Le Don d'Ana - Tome I - L'Apprentie Élue (En cours de rédaction)

Chapitre 59 - sentence

J'arpente le château à la recherche d'Ella en essayant de trouver un sens aux paroles d'Arnault. Mon objectif était simplement de contrarier Père, pas de réformer le monde dans lequel nous vivons depuis des décennies ! Après ces révélations, j'en viendrai presque à regretter cette folie.

La seule chose positive concernant cette prédiction c'est qu'il n'a évoqué aucune menace sur ma personne. Ramener et garder Cérès ici est une chose. Mais s'il reste, cela implique que je sois capable de le monter le jour de La Cérémonie de l'Union. Et c'est précisément lors de cet événement et en tentant cet exploit que mon frère a perdu la vie devant toute la cour. Si la mienne était en péril, j'imagine qu'il aurait profité de cette entrevue pour me mettre en garde comme il a prévenu Père pour Rodric...

De toutes les façons, ma fierté est telle que je ne renoncerai pas à tout ce que j'ai déjà accompli. Père devra répondre de son entêtement. Et s'il ne plie pas et rend sa liberté à Cérès, je jure devant les Dieux que jamais je ne capturerais un autre Garanas ! Jamais je ne pourrai être uni et je jetterai ainsi l'opprobre sur toute notre famille en discréditant l'autorité royale ! Je suis même prêt à subir le Châtiment Suprême s'il le faut. Une vie d'exil ou je pourrai passer le plus clair de mon temps à chasser et me laisser porter est surement préférable à l'avenir remplit de contraintes que j'entrevois ici...

Voilà les élucubrations qui me dévorent quand je perçois un jappement bien caractéristique.

- Enfin ! -

Je me dirige alors vers la source de ce bruit parfaitement identifiable et sans surprise, je découvre Ella et Arkos dans une alcôve discrètement dissimulée par un épais rideau de velours. Je suis satisfait de les trouver ensemble mais mon soulagement n'est que de courte durée. Ella est assise à même le sol, la tête enfouie entre ses jambes repliée et ma petite sœur pleure en silence tandis qu'Arkos gémit de compassion, allongé à ses pieds.

- Comme je m'en veux ! -

Ella a déjà tant souffert et je sais pertinemment qu'aujourd'hui, c'est moi qui suis la cause de sa peine...

Je n'ai alors pas d'autre choix que de m'asseoir près d'elle mais je n'ose pas la prendre dans mes bras de peur qu'elle me rejette. J'ai conscience de l'avoir trahie mais je veux mettre toutes les chances de mon côté en étant honnête. Je sais qu'elle est suffisamment intelligente pour entendre et peut-être plus tard, comprendre les raisons qui m'ont amenées à cet acte délibérément provoquant et douloureux pour mes proches.

Voilà comment je me suis retrouvé à lui ouvrir mon cœur, lui exprimant toute la rancœur que j'éprouve envers Père depuis l'accident car c'est elle qui a motivé ma décision. Je lui ai raconté mon voyage, la Vallée des Rois, le troupeau et le rôle d'Arkos pendant la Capture tout en m'abstenant de lui relater les détails dangereux et minimisant la bestialité de Cérès. J'ai également tenté de lui faire entendre que ce dernier n'est qu'un animal sauvage. Qu'il n'est pas vraiment responsable de ce qui est arrivé à notre frère bien-aimé... Ella m'a patiemment écouté tout en caressant machinalement la tête d'Arkos. Pas une seule fois elle n'a levé la tête mais ses larmes se sont taries à mesure que j'avançais mes arguments et que je lui dévoilais mes sentiments les plus profonds.

C'était une petite victoire mais ce n'était pas encore suffisant. J'ai alors pris une décision imprudente mais que j'ai jugée nécessaire sur l'instant et lui ai donc révélé la teneur de la vision d'Arnault.

Ce n'était peut-être pas la meilleure chose à faire mais je l'ai fait pour la rassurer, lui faisant promettre de garder le secret. Puis à mon tour, je lui ai promis qu'il ne m'arriverait rien, prenant la prophétie de l'Élu comme gage de vérité. Elle ne devait pas avoir peur, tout se passerait bien. Évidemment, Ella ne m'a jamais répondu. Mais après quelques instants, elle a relevé son doux visage pour plonger son regard dans le mien et de sa petite main chaude, elle a pressé mon bras en signe d'assentiment.