interminable.

Les citoyens du royaume s'estiment chanceux que la famille royale nous honore de sa présence à chaque Cérémonie. Si l'on compte celle du Choix, celle de l'Union, celle du Solstice d'été et celle de la Nouvelle Année, cela donne plusieurs opportunités à mon amie de s'extasier devant le prince tout en imaginant sa future vie à la Cour.

Lady Faser lui a tellement seriné qu'elle serait un jour l'épouse du prince qu'elle a fini par y croire elle aussi.

Pour ma part, même si l'apparence physique de mes semblables m'importe peu, je n'ai aucun doute sur ce point. Lyssandre est incontestablement la plus ravissante de toutes les jeunes filles qu'il m'ait été données de voir.

De haute stature, elle me dépasse facilement d'une tête et demie. Ses formes sont voluptueuses, son maintien est altier - déjà royal - et son visage parfaitement dessiné et lisse ressemble à celui d'une ancienne déesse, rehaussé de magnifiques yeux d'un bleu aussi éclatant qu'un ciel sans nuage. Il me parait donc naturel que tous les hommes qui croisent son chemin soient subjugués par cette éblouissante créature à la chevelure d'or et au regard pâle. Et le prince et le roi ne feront certainement pas exception à la règle, j'en mettrais ma main à couper.

- Après tout, ils ne sont que des hommes... -

La tradition veut que le roi choisisse pour son héritier une épouse du même âge. Et il se trouve que Lyssandre et moi-même sommes nées la même année que le prince. Cette Cérémonie du Choix revêt donc un caractère tout à fait exceptionnel.

Toutes les jeunes filles du Royaume qui monteront sur l'estrade ce soir savent qu'elles peuvent par la même occasion attirer le regard du roi qui, chacun le sait, profitera de cet événement pour repérer celle qui sera prochainement unie à son fils.

Intérieurement, je suis révoltée pour cette pauvre fille qui ne sera finalement choisie que pour l'attractivité de ses attributs féminins et non pour son aptitude à devenir un jour une reine acceptable pour notre peuple. Et j'ai beau apprécier Lyssandre, je ne suis pas réellement convaincue par ses talents à diriger un Royaume. Mais après tout, peut-être arrivera-t-elle à nous surprendre...

L'éventualité d'être guignée et examinée telle une pouliche sur un marché au bétail ne me séduit aucunement. Mais de toute façon, elle ne m'effleure même pas. Je choisirai le Don et ainsi, je renoncerai à jamais à l'amour et à la possibilité d'être unie à quiconque.

Et même s'il en avait été autrement, je suis bien trop insignifiante pour attirer le regard de qui que ce soit... Alors celui d'un roi !

La garde vient de mettre pied à terre et se place autour du promontoire royal richement décoré. Peu après, j'entends le son d'un clairon retentir, annonçant l'arrivée du roi et de sa suite. Lyssandre est dans tous ses états comme la majorité de la population qui nous entoure si je me fie à l'effervescence que je ressens tout autour de moi. Pour ma part, ce spectacle auquel nous assistons quatre fois l'an ne m'émeut guère. En revanche, je dois admettre que je suis toujours aussi subjuguée par les montures que je vais voir défiler sous mes yeux.

Comme à son habitude, le roi Théobald fastueusement vêtu se trouve en tête de la procession, droit et fier sur son destrier gris pommelé. Une bête splendide et puissante, avec un gabarit hors du commun. Il s'agit de l'un des Garanas, les chevaux sacrés du peuple élenien. On dit que le souverain lui est extrêmement attaché.

- Et comme je le comprends ! -

Mon amie et moi nous trouvons cependant assez loin du cortège pour que je puisse ressentir quoi que ce soit à son égard, cependant, mon intuition me souffle qu'il s'agît d'une bête loyale et courageuse. Comme j'aimerais posséder un jour un animal aussi incroyable !

La reine et sa fille Mirella sont quant à elles confortablement installées dans un attelage capitonné à ciel ouvert tiré par deux magnifiques hongres bruns. Le prince Amaël, qui n'est autorisé à passer le rite de la Capture qu'après ses dix-sept ans, ne possède pas encore de monture attitrée. Il accompagne donc les femmes de sa famille dans le cabriolet d'été.

Je sais de réputation qu'il est pourtant un cavalier remarquable même s'il ne monte guère plus depuis la mort accidentelle et tragique de son frère.

Lorsque le roi met pied à terre, plus un bruit ne se fait entendre malgré le nombre considérable de citoyens venus assister à la Cérémonie. Je peux percevoir à travers chacun des pores de ma peau l'agitation silencieuse et contenue qui parcourt l'assemblée, comme une vague imperceptible d'attente avide qui secoue chacun d'entre nous, moi y compris. Il en est toujours ainsi à l'apparition du cortège royal car notre souverain est un homme extrêmement respecté. Il émane de sa personne une autorité naturelle et un sentiment de puissance qui inspirent à chacun crainte et fascination.

Il finit par s'installer sur un fauteuil cossu qui domine toute l'assemblée où il est rejoint quelques instants plus tard par la reine et la jeune princesse escortées de leur garde personnelle. Respectant les usages, le prince Amaël attend qu'elles soient enfin installées pour descendre à son tour du cabriolet. C'est le rituel habituel et la tension ambiante est légèrement redescendue.

Je commence alors à me désintéresser de la scène royale tandis que Lyssandre plus euphorique que jamais a repris son babillage à propos du prince. À voix basse cette fois-ci, commentant la perfection de ses traits, ses goûts vestimentaires exemplaires et son caractère qu'elle espère aimable.

Portée par son envie de pouvoir l'admirer de plus près et ne me sentant pas le cœur de lui refuser ce plaisir, je me laisse entraîner un peu plus avant dans la foule.

Le Don d'Ana - Tome I - L'Apprentie Élue (En cours de rédaction)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant