Le Don d'Ana - Tome I - L'Apprentie Élue (En cours de rédaction)

Chapitre 19 - les adieux

Lorsque je rejoins papa et maman, je peine tellement à me remettre de cet épisode invraisemblable que leurs félicitations me passent presque au travers. Je suis encore perdue, à la fois heureuse et soulagée d'avoir réussi à traverser ce moment que je redoutais tant. Mais je suis surtout accablée par ce qui vient de se passer.

Le regard hostile du prince et mon embarras à la suite de ce fâcheux événement flottent encore en moi de manière dérangeante, m'empêchant de profiter au maximum de ces derniers instants avec ma famille.

Et comme pour enfoncer le couteau dans la plaie, maman ne cesse de ressasser chaque détail qu'elle a réussi à capter de mon passage sur l'estrade, certaine d'avoir vu le prince m'accorder un regard plus insistant qu'il n'en a adressé à aucune autre jeune fille. Pas même à Lyssandre !

Elle affirme pleine d'orgueil que si j'avais choisi l'Union j'aurais certainement eu toutes mes chances !

- Par tous les Dieux ! –

Comment peut-elle être autant déconnectée de la réalité ?

Papa, heureusement moins naïf, lève les yeux au ciel derrière son dos et me regarde avec compassion. Il n'a pas besoin de me poser la question. Il connait assez bien mon Don pour savoir que si le prince a daigné m'accorder un regard, c'est à cause de l'incident avec le chiot. Il sait que je suis responsable de ce qui vient de se produire mais ne me juge aucunement. Et surtout, il me fait le cadeau de ne pas évoquer le sujet devant maman. Je lui adresse un sourire de gratitude et je réalise alors que cette complicité va terriblement me manquer.

Je suis tellement confuse que c'est à peine si je remarque que parmi les derniers adolescents à se présenter devant l'Éclaireur, une magnifique jeune fille aux longs cheveux bruns - certainement celle dont Lyssandre m'a parlée - et un garçon un peu malingre font également le Choix du Don.

Nous serons donc quatre à intégrer la formation !

- Quel soulagement ! –

Soulagement que je n'arrive malheureusement pas à apprécier à sa juste valeur à cause de ce que qu'il vient de se passer.

Lorsque le dernier candidat reçoit son bracelet, la tension ambiante semble enfin retomber et le climat festif qui fait habituellement suite à ces Cérémonies reprend rapidement ses droits, chacun retournant à ses occupations.

Les jeunes gens qui ont choisi l'Union sont ravis d'exhiber leur nouveau bijou et paradent au milieu de leur entourage les joues rosies de plaisir, grisés par cet instant de fierté et de bonheur qui n'appartient qu'à eux.

Je respire avec une pointe de regret ce sentiment d'insouciance qui transpire et se répand tout autour de moi. Je ne connaîtrai jamais cette sensation. Pour moi comme pour les trois autres jeunes gens qui m'accompagneront ce soir, la Cérémonie n'est pas terminée. Dans quelques instants, nous serons convoqués par l'un des généraux de la garde royale et sommés de le suivre.

Personne ne sait exactement ce qu'il advient après.

Pour avoir scrupuleusement observé - et envié - le départ des Apprentis lors des nombreuses Cérémonies du Choix auxquelles j'ai pu assister depuis mon enfance, je sais simplement qu'il est l'heure de faire mes adieux à mes proches avant d'être marquée à l'abris des regards et de partir pour une destination inconnue.

- Enfin, c'est ainsi que je l'imagine -

Papa et maman savent également que le moment est venu. D'un instant à l'autre, je devrai les quitter et ne serai autorisée à les revoir que lorsque je serai une Élue. Après la terrible scène qui vient de se dérouler sur l'estrade, je pensais que le pire était derrière moi. Mais je suis en train de réaliser que je m'apprête à surmonter l'un des moments les plus difficiles de ma vie.

Même si mon souhait le plus cher est de pouvoir vivre enfin mon Don sans limite et apprendre tout ce que je pourrai un jour maîtriser grâce à lui, quitter ma famille et le sentiment de sécurité qu'elle m'inspire me transperce le cœur. Je ne m'imaginais pas capable de ressentir de telles émotions alors que j'attends ce moment depuis toujours. C'est pourquoi j'inspire - encore ! - profondément et me concentre pour reprendre le dessus sur mes états d'âme avant de m'adresser à mes parents.

— Papa, maman. Je vais bientôt devoir partir. Merci de m'avoir soutenue et d'être à mes côtés ce soir. Je ne sais pas si je serai autorisée à vous écrire, mais si c'est le cas, je vous promets de le faire.

Effondrée, maman me prend dans ses bras en pleurant à chaudes larmes et papa se rapproche pour nous enserrer toutes les deux, les yeux rendus brillants par l'intensité du moment. Nous restons ainsi quelques instants, formant un trio de couleurs et de corps entremêlés et chevrotants. C'est à ce moment-là que retentit l'appel glacial du général, nous enjoignant, mes futurs compagnons et moi à nous munir de nos effets personnels et à le retrouver dans les plus brefs délais.

Tout se passe ensuite tellement vite.

C'est à peine si je me vois embrasser papa qui me souhaite d'être courageuse pour la prochaine étape qui m'attend et me réitère toute la fierté que je lui procure.

Et maman, - qui a retrouvé sa maladresse naturelle en moins de temps qu'il ne faut pour le dire - qui m'implore d'être sage et de ne pas les décevoir.

Je récupère ma sacoche de voyage sur laquelle papa a veillé depuis le début de la soirée, leur adresse un dernier signe de la main en souriant et leur tourne rapidement le dos avant d'être une nouvelle fois ravagée par l'émotion.

- Pour la énième fois de la soirée ! -

J'inspire à plein poumon et relève la tête pour me diriger d'une démarche résolue vers mon avenir qui me tend la main.

- Et la Marque qui me terrifie ! -