Chapitre 6 - les Faser

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Après avoir déposé notre butin à la maison, j'avale tant bien que mal un bol de potage et nous nous mettons en route pour la propriété des parents de Lyssandre. Ils vivent sur les hauteurs, aux pieds des murailles de la Couronne.

On appelle la Couronne, le modèle réduit de ville fortifiée au cœur de la Citadelle dans lequel s'entassent la famille royale, sa cour de flagorneurs, la garde et l'Élite.

Le rang de la famille Faser est bien plus élevé que le nôtre. Les ancêtres de Sir Faser qui ont combattu pour le roi Aldric ont été anoblis en récompense de leur vaillance et de leur loyauté. Ils ont su faire fructifier les terres qui leur ont été offertes en remerciements et sont aujourd'hui extrêmement bien établis. Ils font partie des familles les plus fortunées de la Citadelle et leur demeure aux proportions démesurées en est la parfaite démonstration.

La bâtisse colossale se dresse au milieu d'un ravissant parc boisé, parfaitement entretenu et délimité par un muret de pierres blanches. J'ai toujours adoré me rendre chez mon amie d'enfance. Même si notre maison est plutôt bien située à mon goût car proche de la forêt, la leur représente tout ce que j'ai toujours rêvé de posséder. Non pas que vivre dans un château miniature me transcende - bien au contraire -, la richesse me laisse réellement indifférente. Pour être tout à fait honnête, c'est surtout le nombre d'animaux qui vivent ici qui me rend rêveuse. Lyssandre a la chance de partager son quotidien avec chiens et chats de race, colombes apprivoisées et chevaux magnifiques que son père collectionne.

Ses parents et les miens se fréquentent depuis de nombreuses années. Lady Faser est une grande admiratrice des talents de papa et c'est par cette appétence commune pour les tissus et les froufrous, qu'elle et maman ont fini par se lier d'amitié. Depuis, nos familles échangent fréquemment quelques dîners et invitations à prendre le thé.

Je traine volontiers des pieds lorsque mes parents et moi sommes conviés à des mondanités en ville. Mais lorsque qu'il s'agit de rendre visite aux Faser, je me fais rarement prier. Maman est persuadée que je suis ravie de retrouver Lyssandre pour partager un moment avec elle et je me garde bien de la détromper.

Lyssandre et moi avons le même âge, mais peu en commun. Nous nous connaissons depuis toujours et même si je suis ravie de la retrouver à l'occasion de ces invitations, elle est loin d'être dupe. Elle me couvre donc volontiers pendant que nos mères boivent le thé au salon en échangeant tout un tas de banalités.

Nous attendons de leur avoir faussé compagnie sous prétexte d'avoir des confidences à nous faire et elle me permet de m'échapper une heure ou deux par une porte de service pour aller admirer les chevaux de son père.

Mais mon amie y trouve également son compte... Sa mère est de loin bien plus exigeante et autoritaire que la mienne. Elle ne lui laisse que très peu de moments de répit puisque Lyssandre doit être parfaitement accomplie et toujours ravissante.

- Ce qu'elle est déjà incontestablement -

Mais ce n'est jamais suffisant. Elle doit mettre toutes les chances de son côté si elle veut attirer le regard du roi avant l'Union prochaine de son fils. Pour cette raison, elle passe le plus clair de son temps à peaufiner son apprentissage de la musique, de la couture ; à parfaire sa démarche, son élocution ; à s'enduire de baume pour la peau et à se nourrir de légumes crus afin de garder une ligne irréprochable.

- Comme je la plains ! -

Elle profite donc de mes escapades pour s'allonger sur son lit et s'empiffrer de friandises que je lui apporte en cachette.

Lorsque le temps pluvieux ne me permet pas de sortir sans risquer de me faire démasquer - la boue sur mes chausses serait une preuve de ma culpabilité bien trop évidente -, je me contente de m'asseoir sur son lit et je la regarde distraitement brosser ses magnifiques cheveux couleur de blé tandis qu'elle babille sur sa future vie à la cour.

Je n'ai que peu d'intérêt pour ces futilités. Alors dans ces moments-là, je profite de la compagnie apaisante de Milord, son magnifique chat angora à la toison gris perle qui adore se rouler en boule sur mes genoux et se faire cajoler en ronronnant bruyamment.

D'après mes quelques expériences avec cette race, les félins sont assez réceptifs à mon Don mais restent extrêmement indépendants et secrets. Les seules perceptions que j'arrive à discerner chez eux sont assez primaires et parfois même amusantes. Cela tourne en général autour de deux ou trois sujets récurrents qui se révèlent être une obsession pour le sommeil, la chasse mais surtout pour les oiseaux ! C'est d'autant plus flagrant chez les chats domestiques qui, choyés et nourris plus que de raison, n'ont que peu de matière à s'inquiéter. Chez leurs homologues sauvages ou errants, j'arrive cependant à percevoir des émotions différentes telles que la crainte, la faim ou encore le besoin de fuir à tout prix.

Malgré la douce saison et le soleil qui brille et se reflète sur l'étang du parc, je sais que la visite des écuries sera impossible. Et j'en suis extrêmement déçue ! J'aurais tellement aimé dire au revoir à Divine, la jument du père de Lyssandre que j'apprécie tout particulièrement. C'est un animal intelligent et je suis certaine que mes visites lui manqueront autant qu'à moi.

Mais j'ai également conscience qu'aujourd'hui est un jour spécial pour tout le monde. Je mettrais ma main à couper que Lyssandre sera dans tous ses états et que je vais devoir m'armer de patience pour la supporter quelques heures.

Qui sait, cela mepermettra peut-être de relativiser quant à ma propre angoisse qui monteinsidieusement à mesure qu'approche l'heure de la Cérémonie.

Le Don d'Ana - Tome I - L'Apprentie Élue (En cours de rédaction)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant