Le Don d'Ana - Tome I - L'Apprentie Élue (En cours de rédaction)

Chapitre 9 - vers la Plaine

Quelques heures plus tard, nous sommes enfin parvenus à bout de ma longue tresse piquée de fleurs sauvages.

- Encore une idée de maman... -

J'ai revêtu ma magnifique robe blanche et mes chaussures assorties et je me tiens désormais sur le seuil de notre maison, prête à partir. Maman est splendide dans sa tenue émeraude qui contraste avec le roux flamboyant de sa chevelure tout en faisant ressortir ses yeux verts et ses tâches de rousseurs. Mais elle me tourne tellement autour sous prétexte d'ajuster ma tenue que j'en ai le tournis.

Papa, parfaitement apprêté comme toujours, se tient un peu en retrait et nous attend patiemment. Il porte la sacoche de voyage que j'ai descendue de ma chambre quelques instants auparavant. Ce fut encore un moment difficile à passer. J'ai embrassé du regard cet espace qui fut le mien pendant dix-sept ans avec un véritable pincement au cœur puis j'ai jeté un dernier regard vers la fenêtre dans l'espoir d'apercevoir Plume, en vain.

Quand maman estime que je suis enfin digne de me présenter en public, nous nous engageons ensemble sur le chemin de terre grise qui mène à la Plaine.

La Citadelle et la Plaine ne sont séparées que par la Grande Rivière tumultueuse que l'on appelle plus communément la Traîne. Elle tire son nom du motif que dessine son cours sinueux en traversant le Royaume d'un bout à l'autre. Et d'après la légende, ce dessin est censé représenter la traîne traditionnelle et excessivement longue que porte la reine d'Élenie le jour de ses noces.

- Voilà une légende qui doit faire rêver Lyssandre ! -

Pour ma part, je trouve cette comparaison ridicule et j'aurais préféré qu'on lui attribue un nom plus représentatif de sa puissance incontrôlable.

D'après mes cours d'étude du territoire élenien, la Traîne prend sa source à l'Est, dans les Montagnes Éternelles ou elle n'est encore qu'un mince cours d'eau. Elle est ensuite rejointe par de nombreux affluents qui se jettent en elle de toute leurs forces, créant ainsi de dangereux tourbillons. Et elle termine enfin sa course en s'élargissant et en s'assagissant jusqu'à rencontrer la mer d'Eran tout à l'ouest, près de la frontière du Royaume d'Élenie.

Notre maison se trouve en bordure de la Traîne, à la lisière de la Forêt bleue baptisée ainsi en raison des immenses conifères typiques de notre région qui la boisent et dont le feuillage caractéristique tend vers le bleu gris en fonction de la luminosité à laquelle il est exposé.

Cette forêt, je la connais par cœur. Elle me sert de terrain de jeu et de terre de refuge depuis mon plus jeune âge. Me permettant ainsi d'échapper au regard dépité ou réprobateur de maman lorsque mon attirance pour la faune lui pèse trop. J'y ai passé un nombre incalculable d'heures à étudier le comportement de diverses espèces animales, leurs différences et leurs habitudes et c'est avec nostalgie que je regarde vers le sous-bois lorsque nous passons devant pour rejoindre la Plaine.

Sur la route nous croisons de nombreuses connaissances qui nous saluent et me souhaitent bonne chance. Mais ils le font à demi-mot et ne s'attardent jamais vraiment.

Si je n'avais pas le Don, ou si j'avais plutôt choisi l'Union, il en serait tout autrement. Maman répond en souriant à toutes ces marques d'attention mais je la connais assez pour savoir qu'au fond d'elle, elle souffre que je sois différente, que je ne rentre pas dans le moule. D'ordinaire, cela me blesse et me pousse à me refermer sur moi-même, à prendre mes distances avec elle.

Mais ce soir, je sais qu'elle m'aime malgré toutes nos différences et qu'elle sera tout de même fière de moi lorsque je me présenterai devant l'Éclaireur. Et je m'en sens grandie.

Alors, d'un geste empreint d'une toute nouvelle assurance, je lui prends la main pendant que nous marchons. Elle me regarde, surprise, puis me sourit et serre ma main un peu plus fort. Cette démonstration d'affection est si rare entre nous qu'elle ne manque pas d'émouvoir papa qui se rapproche à son tour et prend mon autre main dans la sienne.

C'est ainsi que nous arrivons sur les lieux de la Cérémonie du Choix.