Chapitre 4 - Plume

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Le grand jour est arrivé et comme de coutume, je me suis réveillée à l'aube.

Bien évidemment, la découverte de ma robe ne fut qu'un bref moment de répit avant que maman et son obsession pour la mode n'aient raison de moi. Il m'a fallu endurer une interminable séance d'essayage. Elle m'a fait arpenter la pièce de long en large et ce, à plusieurs reprises afin qu'elle puisse m'admirer sous toutes les coutures. S'en sont suivis plusieurs essais infructueux de coiffures, de chaussures et pour finir, d'élocution.

Elle m'a tellement épuisée que j'ai dormi d'un sommeil de plomb, m'épargnant ainsi les rêves de dentelle, de corset ou encore de chignons.

De ce fait, je n'ai pas non plus eu l'occasion de songer au déroulement de cette journée qui va changer ma vie. Ce qui n'est pas pour me déplaire.

Je n'ai pas honte d'avouer que ces derniers temps, lorsque je soufflais ma bougie et me retrouvais seule dans le noir, je ne cessais de penser à la Formule que je crains d'écorcher ainsi qu'à la Marque et à la terreur mêlée d'envie qu'elle m'inspire. Sans oublier les adieux à ma famille et à mes proches.

Tout en essayant de vider mon esprit de ces pensées qui m'assaillent, je me glisse hors du lit. Pieds nus sur le parquet lustré par les années je me dirige à pas de loup vers la fenêtre. Maman doit déjà avoir mis la maison sens dessus dessous ! Et une fois qu'elle m'aura entendue je n'aurai plus une minute à moi. Je repousse alors mes volets aussi silencieusement que possible et les premiers rayons d'un soleil de printemps viennent effleurer ma peau encore endormie. Grisée par cette douce chaleur qui contraste avec l'air frais matinal je me mets à siffler quelques notes qui s'élèvent et ressemblent à s'y méprendre au chant d'un oiseau. Quelques secondes plus tard, un autre doux sifflement me répond et se rapproche jusqu'à ce qu'un minuscule rouge-gorge vienne délicatement se poser sur ma main tendue.

— Te voilà toi, petit chenapan ! Bien le bonjour !

L'oiseau me picore de son minuscule bec en guise de réponse et je perçois chez lui une onde de bien-être. C'est notre rituel quotidien, je parle à Plume comme s'il me comprenait et il me le rend bien.

Comme d'autres animaux avant lui, j'ai ramené Plume à la maison il y a un an environ alors qu'il était blessé. Après avoir guéri son aile abimée et l'avoir nourri quelques semaines pour lui permettre de reprendre des forces, je l'ai enfin relâché. Mais Plume ne s'est jamais vraiment éloigné. Tous les jours il vient me saluer. Et s'il disparait parfois quelques temps, il revient toujours à moi.

Tout d'un coup la réalité me rattrape et je réalise que demain je ne serai plus là. Je l'imagine alors attendre vainement mon appel des jours durant jusqu'à ce qu'il comprenne enfin qu'il ne viendra pas. Mon cœur se serre. J'aimerais lui faire comprendre qu'il va devoir reprendre sa liberté mais je sais que c'est peine perdue. Silencieusement, je lui fais mes adieux et prie pour qu'il ne souffre pas de cette séparation à laquelle il n'est pas préparé.

J'essaie de ne jamais m'attacher aux animaux que je soigne. Maman tolère déjà leur présence temporaire, je ne pourrais décemment pas lui imposer de vivre dans une ménagerie. Mais surtout, avec l'âge et l'expérience, j'ai également compris qu'un animal qui est sauvage, doit le rester.

La plupart du temps tout se passe comme prévu et l'animal repart se fondre dans la nature. Mais parfois le lien est trop fort.

Mon Don, c'est ce lien.

Le Don de Perceptionqui me permet de communiquer avec l'espèce animale. Et Plumen'est qu'un infime aperçu de cette étrange connexion qui me lie à elle

Le Don d'Ana - Tome I - L'Apprentie Élue (En cours de rédaction)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant