Le Don d'Ana - Tome I - L'Apprentie Élue (En cours de rédaction)

Chapitre 20 - présentations

Je rejoins en quelques enjambées le petit groupe hétéroclite formé par mes trois nouveaux camarades qui patientent au pied de l'estrade.

Un peu intimidée mais néanmoins excitée de faire leur connaissance, je me surprends à prendre l'initiative de me présenter dès que je me retrouve à leur côté.

— Bonsoir, je m'appelle Ana.

Le premier d'entre nous à avoir choisi le Don lors de la Cérémonie me sourit franchement en me tendant la main et se présente à son tour.

— Ravi de faire ta connaissance Ana ! Moi c'est Romuald. J'ai le Don de Guérison. Je t'ai vu sur l'estrade, et tout le bazar avec le chiot du prince ! Je parie que tu as le Don de Perception ! Je me trompe ? me questionne-t-il ouvertement.

Son franc-parler et le fait d'avoir été démasquée aussi rapidement me déstabilisent et je me sens même rougir de honte et de contrariété. Je m'apprête à lui répondre sèchement que je n'apprécie pas vraiment d'être ainsi accusée en public lorsque je vois sa mine déconfite et ses joues rebondies s'empourprer à la lumière des flammes. Je comprends alors qu'il est lui-même gêné de s'être montré aussi maladroit et indiscret et il s'empresse de se rattraper.

— Pardonne-moi. Je ne voulais vraiment pas te mettre mal à l'aise ! Maman me dit toujours que je devrais tourner sept fois ma langue dans ma bouche avant de l'ouvrir !

Sa franchise et son embarras me font immédiatement sourire. Totalement conquise par cette réaction attendrissante, je tâche de lui répondre gentiment pour le rassurer.

— Ne t'en fais pas Romuald. Je ne t'en veux absolument pas et je suis ravie de faire ta connaissance.

Le soulagement que je lis alors dans ses yeux me conforte dans mon impression favorable et je sens même que nous pourrions devenir de bons amis. Il me fait penser à un jeune animal impulsif et penaud à la fois, provoquant chez moi un sentiment instinctif de protection.

Rassérénée par cette première rencontre positive, je me tourne avec espoir vers le second garçon de notre quatuor.

Il me dépasse de quelques centimètres à peine et paraît chétif, presque malade. Mais ce qui m'interpelle avant tout, c'est l'air subjugué et légèrement ahuri avec lequel il fixe le quatrième membre de notre groupe.

Une sublime jeune fille au teint pâle, aux cheveux sombres et à l'air agacé. Elle se tient presque dos à nous, les bras croisés et le menton relevé dans une attitude hautaine, fixant l'horizon comme si nous n'étions pas présents. En admirant son profil parfait, un mauvais pressentiment me transperce mais je préfère ne pas m'y fier, elle pourrait me surprendre de la même façon que Romuald.

Par ailleurs, ce dernier vient au secours de ses nouveaux camarades en se chargeant de faire les présentations à leur place.

— Ana, je te présente Danaé, qui a le Don d'Illusion et Léonce. Il a le Don de Création.

Voyant que l'intéressé ne réagit ni à l'annonce de son prénom ni à celle de son talent, Romuald me fait discrètement comprendre d'un signe évocateur de la main que Léonce n'a visiblement plus toute sa tête depuis qu'il a posé les yeux sur cette fille.

Ce trait d'humour et d'espièglerie inattendus m'arrache un petit rire que je tente d'étouffer de peur de paraître impolie mais c'est peine perdue ! La splendide brune au teint d'albâtre se retourne alors d'un mouvement brusque et vient planter son regard noir dans celui de Romuald, puis dans le mien. D'une voix froide et dénuée de sympathie, elle nous lance.

— Comment pouvez-vous rire dans un moment pareil ? D'un instant à l'autre nous allons recevoir la marque. C'est un rite sacré ! Vous devriez faire preuve d'un peu plus de retenue !

Romuald baisse instantanément les yeux comme un enfant pris sur le fait.

Pour ma part, son ton accusateur et moralisateur me déplaît fortement et je soutiens effrontément son regard jusqu'à ce que la voix du Général nous ramène à la réalité du moment.

Mais les présentations sont faites, et Romuald mis à part, je ne sais pas vraiment à quoi m'en tenir avec mes nouveaux compagnons.

- Nous verrons bien -

Docilement, nous suivons le commandant des armées du roi le long d'un sentier de moins en moins éclairé jusqu'à arriver à proximité d'une imposante tente faite d'un tissu épais et pourpre sur laquelle ondulent désormais nos ombres.

Nous nous tenons devant l'entrée, à la fois impatients et effrayés mais surtout inconscients de nos présences respectives. Nos regards se croisent sans vraiment se voir et même Danaé a perdu de sa superbe assurance.

Chacun sait qu'il ressortira à jamais transformé de sous ce dôme sombre et inquiétant, mais aucun d'entre nous ne sait réellement de quelle manière...